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La touchante histoire de Sénah Mango
L'histoire suivante est à la croisée de la défense des Droits de l'Enfance, des règlements du football et de leur interprétation. Dans leurs alinéas, les lois imposent souvent un manque de souplesse insupportable et excluent la possibilité d'une étude au cas par cas, souvent bénéfique à l'épanouissement de l'homme. Cette histoire est celle de Sénah Mango, un môme de 17 ans, confronté à la rigidité des institutions et privé de licence depuis près d'un an.
"La seule anecdote amusante est que j'ai disputé mon dernier match le 13décembre 2008, le jour de mes 17ans. C'était avec les 18ans de l'OM, contre Lyon. Comme cadeau, l'arbitre m'a offert un carton rouge!", raconte Sénah, le sourire en coin. Né à Lomé, ses parents sont des ingénieurs, devenus professeurs de mathématiques dans un lycée de la ville, après avoir travaillé en Union Soviétique: "Gamin, dans les rues de la capitale togolaise, j'ai joué au football, comme tout enfant le faisait, pour le seul plaisir, sans prétention pour le lendemain, sans voir plus loin que les buts que nous dressions."
Son père le prédestine à une carrière de docteur: "À 10 ans, j'ai établi une hiérarchie: d'abord le foot, ensuite l'école. Mon père me sermonnait souvent: "Fils, ne lâche pas l'école, si tu te blesses, que feras-tu de ta vie?" C'est sa mère, décédée depuis deux ans, qui l'encourage pour sa vocation: "Je me souviens d'une discussion avec elle, raconte Sénah: "Si tu sens que tu peux aller loin, donne-toi à fond et en ne te retourne pas. Mais sois sûr de toi." Le message est enregistré. Repéré par l'OM, il arrive à Marseille à l'âge de 15 ans. Tout se déroule sans problème. Il entre dans l'histoire du club, le 7 juin 2008 avec un titre de champion de France des 16ans en battant le PSG au Touquet. Le môme devient Minot, un titre décerné à vie, car l'histoire n'oublie pas les tableaux d'honneur.
Survient le 28 janvier 2009 et la décision fédérale, prise dans un bureau parisien: la suspension de sa licence, en application de l'article 19 du règlement des statuts sur le transfert des joueurs. Le début d'une galère. Une autre façon de vivre le football, l'éloignement de l'excitation et du bonheur du match du week-end."J'ai très mal pris la décision, confie Sénah. Avec le temps, je me suis habitué. Le football m'a appris la patience, à appréhender les problèmes. Pourtant, lorsque mes copains jouent à l'extérieur, je me retrouve seul à la Bastide, avec comme seul distraction une Playstation. C'est ma compétition à moi! Comme je n'ai pas de copine, je n'ai même pas envie d'aller au ciné. Pour quoi faire? J'ail'impression d'être en prison, d'être privé de la seule liberté qui m'intéresse: celle du terrain. On m'interdit leur plaisir."
Le 13 décembre prochain, jour de sa majorité, il récupérera de droit sa licence. Adieu règlement, protection et autre interprétation. Le pas lent, le temps le dirige vers cette échéance, avec ses sautes d'humeur: "Ce vendredi13, j'ai regardé le calendrier. J'ai eu l'impression qu'il me restait encore dix ans à attendre, alors que le bonheur n'a jamais été si proche. Les jours deviennent plus longs, les heures me semblent parfois interminables alors que je n'ai jamais été aussi près de la délivrance."
Ce jour-là, il remerciera Dieu, "mais la vie continuera, vous savez". Elle connaîtra même un nouvel élan. "J'ai une dette morale envers l'OM. MM. Gransart, Flos, Anigo et Nazaretian ne m'ont jamais lâché, abandonné. Psychologiquement, ils ont été en permanence à mes côtés. "Pour cela, je leur dois le respect. Je n'oublierai jamais ce qu'ils ont fait, car si je suis toujours en France, c'est grâce à eux." Et si cette histoire en était seulement à son commencement...
La Provence