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Sans numéro 10, l’équipe de France de football n’est jamais allée bien loin. Kopa a mené le jeu des Bleus dans les années 50 et 60, Platini s’est approprié avec maestria les années 1980 et Zidane est l’homme qui a fait entrer la France du football dans l’histoire, entre 1995 et 2006. Entre temps, on n’est pas loin du vide.
Depuis que « Zizou » a quitté l’équipe de France, aucun meneur de jeu axial ne s’est imposé, laissant l’équipe jouer dans un schéma complètement stéréotypé et sans imagination, à la merci de toute défense à peu près organisée, comme ce fut le cas au Mondial et face à la Biélorussie plus récemment. Ces échecs ne sont pas des suprises, depuis une vingtaine d’années, les espoirs français présentent un jeu proche de l’indigence, sans jamais rien gagner alors qu’ils voient passer en leur sein des joueurs qui sont ensuite devenus parmi les meilleurs au monde. Pendant 11 ans, de 1993 à 2004, Domenech sera le sélectionneur de ces espoirs désespérants, sans jamais rien soulever comme trophée, et surtout sans jamais séduire sur le plan du jeu. Comment s’étonner que la France ne sache plus attaquer lorsque, après 11 ans de misère footballistique avec des espoirs qui deviendront pour certains champions du monde, puis d’Europe chez les grands, cette même personne est propulsée pour six années à la tête de l’équipe nationale ?
Vendredi, en fin d’après-midi, les espoirs français ont pris une leçon technique en Ukraine, accrochant le nul alors qu’une défaite aurait été logique. Comme la Belgique, l’Ukraine va probablement terminer devant la France au classement. Pas très glorieux. Une fois de plus, les espoirs français, la catégorie qui représente le mieux le travail de formation, manquera un grand rendez-vous, l’Euro 2011, et ne disputera pas les Jeux Olympiques. Une vraie habitude bien plus parlante que les succès européens dans les catégories plus jeunes, où peu de pays du Vieux Continent ont des structures aussi poussées que la France et que les différences physiques dans la préparation sont plus criantes. Cette remarque s’applique également à l’équipe de France féminine, qui possède un centre technique dédié, ce que n'a aucun autre pays européen, des structures et un centre de formation professionnel ainsi que des jeunes joueuses qui n’ont que le football comme préoccupation comme seulement trois autres pays au monde (Allemagne, Etats-Unis et Chine). Mais l’équipe nationale féminine produit depuis des années un football indigent, et obtient des résultats catastrophiques (une seule fois qualifiée pour la Coupe du monde depuis 20 ans, une seule fois passée le premier tour d’un Euro depuis 28 ans).
Et vendredi soir, l’équipe de France a également reçu une leçon de technique par le Biélorussie. Certes, le match aurait pu se terminer par un match nul, mais qui a eu la possession de balle ? Qui a réussi des combinaisons offensives, même à faible allure ? Qui a appliqué un schéma de jeu défini où chaque joueur était à sa place et jouait juste ? La Biélorussie, avec des joueurs soit hors de forme, soit bien plus âgés que la moyenne. Alors que finalement l’équipe de France n’avait qu’une arme à faire valoir : son physique. Oui, Clichy, Sagna et Malouda courent deux fois plus vite que leurs adversaires, oui Rami et Diaby sont bien plus puissants, oui Menez, ou même Ribéry pour la suite, ont les capacités pour dribbler trois joueurs dans un mouchoir, mais pour quel résultat ? Des centres ratés, des relances hasardeuses, aucun jeu à une touche de balle, un mouvement limité au porteur et au demandeur du ballon. Impossible de contourner une défense organisée dans ces conditions. Mais comment s’étonner devant une telle incapacité à tout simplement jouer au football ? La fameuse « formation à la française » n’a presque produit que des travailleurs du football, des joueurs athlétiques, puissants, taillés directement pour aller en Premier League, alors que l’Espagne cartonne avec des mini-pouces comme Xavi, Villa et Iniesta en devenant les maîtres de la conservation de balle. Il suffit de se rappeler du fameux documentaire « A la Clairefontaine » pour se rappeler, que dans le « must » de la formation française, même à l’âge de 13 ans, les qualités physiques de quelques joueurs étaient mises en avant au détriment des qualités techniques d’autres. Résultat : seul deux de ces joueurs qui représentaient l’élite de la préformation, sont devenus internationaux (Diaby et Ben Arfa) quand la plupart sont tombés dans l’oubli. Car il suffit de voir les transformations physiques des joueurs les plus techniques (Zidane en début et en fin de carrière) pour savoir que la puissance et la condition physique se travaillent et peuvent s’acquérir, mais que la technique, le flair et le sens du jeu, sont bien plus précieux.
En France, à voir les critères physiques à l’entrée des centres de formation et de certains clubs, il n’est pas certain que Xavi ou Iniesta aient été acceptés. Alors, quand les formateurs et les instances se rendront compte qu’un arrière latéral sachant centrer est plus précieux qu’un autre capable de faire trois-aller retour de but à but en une minute ou qu’un milieu capable de se retourner et de délivrer proprement un ballon vers l’avant en moins de trois touches de balle doit être le minimum requis pour un international, ou bien encore que des attaquants doivent être toujours présents dans les 20 mètres adverses pour combiner et conclure les actions, cela évitera de laisser croire qu’un joueur capable de courir 12 kilomètres en 90 minutes est un grand joueur. Aors que depuis la nuit des temps, et Laurent Blanc le disait vendredi soir, le plus difficile dans le football reste de marquer les buts. En attendant, et cela peut durer longtemps, sauf en cas de prise en main de l’équipe par un nouveau numéro 10 capable de faire élever le jeu de ses coéquipiers, il y a de grandes chances qu’il faille prendre son mal en patience avant de revoir l’équipe de France dans le dernier carré d’une grande compétition. Et après la Biélorussie, d'autres seconds couteaux pourraient faire encore pleurer le football français.