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OM: FLICAGE EN VUE…
NEWS 06.03.2013
Par Sylvain Poncet
Peu de médias ont parlé de la bagarre qui s’est déclenchée en bas du virage Nord dimanche juste après l’égalisation de l’OM face à Troyes. Depuis la tribune de presse où nous étions, nous avons pourtant assisté à un mouvement de foule important et à l’intervention musclée des stadiers. Quelques minutes plus tard, une compagnie de CRS est venue se mettre en position au cas où. Chose très rare au Vélodrome… La dernière fois que nous avions vu des CRS en bord de pelouse, c’était pour le match entre l’OM et Fenerbahce en Ligue Europa. La bagarre qui s’est déclenchée chez les Yankees est-elle du même tonneau? Nous avons voulu en savoir plus.
Première personne à nous informer, un policier en civil, fin connaisseur du Stade Vélodrome. « Ça fait quelque temps que ça chauffe chez les Yankees. Il y a eu la banderole anti-Anigo déployée face à Valenciennes. Là, apparemment, les stadiers ont sorti les mains (NDLR: comprenez distribuer des mandales) pour une histoire de filet arraché » nous glisse le flic. Effectivement, sur l’égalisation de l’OM, plusieurs supporters Yankees sont montés sur les filets qui évitent aux ballons d’atterrir en virage nord. Une manifestation de joie qui n’est pas du goût de l’OM car ces filets subissent des dégâts. Dégâts qui sont systématiquement facturés par AREMA à l’OM. Pour rappel, AREMA est le consortium qui a la gestion du Stade Vélodrome. AREMA n’hésite pas à demander à l’OM de payer entre 5 et 10 000 euros la réparation ou le remplacement de ce fameux filet. Le club ne veut plus payer et fait donc la chasse aux petits malins qui montent au filet. D’où l’intervention musclée des stadiers. Du côté des supporters, on n’a que très moyennement apprécié cette brutalité. « On leur a dit 100 fois de ne pas le faire, nous dit-on du côté de l’OM. Mais il semblerait que ce soit un peu le bordel chez les Yankees, que les troupes soient moins bien tenues qu’avant« . En gros, l’OM reproche à une nouvelle génération de supporters de faire n’importe quoi dans un stade quand l’ancienne savait comprendre le discours du club. Cette histoire de filet révèle que le fossé se creuse entre le club et certains groupes de supporters. Le public est frustré de ne plus pouvoir manifester sa passion par des craquages de fumis, des banderoles et… des montées au filet. L’expression du supporter est contrôlée. Fliquée. A l’OM, on jure qu’on veut privilégier le dialogue. Mais le dialogue est-il possible? Pas sûr.
DANS LE COLLIMATEUR
Car le fait que les CRS se mettent en position en bas du virage n’est pas dû à l’OM mais à la préfecture de Police. Selon nos informations, le représentant de l’Etat a requis la compagnie de CRS en faisant fi de l’avis de Guy Cazadamont, le Monsieur Sécurité de l’OM. La réquisition ne porte pas sa signature car la préfecture de police n’a pas jugé utile de l’avoir. Et ce n’est pas obligatoire. Echaudée par la manifestation Anti-Anigo avant le match et par le blocage du car de l’équipe de Troyes, jugeant que l’ordre public avait été perturbé, la préfecture de police a décidé de montrer ses muscles. Une bagarre virage nord? Et hop une compagnie de CRS! Du côté de l’OM, certains jugent le recours au CRS excessif. Mais c’est dans la logique du Ministère de l’Intérieur et de la loi Loppsi II. L’Etat entend éliminer les associations de supporters. Le PSG l’a connu avec le plan Leproux. Saint-Etienne et Marseille, places fortes du supportérisme en France, sont dans le collimateur. Les autorités rêvent d’un supporter spectateur…
LE MARTEAU ET L’ENCLUME
La manifestation Anti-Anigo et Anti-direction aura elle aussi des conséquences. L’OM envisage très fortement de porter plainte. Le ministère public, lui, veut instruire le dossier pour « trouble à l’ordre public » et ne laissera pas passer le blocage d’une avenue par 80 à 100 manifestants. A moins que le club ne mène l’enquête par ses propres moyens sur l’identité des organisateurs de cette « manif ». Après l’affaire Stéphane Tapie qui avait donné le numéro de Vincent Labrune à l’antenne de France Bleu Provence, l’OM s’était chargé de faire peur aux personnes qui avait appelé et insulté le président de l’OM. Le club avait retracé l’identité des appelants et les a contacté… en se faisant passer pour la police! Du Louis de Funès! Pour la manif, l’OM et la police savent pertinemment que tout part de Facebook. Pas difficile à remonter le fil… Mais à décharge l’OM est pris entre le marteau et l’enclume. Si le club ne flique pas ses supporters, l’Etat lui tombe dessus. Si l’OM flique, ses supporters lui tombent dessus. Le marteau ou l’enclume. « Des fois, tout ça me fatigue » nous souffle une huile du club. On le comprend.
Ce flicage traduit pourtant une chose. Le petit monde de l’OM et du supporter a changé. Tu allumes un fumi dans un stade, tu es IDS. Tu grimpes à des filets qui valent 10 000 euros, on te file une baffe. Tu exprimes spontanément quelque chose dans la rue, tu es l’objet d’une enquête. Tu es supporter d’un club? Tu es un criminel qui s’ignore! Que veut-on? Des stades morts? Réduire le craquage d’un fumigène à un débordement hooligan est juste ridicule. L’interdiction systématique en lieu et place d’une discussion est problématique car elle engendre rancoeur, bravades, incompréhension et débordements de part et d’autre. Pouvoir public et culture ultra sont deux mondes lointains. Des passerelles sont-elles possibles?