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Buzz et polémiques : le jeu dangereux de Daniel Riolo (RMC)
Suspendu de RMC pour ses propos sur l'accusatrice de Neymar, le chroniqueur a bâti sa renommée sur la polémique à tout prix. À ses risques et périls.
( - ) L'Equipe
Sacha Nokovitch
11 juin 2019 à 12h15
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Lundi soir, Daniel Riolo se tient sur le bord de la pelouse du stade Bauer à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Près d'un millier de personnes sont venues pour « le match de l'After ». Avant le coup d'envoi, l'éditorialiste vedette de l'émission du même nom sur RMC apparaît marqué...
Un peu plus tôt dans la journée, il a appris sa suspension et celle du consultant Jérôme Rothen de l'antenne du groupe RMC suite à leurs propos dans l'After Foot, jeudi soir, sur le physique de Najila Trindade, la jeune femme qui accuse Neymar de viol. « Mais la nana, tu l'as vue, la nana ? [...] La faire venir, prendre l'avion... tu vois ça débarquer et en plus, à l'arrivée, tu te retrouves dans la merde », a notamment balancé Riolo. Ce qui a suscité tout le week-end des réactions scandalisées de tous côtés, notamment de la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, et de la ministre des Sports, Roxana Maracineanu.
«Mais t’as vu la nana ?» : l’indécent débat de Rothen et Riolo sur l’affaire Neymar
En roue libre sur RMC Sport, le journaliste Daniel Riolo et l’ancien joueur Jérôme Rothen ont comparé l’accusatrice de Neymar à « de la deuxième division ».
Après deux jours d'incertitude, Riolo doit être reçu ce mercredi, en milieu d'après-midi, par Laurent Eichinger, directeur général de RMC Sport, pour connaître la nature de sa sanction. Un premier vrai coup dur pour lui, après vingt ans de carrière dans les médias.
À vingt-huit ans, après des voyages et des études de droit et de journalisme, Daniel Riolo débarque assez tardivement dans l'audiovisuel, d'abord comme critique cinéma pour le groupe Canal +. Puis il arrive sur la chaîne Infosport en 1999 et intègre en parallèle la radio Sport O'FM pour y couvrir l'une de ses spécialités, le tennis. Il y rencontre son mentor : Guy Barbier. Le rédacteur en chef lui glisse alors cette phrase : « Tu verras, le tennis est le sport où tu peux avoir le plus de proximité avec l'autre monde, celui des champions. Trace une frontière entre les deux et ne la traverse jamais ! »
Un credo respecté par le journaliste, qui revendique depuis une liberté de ton absolue. « La majorité des gens du foot ne l'aiment pas à cause de cela, ça ne passe pas en France. Mais au moins ils respectent son côté libre penseur », confie un membre de RMC Sport.
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Né de parents siciliens, Daniel Riolo a baigné dans la culture du foot transalpin, marqué par des émissions engagées. Lors de son passage à Sport O'FM, il estime déjà bénéficier d'une connaissance footballistique supérieure à la moyenne et n'hésite pas à le faire savoir à la rédaction... quitte à créer des tensions. Après quelques commentaires de foot pour la station, il commence à piger à Radio France en 2002. « C'était Aldo Maccione, il faisait le cirque, toujours habillé nickel, en fringues italiennes, se souvient Jacques Vendroux, l'ancien directeur des sports. On avait parfois l'impression qu'il tournait un film. Mais Daniel est un mec très bon esprit, un gros chambreur, j'ai beaucoup d'affection pour lui. Après qu'il est parti de chez nous, je lui ai dit : "Je n'aime pas la direction que tu prends." Quand il était à Radio France, il était calme. Là, il ne peut pas vivre sans aller dans le conflit. »
«À un moment, il y a une certaine forme d'impunité, on se sent plus fort que tout. Même si sur le sujet de sa dernière sortie, il est indéfendable !» Fabrice Abgrall, Journaliste à Radio France
En 2004, Riolo intègre RMC, d'abord pour suivre le PSG. Il devient de plus en plus incisif à l'antenne, sans filtre, notamment lors de la création de l'After Foot en 2006, au côté de son compère Gilbert Brisbois. « Il a fait ce qu'on lui a demandé, rétorque son ami de vingt ans Fabrice Abgrall, journaliste tennis à Radio France. Vous croyez quoi ? RMC était où à l'époque ? Bien plus bas. Il fallait faire le buzz. À un moment, il y a une certaine forme d'impunité, on se sent plus fort que tout. Même si sur le sujet de sa dernière sortie, il est indéfendable ! »
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Récemment élu consultant le plus détesté par le foot français derrière Pierre Ménès dans un sondage auprès des joueurs de Ligue 1 réalisé par France Football, Daniel Riolo s'est notamment mis à dos une partie de la nouvelle génération de footballeurs après la publication de son livre Racaille Football Club en 2013 (éd. Hugo et Cie). « Là, je n'étais pas d'accord avec lui, se souvient Luis Fernandez, qui l'a côtoyé à RMC pendant plusieurs années. Pourquoi attaquer ces gosses ? Moi aussi je viens de la banlieue et il faut plutôt les aider. Il n'a pas compris, le foot doit nous rassembler. Il parle remarquablement bien, il a une bonne connaissance du foot mais il pourrait l'utiliser autrement. »
349 000
Le nombre d'auditeurs, en audience cumulée, de L'After Foot (22h-minuit) sur RMC, selon le dernier sondage publié par Médiamétrie pour la vague janvier-mars 2019.
Son côté réactionnaire surgit également parfois à l'antenne de RMC. « J'avais l'impression d'être le Naulleau de Zemmour, il va un peu sur ce terrain réac parfois », reconnaît le journaliste Florent Gautreau, ancien animateur de l'After. Dans les différentes émissions de la station, le fort caractère de l'éditorialiste fait monter dans les tours plusieurs consultants, comme Éric Di Meco en 2013 ou Christophe Dugarry en début d'année. « Il s'emporte mais il ne réclame qu'une chose, le dialogue. Quand l'émission est terminée, il rappelle toujours pour s'expliquer », assure un journaliste de la rédaction. Et finit par se rabibocher avec la majorité. Sans compter les appels discrets de certains dirigeants, selon Fabrice Abgrall : « Il n'a pas de copains dans le foot. Pour autant, il n'est pas détesté par tout le monde, il y a ceux qui l'appellent en loucedé. Mais on ne voit que ceux qui apparaissent sur Twitter ». Comme Loïc Féry, le président de Lorient, qui a appelé à son licenciement après ses propos sur Najila Trindade. Contacté par L'Équipe, son homologue de Lyon, Jean-Michel Aulas, lui, ne se dit « pas surpris que Daniel Riolo ait fini par se prendre les pieds dans le tapis. »
Daniel Riolo
La forte tête du PAF peut aussi déraper hors des médias. Participant à un tournoi de tennis au club de la Châtaigneraie, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), au début du printemps, le joueur Riolo s'est fait virer du club sur décision du président Georges Brasero : « J'ai dit que je ne voulais plus le voir ici. Il avait un comportement d'un enfant de quatre ans. À chaque fois qu'il venait, il y avait un problème. Sur le court, il râlait contre ses adversaires, il piétinait, il était de mauvaise foi et, en partant, il ne passait jamais le filet sur la terre battue ».
« C'est vrai qu'il n'a jamais tort, il peut être chiant, arrogant mais il est totalement droit, précise Florent Gautreau. Le Riolo qu'on entend à l'antenne, c'est le même dans la vie. Dans le milieu, neuf journalistes sur dix le détestent. Il attaque L'Équipe, Canal +, tous les médias. Et aujourd'hui, la grande majorité se réjouit de le voir à terre. »
Sa capacité à créer la polémique déborde le cadre du sport. En avril dernier, Daniel Riolo intègre le casting des Grandes Gueules, le talk-show emblématique de RMC. Avec un premier incident dès le 21 mai, quand il accuse les communistes de « collaboration avec les nazis », alors qu'il reçoit la tête de liste PCF aux européennes, Ian Brossat. Ce qui avait déjà suscité un fort vent de réprobation.
Si la rédaction de RMC Sport semblait plutôt l'apprécier avant l'affaire Neymar, elle paraît plus divisée ces derniers jours. La société des journalistes de RMC s'est d'ailleurs désolidarisée du polémiste en condamnant ses propos « sexistes et injurieux ». Devenu l'une des têtes de gondole de RMC Sport, Daniel Riolo a jusqu'ici bénéficié de sa capacité à créer le buzz, bon ou mauvais, et générer de l'audience.
« À partir du moment où on te dit que t'es indispensable à une chaîne, tu ne te contrôles plus... jusqu'au jour où tu dérapes », alerte le responsable d'un média concurrent. « Par moments, il en dit trop, il va trop loin sans s'en rendre compte, conclut Luis Fernandez. C'est comme sur un terrain de foot. Parfois tu te laisses emporter par ton élan, tu tacles et tu peux prendre un carton... et même te faire expulser. »
L'Equipe