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Hier, la journée de Didier Deschamps a été particulièrement dense. Deux entrainements étaient inscrits au programme des Olympiens. Entre deux séances, le coach de champions de France a pris part à diverses réunions de travail consacrées au mercato, avec Jean-Claude Dassier, José Anigo et Antoine Veyrat. Le technicien a tout de même trouvé le temps de recevoir La Provence dans le courant de l'après-midi pour faire le point sur la situation actuelle. Entretien...
Il y a trois mois, vous défiliez avec votre équipe sur le Vieux-Port, en brandissant l'Hexagoal. Aujourd'hui, l'OM est relégable après deux défaites en deux matches. Tout bascule très vite...
Si on regarde le classement, c'est vrai. De toute façon, il y a toujours dans une saison des périodes difficiles, même si je ne pensais pas qu'on allait la connaitre maintenant. Certes, il y a eu beaucoup d'éléments négatifs, mais ce n'est pas pour ça que l'on ne doit pas obtenir des résultats devant Caen et même à Valenciennes.
Vous parliez d'éléments négatifs. Un mercato hésitant jusqu'ici est incompatible avec un rendement sportif de premier ordre ?
Evidemment, comme tout entraineur, je préfère disposer de tous les joueurs le plus tot possible. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. De plus, des joueurs importants sont partis, dont mon capitaine (Niang). Il a également fallu composer avec la suspension de Brandao, des blessures (Diawara, M'Bia) et le retour des internationaux.
Reconnaissez-vous qu'il y a eu certains ratés durant ce mercato à l'OM ? On songe notamment au départ de Mamadou Niang qui n'a visiblement pas été anticipé...
Oui, si vous voulez. Je peux aussi comprendre la volonté de "Mamade". C'est vrai, on aurait pu anticipé, mais mais pas comme ça s'est passé, c'est à dire à la reprise du championnat. Dès lors, forcement, cela a eu des conséquences sportives, car "Mamade", c'est 18 buts, 6 passes décisives. C'était mon capitaine ; il avait un role prépondérant auprès de ses coéquipiers. C'est un joueur à part, même s'il n'a pas été efficace lors de ses deux derniers matches. Mais là, il s'agissait de son cousin!
Donc, son départ n'a pas été anticipé, alors qu'un deal semblait, pourtant avoir été établi avec lui en fin de saison dernière en cas d'offre suffisamment interessante émanant d'un club...
Je ne sais pas. Moi, ma position est sportive. Mais je comprends aussi la position économique. En tout cas, mon idée première consistait à garder Niang et à l'associer à un grand attaquant. Bon, voilà, il est parti. Maintenant, je ne vais pas pleurer non plus. C'est comme ça. Des raisons - et peu importe la nature à la limite - l'ont emporté, mais la réalité, c'est que j'ai perdu mon meilleur buteur et mon meilleur attaquant.
En tout cas, vous vous retrouvez avec deux attaquants en moins (Niang, Ben Arfa) et Luis Fabiano, sur lequel vous comptiez beaucoup, ne viendra pas. Quel est votre sentiment ?
Mon iddée de départ, c'était de recruter trois ou quatre joueurs. On a engagé Azpilicueta car il y a eu un soucis avec "Lolo" Bonnart, même si je voulais le conserver. Ensuite, je pensais m'appuyer encore sur "Mamade" et enroler un grand attaquant sachant que j'ai pleinement confiance, aussi, en Brandao. Enfin, je souhaitais un milieu de terrain. Je partais de ce principe-là. Il y avait également une forte attente de la part des supporters. Je connais bien Marseille ! Malheureusement, tout n'a pas été possible. Attention, je ne suis pas là pour dire : "Je me fous du prix et peu importe ce qui arrive par la suite au club". Mais, sans faire injure aux joueurs de qualité qui vont arriver, il y avait un standing, une expérience et un niveau international à prendre en compte.
Vous vous opposiez au départ de Niang, il est parti. Vous vouliez l'arrivée de Luis Fabiano, il ne viendra pas. Un entraineur champions de France n'a pas forcément plus de poids que ça en fait...
Je suis entraineur ; je n'ai pas dit : "J'ai gagné, poussez-vous, c'est moi qui décide de tout". Je ne suis que le coach ; j'ai une position sportive et les ultimes décisions ne me reviennent pas. Ensuite, évidemment, je préfere que ma position sportive soit importante. Après, que l'on puisse faire ce recrutement ou pas, c'est autre chose. On a les moyens qui sont les notres et forcement cela limitent les possibilités de choix.
Certes, mais en tant qu'entraineur, vous avez encore des objectifs à atteindre cette saison : confirmer le titre de champion et franchir un palier supplémentaire en Ligue des champions. Avez-vous l'effectif pour y répondre ?
Evidemment, là, on a perdu beaucoup de joueurs. Je vais faire avec l'effectif dont je disposerai au 31 aout à minuit. Mais d'ici à cette date, on aura déjà joué quatre matches de championnat. En Ligue des champions, on a l'ambition de franchir une étape, mais il faudra tenir compte des impondérables, au premier rang desquels le tirage au sort.
Une nouvelle défaite face à Lorient, samedi, pourrait-elle plonger le club dans la crise ?
Une crise des résultats peut-être. Après, crise... De toute façon , à Marseille, même quand ça va , il y a la crise aussi. Je ne pense pas à tout ça. Avec mon staff, on prépare l'équipe pour la meilleure performance possible.
Ensuite, on ne maitrise pas les éléments aléatoires comme les décisions arbitrales par exemple. A Valenciennes, Mathieu (Valbuena) a été victime d'une agression et l'arbitre aurait du exclure le joueur. En général, j'ai remarqué que lors des périodes difficiles, rien ne tourne vraiment en notre faveur.
Le mercato est également marqué par le blocage avec Hatem Ben Arfa...
Blocage... Hatem a dit ce qu'il avait à dire, mais moi, aussi, j'en ai des arguments. Il a quand même été impliqué dans 40 matches la saison passée. Je connais ses qualités. Il a cependant un problème de continuité et d'implication dans le travail. Hatem, c'est un joueur atypique. C'est forcement un gros souci pour les entraineurs. Il peut faire la difference à tout moment, mais lorsqu'il a commencé certains matches, il n'a pas eu la même influence. Dès lors, je l'ai utilisé comme joker parce qu'il n'avait pas les jambes pour accomplir tout un match.
Il a décidé de s'en aller, c'est son choix, même si je le reconnais, j'avais prévu qu'il parte sans pour autant lui avoir fermement déclaré que je ne comptais pas sur lui. Au bout d'un moment, il faut bien trouver une solution. Par rapport à tout ce qui s'était passé et ce qui l'attendait - le contexte notamment -, il avait peut-être besion d'autre chose. Niang partant, il aurait cependant pu nourrir d'autres ambitions au club. Mais il s'est mis dans la tête de partir et de ne plus travailler avec moi. Il est sous contrat avec le club et il n'est pas là depuis cinq jours, ça, c'est la réalité, même si je pense que ce n'est pas une bonne situation pour lui d'agir ainsi.
Quand on parlait de blocaque, on faisait référence notamment à l'insulte que Ben Arfa avait proférée à votre encontre ("Tu me casses les couilles") en novembre 2009. Cet épisode vous a-t-il marqué par la suite au point d'influencer votre attitude vis-à-vis de lui ?
Pas du tout. Je l'avais vaguement entendu. je lui ai demandé de repeter ; il ne l'a pas fait. Mais bon, des joueurs qui disent des noms d'oiseau à leur entraineur, ça existe tous les jours. Si cela avait été de manière frontale, cela aurait été different. De toute manière, ce fait-là n'a eu aucune influence. Sinon, je n'aurais je n'aurais jamais fait jouer Mathieu (Valbuena qui s'était plaint publiquement de sa situation en décenbre 2009) non plus. Je suis dans une logique sportive. Si j'estime qu'un joueur doit être aligné - et même si je l'apprecie moins qu'un autre -, il est sur le terrain. L'affectif n'entre pas dans mes choix professionnels.
Jean-Pierre Bernès est votre agent. Il aurait une influence dans certaines décisions et notamment dans celles liées à la campagne de recrutement...
Quand on attaque Jean-Pierre, c'est comme si on m'attaquait. C'est mon agent et mon ami. On parle beaucoup de football, il aime ce club. A aucun moment il y a eu des interférences ou du business organisé. Il m'aide et me conseille. En début d'année, j'ai pris la décision de ne pas avoir de contact avec les agents de joueurs, quels qu'ils soient. Je ne discute pas avec eux, ce n'est pas mon travail. Mais Jean-Pierre n'intervient jamais pour un quelconque interet ! On discute tous les deux, mais il ne le fait jamais à l'encontre du club ou pour compliquer les dossiers, bien au contraire.
Vous sentez-vous pleinement écouté par votre direction ?
Ecouté ? Je pense qu'elle m'écoute. Qu'elle m'entende ? C'est autre chose. C'est different ! (sourire).
Si vos dirigeants ne vous entendent pas parfois, c'est parce qu'ils n'ont pas toujours les moyens de répondre à vos attentes...
Oui, peut-être aussi. Les aspects sportifs et économiques sont liés. Avec l'ambition qui est la mienne et celle des joueurs, j'étais convaincu qu'il était possible de faire quelque chose de bien, voire de très bien. Ce n'est pas le cas. Voilà. Ce n'est pas moi qui mène les discussions et qui signe les contrats. Moi, je peux dire : "Ce joueur m'interesse". Si on ne peut pas le recruter, eh bien, on ne peut pas.
On vous met souvent en opposition avec José Anigo. Est-ce que vous entretenez des relations franches et constructives avec lui ?
Avant même que j'arrive, on avait déjà cherché à nous opposer. José était là avant moi ; il sera là après moi. Ca, c'est clair. Tous les deux, on a une relation professionnelle et concrète. On n'est pas obligé d'être amis. Il me respecte dans notre travail. C'est le directeur sportif. On fait en sorte que ça fonctionne dans l'interet du club. On peut avoir des divergences de vue, ça existe, mais on est chacun dans notre role. Moi, je n'outrepasse pas le mien. J'ai toujours respecté l'organigramme. Ce n'est pas parce que j'ai gagné, avec les joueurs, des titres la saison dernière que je vais réclamer un pouvoir supplementaire.
Il n'y a donc aucune guerre de clans...
En aucun cas. J'ai vraiment d'autres choses essentielles à m'occuper.