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Aimé Jacquet : "Une démission collective n'aurait pas de sens"
LEMONDE | 01.07.10 | 10h32 • Mis à jour le 01.07.10 | 10h36
La Fédération française de football tient son conseil fédéral, vendredi 2 juillet. Son président, Jean-Pierre Escalettes, a annoncé qu'il remettrait sa démission. L'ex-sélectionneur des Bleus, Aimé Jacquet, prône l'apaisement.
Le conseil fédéral doit-il démissionner en bloc ?
Aimé Jacquet : Non, ce n'est pas nécessaire. Les institutions sont bien en place, il s'agit là d'élus, représentant les familles du football. Qu'ils soient issus du monde professionnel ou amateur, il leur appartient de remettre en ordre les structures dans un climat de confiance. A eux d'imaginer un nouveau mode de fonctionnement. Je me méfie de ceux qui veulent tout bouleverser, ils ont en général d'autres intentions derrière la tête. Une démission collective n'aurait pas de sens. Mieux vaut se remettre au boulot.
Mais l'échec du football français est patent, d'ailleurs M.Escalettes a décidé de démissionner…
Ce n'est pas lui qui était sur le terrain, que je sache. Je trouve d'ailleurs qu'il a une attitude digne. Il a encaissé tellement de pressions. Il a été un très bon président du monde amateur, mais arrivé à la tête de la fédération, il a trop subi, trop fait confiance aux hommes, trop délégué. Et puis, a-t-il été soutenu ?
Le football français peut-il imploser ?
J'ai l'impression de revivre 1994, quand Jean Fournet-Fayard avait dû quitter la fédération, remplacé par un président intérimaire. L'échec du secteur sportif entraîne souvent le reste. Mais là, il y a eu autre chose, le comportement des joueurs. Leur attitude m'a blessé, je ne comprends pas ce qu'ils ont voulu dire. Ils ont adopté une conduite incompréhensible, inacceptable, irresponsable et irrespectueuse. Les joueurs ont commencé à s'exprimer, j'espère simplement qu'ils ne mentent pas. J'ai croisé tellement de gens atterrés par ce qui s'est passé. L'image laissée est désastreuse.
Comprenez-vous l'intervention politique ?
C'est totalement déplacé. Que chacun fasse son travail. Le discours de MmeBachelot parlant de "caïds immatures"? Mon Dieu, mais je rêve! Et cette histoire de discours à lire à haute voix aux joueurs, de charte, bon sang, pas besoin d'en rajouter ! Le management humain, c'est au sélectionneur qu'il incombe.
Quand vous étiez à la tête de la direction technique nationale (DTN) de 1998 à 2006, auriez-vous toléré une telle intrusion ?
A l'époque, j'avais déjeuné avec le premier ministre, Lionel Jospin, mais c'était privé, il n'y avait aucune récupération. En tant que DTN, j'étais en relation constante avec Marie-George Buffet ou Jean-François Lamour et ils ont toujours respecté notre indépendance. Et puis, qu'ils balaient devant leur porte: si le sport et ses valeurs ne sont pas plus enseignés à l'école, ils y sont pour beaucoup.
Les joueurs sont-ils des "caïds" ?
Traiter les footballeurs de "caïds", c'est dur, ce n'est pas convenable. Il faut faire attention aux mots, surtout quand on a valeur d'exemple, comme un ministre de la République. C'est démagogique. En vérité, les joueurs sont responsables, c'est d'ailleurs ce qui me rend encore plus triste. Il n'y a pas de benêts dans le football. Les joueurs sont entourés par des conseillers, bons ou mauvais. On voit bien que la lettre lue par Raymond Domenech lors du boycott de l'entraînement a été rédigée par un avocat.
Vous aviez soutenu Raymond Domenech…
Oui, jusqu'en 2006, où, dois-je le rappeler, nous avons atteint la finale du Mondial. Ensuite, je me suis retiré complètement. Ce qui s'est passé après, c'est de la faute de ceux qui sont restés aux commandes. Moi, Raymond, je lui ai dit, fin 2006: "C'est fini, j'arrête, ne m'appelle plus…" Et il s'y est tenu. Mais bon, sélectionneur de l'équipe de France est un poste tellement difficile. On commet tous des erreurs.
Propos recueillis par Gérard Davet