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AVEZ-VOUS l’impression d’avoir été le maître d’œuvre de ce mercato ?
– Certainement. L’été dernier, j’ai plus souvent dit oui que non. Cette année, ç’a été un vrai mercato.
– Avez-vous eu des craintes ou des angoisses ?
– Oui, d’abord avec Loïc Rémy, c’était angoissant (1). Puis, il y en a eu d’autres. La “ négo ” Luis Fabiano (l’attaquant brésilien du Séville FC, longtemps pressenti à l’OM) n’a pas été simple non plus.
– Comment s’est-elle déroulée ?
– On a tout fait pour l’avoir mais le tarif demandé par Séville (18 M€ plus 4 M€ net annuels de salaire) n’était pas raisonnable. Tout le monde en a convenu, même Didier (Deschamps), qui a eu l’élégance de me le dire ensuite. Après l’épisode Fabiano, j’ai dit à Didier : “ Viens et donne-moi tes choix. ” Il est arrivé, s’est assis et a dit : “ Président, Gignac. ” C’était parti. Je dois reconnaître qu’il a fait un deuxième choix (Rémy) qui n’était pas évident pour lui car il voulait absolument Alou Diarra. Mais il n’y avait pas unanimité au club pour renforcer le milieu de terrain. L’avenir dira si Didier avait raison ou pas. Devant l’impossibilité Diarra, il m’a appelé pour savoir si c’était possible de faire Rémy et Gignac. On a travaillé deux heures et je l’ai rappelé : “ C’est oui. ” Au total, on vend Niang, Koné et on fait venir Gignac, Rémy, je ne crois pas qu’on perde au change. Il y a du talent, du rajeunissement avec des joueurs comme Azpilicueta ou Ayew. C’est comme ça qu’on construit l’avenir de l’OM.
« Jamais Anigo
ne s’est mis en travers
d’un choix
de Deschamps »
– On avait l’impression, l’an passé, que Deschamps était votre modèle dans les choix de joueurs. Y a-t-il eu un changement ?
– Il le reste, mais il doit savoir que tout n’est pas possible. Il peut le regretter et ç’a pu déclencher chez lui un peu de vague à l’âme. Didier nous a donné de magnifiques résultats, mais il y a simplement des impossibilités économiques.
– Comment avez-vous géré les problèmes relationnels entre votre entraîneur et José Anigo, le directeur sportif ?
– Je pense que l’avenir de l’OM a besoin de José et de Didier comme d’Antoine Veyrat (directeur général) et de ma modeste personne. Bon, il y avait un débat idéologique. L’un imaginait l’expérience, le court terme (Deschamps), l’autre voyait le moyen terme avec les reventes possibles (Anigo). Ces deux gestions se défendent.
– On a l’impression qu’Anigo, en retrait il y a un an, a repris la main en août, non ?
– Ce n’est pas une vision exacte. Didier fait les choix. D’accord, sur Niang (parti à Fenerbahçe), il y a eu des désaccords, sur Ben Arfa (prêté à Newcastle), c’était compliqué... Mais jamais Anigo ne s’est mis en travers d’un choix de Deschamps. Jamais.
– Vous ne pouvez quand même pas nier ces tensions...
– Oui, mais l’essentiel, c’est que les tensions soient derrière nous. Aujourd’hui, ils travaillent ensemble après, disons, un mois compliqué.
– Deschamps semblait toutefois irrité...
– Mais il a toujours joué le jeu. Le départ de Niang lui a compliqué la vie mais il est impossible de garder un joueur contre son gré. On peut m’opposer Taiwo et Brandao mais on va faire une clause au Brésilien et il pourra partir en fin de saison (pour 4 M€). De toute façon, on devait vendre pour recruter.
– Le cas Niang a donc été le plus sensible ?
– Peut-être... Ce n’était pas facile pour Didier. Il n’est pas bavard mais je ne le sentais pas aussi chaleureux et amical que d’habitude. (Rires.) Il a une obsession du résultat et qui peut le lui reprocher ?
– Avez-vous craint une cassure en interne ?
– Sincèrement, non. José et Didier se sont parlé, il y a une quinzaine de jours. Ç’a permis de dissiper les incompréhensions. Ils se sont dit ce qu’ils pensaient l’un et l’autre. C’est bien. Même si l’accouchement a été un peu angoissant, le bébé a bonne mine. Il a du rose aux joues.
« On a essayé
de faire venir
Drogba »
– Vous avez été confronté à un moment assez particulier avec le départ de Ben Arfa. Il aurait balancé quelques objets dans votre bureau...
– Oui, deux ou trois trucs, mais bon... C’est sûr que le dialogue est différent avec des journalistes. Je ne vois pas PPDA faire ça à TF 1, même quand nous avions des désaccords. (Sourire.) Ç’a ajouté à l’ambiance de cet été 2010 à la Commanderie. Il y a eu aussi la blessure de Souley (Diawara, touché à la cuisse gauche lors du Trophée des champions, le 28 juillet), le cas Mbia (en retard à la reprise, puis blessé au genou, il n’a joué qu’un match cette saison)... Lui, c’est un très grand joueur et une personnalité exigeante. Je lui ai donné rendez-vous en janvier. S’il fait une grande première partie de saison, on trouvera un bon accord.
– Vous imaginiez-vous ce type d’été après les sourires du doublé ?
– Oui, j’avais dit à Antoine (Veyrat) après le titre : “ Cher camarade, les emmerdes commencent !” Des joueurs veulent être augmentés, il y a les primes... Financièrement, c’est complexe car la première place n’est pas la meilleure, même si elle est sportivement magique. Je m’attendais à ça mais pas à ce point-là... (Sourire) Heureusement, Margarita Louis-Dreyfus et Vincent Labrune nous ont aidés. Ils nous ont avancé 8 M€ que l’on remboursera en deux fois (4 en janvier et 4 en fin de saison). On a même essayé de faire venir Drogba mais ça n’a pas été possible. On verra bien, il ne faut jamais renoncer dans la vie...
– Êtes-vous à l’aise aujourd’hui dans votre rôle de président ?
– Mon apprentissage, je crois, est terminé. Je suis pleinement président de l’OM. Ici, il faut bétonner les fondamentaux tout en gardant ce tempérament de feu, cette folie sans laquelle rien n’est possible. Ce poste est quand même troublant. Je ne fais pas 50 mètres à Paris ou à Marseille sans un mot d’encouragement. C’est excitant mais j’avoue qu’après les deux premiers matches perdus (2), avec les emmerdes du mercato, je cherchais de l’air. C’est finalement la contrepartie d’un job à la fois hyper passionnant et sacrément exigeant.
– On vous sent heureux...
– Complètement. Mais quelle angoisse au mois d’août ! Maintenant, la parole est à Didier. Et j’ai vraiment confiance en lui et en notre effectif. »
HERVÉ PENOT
(1) À la visite médicale de l’attaquant niçois, qui s’apprêtait à signer à l’OM, une anomalie cardiaque a été décelée. Elle ne remet finalement pas en cause la suite de sa carrière.
(2) Contre Caen (1-2, le 7 août) puis Valenciennes (2-3, le 14 août).