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DIDIER DESCHAMPS, l’entraîneur de Marseille, évoque l’intersaison plutôt sereine de son club et ses ambitions.
Sous le soleil de la Commanderie, Didier Deschamps (42 ans) paraît serein, à l’heure de retrouver le Championnat et de lancer son équipe à la reconquête d’un titre perdu la saison dernière. L’été est plus tranquille qu’il y a un an, où les bras de fer engagés par Mamadou Niang (parti à Fenerbahçe) et Hatem Ben Arfa (parti à Newcastle) avaient perturbé la préparation. Évidemment, l’entraîneur apprécie. Il revient, aussi, sur les changements à la tête de l’OM, alors que Vincent Labrune a remplacé Jean-Claude Dassier au poste de président, le 9 juin dernier.
MARSEILLE –
de nos envoyés spéciaux
« IL Y A QUELQUES jours, Guy Roux nous a soufflé une idée pour l’OM : “Si le club met des vigiles devant la maison de chaque joueur, il faut aussi qu’ils notent l’heure à laquelle les joueurs rentrent.”
– (Il rit.) Mais c’était il y a 120 ans, ça !
– Vous semblez exiger une plus grande discipline de vos joueurs.
– Ce n’est pas MA volonté. Vincent (Labrune) est sur la même longueur d’onde. L’an dernier, on a surtout alimenté la chronique people (1). Il faut que les joueurs sachent qu’il y a des choses qui sont permises et d’autres pas, par rapport à leur image, et pour le club. S’il y a besoin de faire un exemple, on le fera. Quand un joueur sort du cadre, il faut qu’il soit sanctionné comme il se doit, et que les autres le sachent.
– L’an dernier, vous étiez déjà l’entraîneur, mais ce n’était pas le cas ?
– Non. L’entraîneur a une responsabilité sportive. Le règlement était déjà là l’an dernier. Les joueurs ont un contrat moral avec moi. Le contrat financier, ils l’ont avec le club. Ce n’est pas mon domaine. La sanction devra aussi être financière. C’est celle-là qui fait le plus mal.
– Si l’équipe dirigeante en place était restée, est-ce que vous seriez parti ?
– Je ne me suis même pas posé la question ! Ma réflexion n’était pas là. Je voulais savoir comment, avec quoi et avec qui ça allait fonctionner, voilà. Ce n’est pas moi qui ai dit : “Je reste pour avoir ça, ça et ça.” Jamais de la vie. On m’a dit : “Voilà la situation sportive, la situation économique, la décision de l’actionnaire.” Il fallait avoir la feuille de route globale, connaître l’organisation, les prérogatives de chacun, savoir ce que l’on pouvait faire ou pas au niveau des joueurs. Avant de prendre une décision, j’ai besoin de savoir où je vais.
– Depuis que Vincent Labrune est président, ça se passe bien ?
– Très bien, mais c’est le cas pour tous les entraîneurs et tous les présidents, à cette période. C’est les matches amicaux, tout le monde a le sourire. Je ne veux pas comparer par rapport à avant, ça s’est bien passé aussi, on a eu de bons résultats. Mes prérogatives sont les mêmes, je suis autant responsable de ce qui se passe, ni plus ni moins.
– L’année dernière à la même époque, ça n’était pas si simple...
– Comme tout entraîneur, je veux avoir les joueurs le plus rapidement possible pour travailler avec le groupe. L’an dernier, c’était plus compliqué, et ça a eu des conséquences. Cette année, le pouvoir de décision est plus direct. Le fond, c’est que un, Margarita (Louis-Dreyfus, propriétaire du club) souhaitait absolument me garder. Elle l’a dit et redit. Deux, qu’elle puisse savoir en temps réel ce qui se passe dans son club, sportivement et économiquement.
– Votre titre, maintenant, c’est “entraîneur général”. Qu’est-ce qui a changé ?
– Rien. Je m’occupe toujours du même domaine. Les fonctions des uns et des autres ont été peut-être un peu plus définies, notamment par rapport au bâtiment sportif.
– Vous en êtes le patron ?
– Ce n’est pas la question d’être le patron. Les joueurs savent que je suis le responsable. Ils testent, ils ont déjà testé. Tout ce qu’ils peuvent dire à Vincent, je le sais, et tout ce qu’ils peuvent me dire, Vincent le sait. Ils ne vont pas avoir un double discours. J’ai une autorité sportive. Il y a l’autorité du club qui est là, et Vincent va la faire respecter. Ce n’est pas un gage de succès mais il n’a pas du tout envie, et Margarita encore moins, qu’on anime la presse people.
– L’ambiance a-t-elle changé ?
– Ce n’est pas pour ça qu’on va gagner tous les matches, mais ça respire mieux, il y a plus de gens qui s’impliquent. La concentration dans le travail est bien meilleure. Les joueurs savent que je suis sous contrat jusqu’en 2014, ils savent que les choses sont claires.
– Quelle est la différence entre le cas Niang, il y a un an, et le cas Lucho, aujourd’hui ?
– Niang était programmé pour être là et, à la veille de la première journée, on entre dans un bras de fer. Là, on n’est pas dans le même cas de figure. Lucho est là et, s’il reste, tout le monde sera content.
– Il y avait une date butoir au 15 juillet, pour son départ..
– Non, c’était plus pour avoir un repère. Dans l’absolu, la seule deadline que l’on ait, c’est le 31 août (date de la clôture du mercato).
– N’est-ce pas un handicap, pour la préparation, de ne pas être fixé ?
– Non, ça ne change rien. S’il part, ça pourrait m’amener à changer, mais ce n’est pas dit. 4-3-3, 4-2-3-1, ça dépendra de ce que je veux faire. On ne va pas rester sur un schéma.
– Mais s’il reste, Lucho sera titulaire.
– Oui, évidemment. Et s’il n’est plus là, ce sera différent. Ce n’est pas la meilleure des choses, mais il bosse, il est professionnel.
– Débutera-t-il samedi, face à Sochaux ?
– Pourquoi pas ? Il a un contrat. Je sais pourquoi il veut partir, je connais ses arguments. Plus tôt ce sera réglé, mieux ce sera, mais aujourd’hui tout le monde ne s’y retrouve pas.
– Sentez-vous un esprit de revanche par rapport à la saison passée ?
– Non. Ce qui nous a fait défaut, c’est qu’à un moment l’objectif collectif a été un peu moins important que l’objectif individuel, dans l’état d’esprit au quotidien.
– C’est-à-dire ?
– Ce sont des attitudes dans le vestiaire, des comportements, des paroles qui remontent toujours à un moment. Il y en a onze qui jouent, ça ne changera pas. La notion de collectif doit passer au-dessus de tout, même si l’égoïsme est de plus en plus présent. Quand tu ne joues pas, tu n’as plus la flamme, elle s’éteint.
– C’était important d’amener un peu d’enthousiasme au groupe ?
– Les nouveaux (2) ont l’état d’esprit, ils ont un challenge à relever, l’envie de réussir. C’est pour ça aussi qu’on les a pris, j’ai fait attention à la mentalité. Le but, c’est de ne perdre personne.
– Après deux tentatives en 2009 et en 2010, vous avez finalement obtenu le transfert d’Alou Diarra. Mais il ne semble pas à son meilleur niveau depuis plusieurs mois. Où est le problème ?
– Mais il n’y a pas de problème ! Il n’est pas bon en ce moment, mais il ne faut pas le juger sur un match ! Pourquoi serait-il bouilli ? Ça, c’est un truc bien français. Passé trente ans, on serait bouilli. Il faut arrêter ! Il y a des joueurs de trente-quatre, trente-cinq ans qui marquent des buts. Et on peut être bouilli à vingt-trois ans. Ça n’a rien à voir ! La saison dernière, il est resté à Bordeaux par défaut, et quand un joueur reste par défaut alors qu’il était programmé pour partir, il n’est pas bien dans sa tête.
– Vous comptez sur lui pour devenir un leader ?
– Il l’a fait à Bordeaux, il l’a fait en équipe de France. Il a ça en lui. Je sais le rôle qu’il a dans un vestiaire. Il a besoin d’un peu de temps. Je ne me fais aucun souci, mais je sais qu’il peut être meilleur qu’il l’a été.
– La saison passée, l’OM était favori et n’avait pas été champion. Cette fois, c’est le PSG qui est favori, d’après notre consultation (3). C’est donc une bonne nouvelle pour vous...
– Bonne nouvelle, bonne nouvelle... Disons que vous avez suffisamment parlé du PSG et de ses investissements colossaux pour qu’il soit favori. Les joueurs recrutés par le PSG, ce sont des chevaux de course. Ce n’est pas parce qu’on a les meilleurs joueurs qu’on a la meilleure équipe, mais on a plus de chances d’avoir de meilleurs résultats avec de bons joueurs. Je ne pense pas que mon ami Antoine (Kombouaré) va se plaindre.
– On se dirige vers un duel PSG-OM, alors ?
– Non, parce que Lille sera là, et Lyon a la même équipe, donc je ne vois pas pourquoi l’OL ne serait pas là.
– Si vous tenez jusqu’à décembre, vous battrez le record de longévité d’un entraîneur à l’OM (détenu, depuis le rachat de l’OM par Bernard Tapie en 1986, par Rolland Courbis, entre l’été 1997 et novembre 1999).
– C’est le cadet de mes soucis. Mais ça prouve la difficulté de la tâche. Ça n’a pas été simple, mais j’avais le désir de m’inscrire dans la durée. Là, c’est le cas contractuellement. Après, les contrats... Mais si je suis resté, c’est pour aller au bout. »
MÉLISANDE GOMEZ
et RAPHAËL RAYMOND