Une prolongation et des questions
Après avoir laissé planer le doute, Didier Deschamps a annoncé qu’il restait à Marseille. Une décision loin de mettre fin aux dissensions internes.
DIDIER DESCHAMPS avait jusqu’au 15 juin pour trouver un club susceptible de verser 3,5 millions d’euros à l’Olympique de Marseille afin de racheter sa dernière année de contrat et s’attacher ses services. Mais le doute qui faisait trembler Marseille depuis plusieurs semaines a été levé hier. Le 29 juin, le Basque sera présent à la reprise de l’entraînement. Et peut-être même à celle des deux saisons qui suivront. L’ancien milieu a pris ses dirigeants de vitesse en annonçant en fin d’après-midi – via un communiqué livré par Jean-Pierre Bernès, son agent – que son bail serait prolongé jusqu’en 2014 (voir par ailleurs). En fin de contrat, Nicolas Dehon, l’entraîneur des gardiens, devrait prolonger, tout comme Guy Stephan, même si l’entraîneur adjoint n’avait pas encore donné sa réponse définitive hier.
Sportivement, le maintien de son staff est une bonne nouvelle pour le « dauphin » de Lille. Depuis l’arrivée de Deschamps, en 2009, l’OM, qui n’avait pas remporté le moindre titre depuis sa Ligue des champions 1993, a gagné un Championnat (2010), deux Coupes de la Ligue (2009 et 2010) et un Trophée des champions, qu’il remettra en jeu le 27 juillet face à Lille à Tanger, au Maroc. Et puis l’instabilité chronique olympienne a été assez critiquée pour que sa volonté de s’inscrire dans la durée ne soit pas saluée.
Seulement, il est quand même difficile, ce matin, d’imaginer Deschamps cohabiter en toute sérénité avec le président, Jean-Claude Dassier, le directeur sportif, José Anigo, et le directeur général, Antoine Veyrat. On est d’ailleurs curieux de voir comment ils vont collaborer pendant le prochain mercato. Alors que Heinze a résilié son contrat et que le transfert de Lucho vers Malaga semble se préciser,
on imagine mal que Deschamps ait accepté de repartir avec un effectif seulement renforcé par des éléments qui n’ont fait leur preuve qu’en Ligue 1, comme Morgan Amalfitano, attendu très prochainement
.
« Il n’y aura pas de moyens colossaux pour le recrutement,
mais l’OM aura largement de quoi constituer une équipe très compétitive », a précisé Vincent Labrune, le président du conseil de surveillance, hier. « Je me félicite que l’actionnaire ait décidé d’aider l’OM. Comme je l’ai répété à plusieurs reprises, notre budget tendu ne nous permet pas de faire des folies », indique de son côté
Dassier, qui devrait en savoir un peu plus sur les nouvelles perspectives du club dont il est le patron, jeudi lors d’une réunion du conseil de surveillance, à Paris.
Qui aura le pouvoir ? « Didier est pour moi, comme pour Margarita Louis-Dreyfus, un personnage essentiel de l’OM, comme l’est José Anigo », prévient Labrune. Cette dernière précision n’est pas neutre. Ces deux dernières années, un fossé s’est creusé entre Deschamps et Anigo, mais aussi avec Dassier et Veyrat, qui louent l’attitude et le travail du directeur sportif. Ces derniers jours, personne à l’OM n’est parvenu à entrer en contact avec l’entraîneur phocéen. L’hommage que le champion du monde 1998 a rendu hier à Margarita Louis-Dreyfus et à Vincent Labrune, son homme de confiance, ne laisse guère de place au doute. C’est avec eux et pas avec ceux qui gèrent le club au quotidien que son nouveau contrat a été négocié. C’est auprès d’eux qu’il a obtenu des garanties. Et c’est à eux qu’il rendra désormais des comptes ?
Des négociations en direct avec Labrune
Au siège de l’OM, on a été informé du maintien de Deschamps un peu plus tôt dans la journée, à la lecture d’une dépêche de l’AFP. Et, hier soir, on pouvait lire ce communiqué laconique sur le site officiel du club : « Fidèle à son habitude, om.net communiquera les détails de cette décision (la prolongation du contrat de Deschamps) dès qu’elle sera contractualisée. » « C’est une non-information, s’est contenté de déclarer Jean-Claude Dassier. Depuis le début, je répète que Didier va rester avec nous. Ça montre que l’herbe n’est pas si mauvaise à Marseille. » À la Commanderie, personne n’a sabré le champagne hier. Car, si ceux qui gèrent le club au quotidien sont soulagés de voir un technicien dont ils apprécient les compétences rester à la tête de l’effectif professionnel, ils ont un peu eu l’impression, aussi, que Deschamps et son conseiller, Jean-Pierre Bernès, en les snobant, ont cherché à jouer avec leurs nerfs.
En acceptant de traiter directement avec Deschamps, Labrune a affaibli l’équipe dirigeante qu’il a mise en place.
Deschamps assure que sa motivation est intacte. À l’OM, son investissement a toujours été total. Mais sa décision de rester intervient au moment où ses deux points de chute envisageables, Chelsea et l’AS Rome – où le Néerlandais Guus Hiddink et l’Espagnol Luis Enrique sont respectivement donnés favoris pour la succession de Carlo Ancelotti et Vincenzo Montella –, tombent à l’eau. Deschamps admet volontiers qu’il avait commis une erreur en rompant son contrat avec la Juventus en 2007, juste après l’avoir fait remonter en Serie A. Ses deux années d’inactivité avaient été une souffrance. Pire, visiblement, que les deux qu’il vient de vivre à l’OM.
RAPHAËL RAYMOND
(avec JEAN-BAPTISTE RENET)