L’ATTENTE A ÉTÉ LONGUE à Marseille, pour les supporters mais aussi pour les dirigeants et les salariés de l’Olympique de Marseille. Les télés locales avaient délégué des envoyés spéciaux à Zurich jusque devant la clinique où est soigné l’actionnaire majoritaire de l’OM, lieu supposé de l’entrevue entre Robert Louis-Dreyfus et Pape Diouf. Sans que rien ne filtre jusqu’en fin d’après-midi. Même José Anigo, invité de LCM (La Chaîne Marseille), cherchait désespérément des informations vers 17 heures, n’ayant pas réussi à joindre son président en direct. Il en profitait pour redire son inquiétude quant à l’avenir de l’OM : « Je trouve dommage de retomber dans les travers qui ont tant nui au club car nous avions réussi à instaurer beaucoup de sérénité. » Il annonçait aussi ne pas lier son sort à celui de Pape Diouf : « Je ne démissionnerai pas. Même s’il est logique qu’en étant proche de lui je parte aussi. »
Au siège du club, à la Commanderie, les mines se faisaient graves, à l’image de celle de Julien Fournier, directeur administratif du club et membre de la garde rapprochée de Diouf.
À 19 heures, les premières rumeurs font état de l’éviction du président de l’OM. Les supporters qui se sont mobilisés ces derniers jours pour le soutenir au travers de pétitions et communiqués communs, affichent leur incompréhension. « Diouf a vraiment fait des choses bien. Le club est sain, tout le monde hallucine devant cette décision, assure Christophe, abonné de la première heure. Virer son président alors qu’il s’est qualifié pour la troisième année d’affilée pour la Ligue des champions et qu’il vient d’engager Deschamps fait rire toute la France. » Christian Cataldo, le président des Dodgers, conclut : « On revient dix ans en arrière, comme le symbole de la gestion de RLD. Nous étions enfin dans une période de stabilité et nous repartons dans les turbulences. »
HÉLÈNE FOXONET
Après quatre ans de présidence, Pape Diouf a été remercié par Robert Louis-Dreyfus. S’il a été qualifié de « grand président » par le patron de l’OM, les divergences entre les deux hommes étaient devenues insurmontables. C’était Pape Diouf ou Vincent Labrune, le président du conseil de surveillance et proche de RLD. Ce dernier doit trouver maintenant un successeur et calmer la fronde des supporters marseillais.
C’EST APRÈS UNE LONGUE journée d’attente, faite de rumeurs, d’informations prématurées et finalement démenties qu’un communiqué de Robert Louis-Dreyfus a mis fin à la présidence de Pape Diouf. Une issue que l’on pressentait depuis la fin de la semaine dernière. Pour la forme, le départ de Diouf a été enrobé de paroles aimables par l’actionnaire principal : « Je tiens à le féliciter pour le travail accompli au club. Il a été un grand président, qui a œuvré pour le bien de l’Olympique de Marseille. Sportivement, il a su hisser le club au plus haut niveau français (…). Il a, de plus, doté le club d’une gestion saine. » L’essentiel arrivait après ces propos de circonstances : « Malheureusement, les divergences apparues nous empêchent de poursuivre l’aventure. »
Arrivé en début d’après-midi à Zurich, Pape Diouf s’est rendu auprès de Robert Louis-Dreyfus, en présence de Xavier Boucobza, son conseiller juridique. Si le ton était courtois, les positions du président et de l’actionnaire principal sont restées inconciliables. Diouf voulait plus d’autonomie, en clair moins de tutelle du président du conseil de surveillance, Vincent Labrune. RLD ne l’a pas suivi sur ce terrain. Au contraire, il est resté en droite ligne de ses recommandations exprimées en décembre 2008 auprès des actionnaires du club : maîtrise des coûts financiers, respect du fonctionnement du club, obtention d’un titre.
Pape Diouf n’aura pas su déceler le total changement de cap de RLD. Depuis sa prise de contrôle du club, en 1996, ce dernier avait toujours donné raison aux dépensiers au détriment des contrôleurs, avec une longue liste de victimes : Jean-Michel Roussier, Yves Marchand, Pierre Dubiton, Étienne Ceccaldi, Thierry de la Brosse. Cette fois, c’est le contrôleur Labrune qui l’a emporté sur Diouf le dépensier.
Et maintenant ?
En se séparant de Pape Diouf, RLD va déchaîner les passions à Marseille. En particulier parmi les supporters du club, entre ceux qui lui donnent raison et ceux qui condamnent son initiative. Après avoir rencontré, samedi dernier, le directeur sportif José Anigo, huit groupes de supporters ont publié un communiqué comprenant un passage à relire aujourd’hui avec attention : « Que tout le monde sache que Pape Diouf n’est pas seul. Ceux qui aujourd’hui s’attaquent à lui s’attaquent à l’OM, s’attaquent à ses supporters, s’attaquent à Marseille, s’attaquent à nos rêves, s’attaquent à notre passion. Que ceux qui s’attaquent à Pape Diouf sachent qu’ils nous trouveront en travers de leur route et qu’ils ne seront jamais les bienvenus à Marseille. »
Cette diatribe n’a pas suffi à sauver Pape Diouf. Comment ses partisans vont-ils réagir ? Hier soir, Diouf, José Anigo et Julien Fournier, le directeur administratif, se sont réunis afin d’examiner la situation. Dans l’après-midi, avant de connaître le sort de Diouf, Anigo avait fait savoir qu’il ne démissionnerait pas alors qu’il avait la veille affirmé qu’il ne resterait pas si Diouf était évincé. Il a le choix.
Quel successeur ?
Interrogé hier soir sur le profil du prochain président, Bernard Tapie nous a fait cette réponse : « Je ne sais qui cela va être mais je le plains ! » Le premier handicap sera l’impopularité puisque, comme d’habitude en pareil cas, les mécontents font toujours plus de bruit que ceux qui approuvent. Le profil du nouveau président n’est pas simple à trouver et le candidat idéal n’existe sans doute pas. Rigoureux, populaire auprès des Marseillais, capable d’être tout de suite opérationnel dans les transferts, compatible avec José Anigo et le nouvel entraîneur, Didier Deschamps, prêt à relever le défi de l’obtention d’un titre la saison prochaine. Pas sûr que RLD croule sous les candidatures. Mais il lui faut bien trouver un successeur à Pape Diouf. Afin que la machine reparte pour de nouvelles aventures dans un club décidément unique.
DOMINIQUE ROUSSEAU
PAPE DIOUF n’est plus président de l’OM. Il aura mené ce club à une troisième Ligue des champions d’affilée, épuré les comptes, laissé une image d’homme intègre. Mais il a perdu un combat qu’il n’avait pas à mener. Diouf s’est laissé entraîner dans une guerre inutile contre Vincent Labrune, président du conseil de surveillance et conseiller en communication de RLD, en répondant en public à des attaques balancées en privé. L’ancien journaliste a passé trop de temps à lire la presse entre les lignes, à s’offusquer de mots qu’il savait provenir de son opposant. Dans un langage parfois agressif, outrancier.
Labrune ne se dévoilait jamais, il distillait ses phrases en petit comité. Sa tactique était savamment maîtrisée. Ses assauts mettaient toujours en cause ce président dont il était, statutairement, le supérieur. Comment Diouf a-t-il plongé, tête baissée, dans ce piège grossier, pourquoi s’est-il enfermé dans une logique de lutte à distance ? En s’en prenant à Labrune, il s’en prenait à RLD. Comme si son image, son pouvoir lié aux performances de l’OM, son aura sur la Méditerranée l’avaient aveuglé. Le meilleur communicant du duo a raflé la mise. En restant dans l’ombre. Le pouvoir sportif a cédé devant le pouvoir politique. Ce n’est pas nécessairement la meilleure des nouvelles.
HERVÉ PENOT
Avec Diouf à sa tête, l’OM a toujours fini dans les cinq premiers en L 1. Sans gagner aucun titre.
AVEC UN PEU PLUS de quatre années passées à la tête de l’OM, Pape Diouf entre dans la moyenne haute des présidents marseillais en termes de longévité. Il est, par exemple, celui qui a tenu le plus longtemps depuis Bernard Tapie (avril 1986-décembre 1994), le record restant détenu par Paul Le Cesne (douze ans, entre 1909 et 1921).
Entre autres péripéties, Diouf aura vécu le crachat de Fabien Barthez sur un arbitre, lors d’un match amical à Casablanca (12 février 2005), valant au joueur une suspension de trois mois ferme, le jet de pétard d’un supporter de l’OM, blessant grièvement à la main un pompier (29 octobre 2006, avant Nice-OM 2-1) ou la comédie de la vente avortée du club à l’homme d’affaires canadien Jack Kachkar (janvier-mars 2007). Il a aussi marqué les esprits en envoyant, le 5 mars 2006, une équipe réserve jouer contre le Paris-SG (0-0) afin de protester contre le peu de places accordées aux supporters de l’OM.
Son bilan sportif (voir ci-contre) affiche une régularité certaine, le club étant aujourd’hui qualifié, pour la troisième fois de suite, en Ligue des champions. Mais il manque toujours un titre majeur à l’OM depuis 1993.
Dans le domaine de la politique interne, il aura été habile en début de mandat, nettement moins sur la fin. À sa nomination, il a accepté de cohabiter avec José Anigo, directeur sportif, puis il a longtemps ferraillé avec Louis Acariès, nommé consultant par RLD, avant de trouver un terrain d’entente avec lui. En obtenant le départ du directeur général Thierry de la Brosse, début 2008, il a semblé croire qu’il pourrait s’affranchir du contrôle du conseil de surveillance. Il a d’ailleurs focalisé ses attaques sur son président, Vincent Labrune, proche conseiller de RLD, oubliant peut-être qu’il avait été nommé parce qu’il était homme de consensus. – D. Ro.
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