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RLD, chef de famille
Par Anthony BONDAIN
Du site de Bourse Boursier.com pour leJDD.fr
Le "franc-tireur" de la famille Louis-Dreyfus, Robert, vient d'assurer à ses enfants la propriété du groupe en mettant en place une nouvelle structure de contrôle qui lui permet de passer de 16,7 à 51% du capital. En échange, il a investi 1,45 milliard d'euros via Lazard et Natixis. Une belle opération au regard de la qualité des actifs de l'entreprise vieille d'un siècle et demi...
RLD assure le contrôle familial sur l'empire du groupe qui porte son nom. (Maxppp)Malgré son retour tardif au sein de l'entreprise familiale, Robert Louis-Dreyfus va prendre le contrôle total du capital du Groupe Louis-Dreyfus par le biais d'une opération de simplification de la structure de détention. Jusque-là, l'entreprise, fondée par l'arrière grand-père Léopold en 1851, était contrôlée à parité par Robert Louis-Dreyfus et ses deux soeurs d'un côté, et quatre autre membres de la famille de l'autre. La nouvelle organisation prévoit la création d'un "trust" détenu par RLD, qui sera à la tête de 51% de Louis Dreyfus SAS, le solde étant réparti entre les six autres actionnaires. Le président du groupe a dû mettre près d'1,5 milliard d'euros sur la table pour "désintéresser" les membres de sa famille, qui ont tous accepté de réduire leur part. Non sans difficultés semble-t-il, puisque la rumeur veut qu'une première tentative, sur des bases financières inférieures, eut abouti à un échec il y a quelques mois.
Ce type de structure de contrôle, à "l'anglaise" ou à la "néerlandaise", est administré par des gardiens du temple, les "trustees", extérieurs aux actionnaires qu'ils rémunèrent avec des dividendes. Son intérêt est de rendre incessible pendant une durée prédéfinie, 99 ans en l'espèce, la participation qui y est logée, si bien qu'elle échappe aux dissensions qui pourraient intervenir du fait d'un actionnariat familial dont les avis divergent. Récemment, le cas de l'explosion de l'empire Taittinger illustre bien les dangers d'une organisation familiale avançant en ordre dispersé. Le trust, assuré de conserver le contrôle de l'entreprise, sera transmis aux enfants de Robert Louis-Dreyfus lors de sa succession. "Cette opération permettra d'affirmer la pérennité du contrôle familial du groupe et d'en simplifier les structure", a ainsi expliqué la famille dans un communiqué diffusé hier soir.
Une entreprise familiale tentaculaire
En parallèle à cette opération, RLD a souhaité donner sa liberté à la branche de transport maritime du groupe, gérée par son cousin Philippe Louis-Dreyfus. Celui-ci bénéficie d'une période exclusive pour négocier le rachat de la totalité de Louis-Dreyfus Armateurs. Une scission relativement anodine pour Louis Dreyfus SAS, puisque cette branche représente moins de 2,5% du chiffre d'affaires de l'entreprise familiale.
Car le groupe Louis-Dreyfus est un acteur colossal, l'un des plus importants groupes français non coté en bourse. Il a dégagé sur le dernier exercice près de 26 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour 750 millions d'euros de bénéfices dans le négoce international, la transformation et la commercialisation de matières premières agricoles et énergétiques, l'armement maritime, l'immobilier et les télécommunications (avec Neuf Cegetel). Il ne compte plus les places de leader mondial dans le négoce céréalier, les agrumes (12% de parts de marché mondiales de jus d'orange), le coton (15 à 20% de parts de marché dans la filature américaine), ou encore le sucre (dans le trio des leaders mondiaux du négoce), le café et même le négoce des matières premières, des métaux non ferreux mais également des produits énergétiques.
Essentiellement connu du grand public pour son poste de président de l'Olympique de Marseille, qui lui a sans doute valu ses moments les plus difficiles d'homme d'affaires, Robert Louis-Dreyfus est allé accroître sa fortune en dehors du groupe familial. Au sein de la firme américaine d'études pour le secteur pharmaceutique IMS d'abord, entre 1982 et 1988, puis comme patron de l'agence de publicité Saatchi & Saatchi de 1989 à 1993. Il rachète dans la foulée Adidas, puis lui agrège Salomon. RLD rentre au bercail en 2000 par la voie des télécommunications, après avoir entretemps obtenu la naturalisation Suisse. L'accord signé hier soir lui ouvre le contrôle de l'empire familial, dont il ne détenait jusque-là que 16,7%. Le tout pour une somme relativement modique au regard des valorisations qui se pratiquent actuellement sur les marchés financiers, puisque Louis Dreyfus SAS est valorisé 2,7 milliards d'euros sur la base des parités retenues pour la réorganisation capitalistique, hors Armement. Sur le marché parisien, les 29,5% détenus par le groupe dans Neuf Cegetel valent, à eux-seuls, 1,8 milliard d'euros...