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Le PSG va changer d’ère
La vente du club parisien à un fonds du Qatar est en passe d’être finalisée autour de 50 M€. Robin Leproux en restera le président.
CETTE FOIS, ÇA BRÛLE. Et le scénario semble désormais écrit : à la fin de l’actuelle saison, le PSG va accueillir un nouvel actionnaire, qui obtiendra la pleine propriété du club dans un délai d’un an. Sauf si l’affaire devait capoter au dernier moment, comme en 2006, Qatar Investment Authority (QIA) prendra dès cet été les clés d’un PSG détenu jusqu’à présent par Colony Capital (95,8%) et Butler Capital Partners (4,2%). Pour le club parisien, la transition va s’opérer entre une stabilité nécessaire et l’espoir immense d’un changement de dimension.
UN DOSSIER
PRESQUE BOUCLÉ
C’est une histoire où le froid a souvent succédé au chaud. Entamées au printemps 2010, réactivées en fin d’année dernière (L’Équipe des 4 août et 18 décembre), les discussions entre Sébastien Bazin, le patron de Colony Capital Europe, et les représentants de QIA ont pris une tournure approfondie depuis quelques semaines. Longtemps en désaccord sur le prix, les deux parties ont fini par trouver un terrain d’entente sur une somme qui avoisine les 50 M€. C’est grosso modo le double du prix (très favorable) qu’avaient obtenu Colony, Butler et Morgan Stanley auprès de Canal +, en avril 2006. Mais moitié moins que ce que ce que Colony Capital espérait récupérer à la sortie, dans son business plan. Moitié moins, aussi, que le total des pertes que le fonds d’investissement basé à Los Angeles aura dû effacer depuis son arrivée à Paris…
Un détail, qui n’en est pas un : pour ce prix, QIA s’offrirait la SASP PSG, soit le club sportif. Or, Colfilm, la holding de Colony qui possède le PSG, coiffe également la SESE, la société d’exploitation du Parc des Princes. Sur ce dossier, Colony reste seul en lice (avec le groupe Vinci) pour obtenir dans un mois le bail emphytéotique du stade pour les quarante prochaines années et y entamer des travaux estimés à 100 M€ qui entraîneront la délocalisation des matches à domicile au Stade de France, en 2012-2013.
L’un des derniers points de discussion concernerait la situation de Fly Emirates, sponsor du PSG jusqu’en 2014 pour 3,5 M€. L’enjeu est d’indemniser la compagnie aérienne des Emirats Arabes Unis afin qu’elle n’apparaisse plus sur les maillots parisiens la saison prochaine. Mais plus que sur ses aspects financiers, l’affaire est en passe d’aboutir parce qu’elle mêle un propriétaire actuel dans l’incapacité de réinvestir et un acquéreur probable qui a su oublier les contrariétés de 2006, quand il avait senti des freins politiques à son entrée éventuelle dans le capital du PSG.
Colony vend parce qu’il n’a plus le choix. « Il faut agir très vite », souffle un expert des coulisses parisiennes. Cet hiver, Tom Barrack, le big boss, a fixé à Bazin une échéance à court terme pour concrétiser le processus. Ces dernières semaines, Bazin a continué de piloter seul le dossier et n’a jamais confié de mandat de négociation à une banque d’affaires. Homme d’affaires intuitif et persévérant, il est en passe d’en finir avec ce dossier, même si Colony restera a priori dans l’actionnariat du club jusqu’en 2012. Pour lui, il y a urgence à se délester du PSG, ce club dont il va devoir rembourser plus de 15 M€ de dettes en fin de saison (dont la dernière traite à verser… à Canal +), mais aussi 19 M€ de pertes attendues au 30 juin. Même une troisième place en Championnat ne pourrait vraiment égayer le tableau : la manne minimale de 15 M€ de la Ligue des champions dépendrait de la capacité du PSG à passer le tour préliminaire, en août, et ne peut être intégrée avec certitudes dans les comptes.
Côté qatari, les réticences ont été progressivement levées. Fonds souverain du Qatar détenu par le Cheikh Tamim Bin Hamad Al-Thani, prince héritier de l’émirat, QIA est considéré dans le monde des affaires comme un interlocuteur puissant, sérieux et ambitieux. Snobés en 2006, les fonds du Golfe sont aujourd’hui dragués au plus haut niveau de l’État français. Proche de Bazin, Nicolas Sarkozy a déjà eu l’occasion de lui glisser tout le bien qu’il pensait de ces partenaires présents dans nombre de grandes entreprises occidentales, notamment à travers des filiales comme Qatar Holding et Qatari Diar, qu’on devrait retrouver dans le capital du futur PSG. L’été dernier, Colony et Qatar Holding ont d’ailleurs travaillé de concert sur le rachat de Miramax, l’un des géants d’Hollywood.
On ignore encore le détail de son projet pour le PSG, mais on sait déjà que, sur le papier, QIA pèse très lourd : plus de 50 milliards d’euros d’actifs, acquis grâce aux ressources du pays en hydrocarbures. En se penchant sur le PSG, cet investisseur est allé au-delà des préjugés négatifs qui pèsent sur les clubs français aux yeux des investisseurs étrangers. Au-delà du poids jugé excessif des collectivités publiques dans l’environnement des clubs – le Parc, notamment, appartient à 100 % à la mairie de Paris – et d’un contexte d’investissements moins libéral qu’en Angleterre ou en Espagne. Au niveau des principaux décideurs qataris, il y aurait même eu des dissensions sur l’intérêt d’acheter ou non le PSG. Mais les arguments positifs semblent avoir pris le dessus. Acquérir le PSG, c’est acquérir le club mondialement connu d’une capitale prestigieuse. C’est s’offrir une vitrine de luxe pour accompagner la montée en puissance du Qatar jusqu’à la Coupe du monde 2022, dont il sera l’hôte. Car QIA s’est rapproché du PSG avec l’idée de s’y investir pour dix à quinze ans au minimum.
UN MANAGEMENT STABLE,
UN RECRUTEMENT GALACTIQUE ?
C’est un point qui ne souffre visiblement aucune ambiguïté. Plusieurs proches du dossier l’affirment : « Après la vente, Robin Leproux restera le président du PSG. Il n’y aura aucune déstabilisation des gens en place. » Robin Leproux, qui refuse de s’exprimer sur le sujet, n’a aucune intention de se séparer d’Antoine Kombouaré. Aucun bouleversement, donc, à attendre au niveau du management du club.
Pour les futurs propriétaires, maintenir Leproux apparaît comme le choix le plus rationnel. Dans le milieu du football, son travail depuis deux ans est salué comme une grande réussite. Parce qu’il a accompagné le renouveau sportif du PSG. Et surtout parce qu’il est en passe d’avoir enrayé le fléau de la violence autour du club, responsable de deux morts en l’espace de trois ans. Ce combat n’est pas complètement gagné et maintenir Leproux, pour les nouveaux propriétaires, est aussi un signal lancé en ce sens.
Ce qui peut le plus changer, à court terme, dans le fonctionnement quotidien du PSG, c’est sa puissance sur le marché des transferts. À ce jour, l’impact exact reste impossible à mesurer. Mais le chiffre de 150 M€ investis sur les trois prochaines années se murmure parfois. L’arrivée des Qataris à Paris semble en tout cas riche de promesses. Quinze ans après sa victoire en Coupe des Coupes, le club de la capitale est sur le point d’emprunter un chemin qui, à terme, pourrait le mener très haut. Au pays des grands d’Europe.
JÉRÔME TOUBOUL - L'equipe