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Diouf : "Il faudrait un miracle"
A quelques heures du dénouement du championnat, Pape Diouf se livre. S'il rêve du titre, le président de l'OM avoue qu'il préférerait être dans la situation de Bordeaux. Mais, quoiqu'il arrive, il se prépare à bâtir une grande équipe la saison prochaine et évoque notamment le cas de Djibril Cissé.
PAPE DIOUF, comment appréhendez-vous la rencontre de ce soir face à Rennes ?
P.D. : Si je dis que c'est la sérénité, ce ne serait pas tout à fait la vérité. Je n'ai pas dit non plus que c'est l'affolement, je laisse les choses se faire. Il y a peu ce sentiment de fatalité. En me disant qu'il ne reste plus grand-chose, qu'aujourd'hui c'est la dernière journée. Que de toute façon, les choses sont scellées, les croyants diront que le destin est écrit. Laissez-moi être un croyant encore pendant cette journée…
Le titre est donc un rêve pour vous ?
P.D. : J'aimerais chaque année pouvoir y croire ! Si c'est ça la difficulté de la vie, je suis prêt à l'assumer. Les choses vont être extrêmement difficiles. Il faudrait un miracle pour que nous soyons champions. J'entendais un de mes joueurs dire qu'il préférait la situation actuelle parce que la pression était sur Bordeaux, ce contre quoi je me suis élevé. Moi, j'aurais préféré être à la place de Bordeaux avec trois points d'avance. La main est aujourd'hui côté bordelais, c'est incontestable. Il leur suffit d'un point pour être champion. Croire au titre aujourd'hui, c'est très difficile. Les dés sont jetés. Certains disent que Caen joue sa vie mais de la même manière Bordeaux aussi la sienne. Si on considère que l'aspect mental, la motivation s'annule chez les uns et les autres, resteront alors les atouts techniques et tactiques. Et de ce point de vue-là admettons quand même que Bordeaux n'est pas là par hasard.
Vous serez satisfait de la saison de l'OM quoiqu'il arrive ce soir ?
P.D. : Je crois que si nous n'étions pas champions ce soir, nous serions déçus. Mais en aucune manière on ne pourrait parler d'échec. Notre saison aura été remplie et si je veux en faire l'inventaire, je dirais que nos matches ont été bien plus accomplis, bien plus aboutis que ceux de nos adversaires. Les victoires que nous avons acquises étaient nettes, sans bavure où la maîtrise n'a pas été absente contrairement à l'adversaire bordelais -dont je ne veux pas minorer les mérites- qui a dû recourir à la chance, à la réussite, parfois à ce coup de sifflet arbitral un peu intempestif mais qui n'est jamais défavorable. Quand on regarde les choses froidement, sans passion, on peut considérer que Bordeaux peut être champion mais on n'aura pas démérité. Je ne serai pas de ceux qui diront, "si les Bordelais sont champions, c'est qu'ils sont plus méritants". Le coup de dé leur a simplement été plus favorable. Mais ils n'ont pas eu une maîtrise totale sur l'ensemble de la saison.
Allez-vous raser votre moustache si l'OM est champion ?
P.D. : J'en ai pris l'engagement.
Est-ce que vous sauterez dans le Vieux Port avec Eric Gerets ?
P.D. : Non, car je ne sais pas nager (rires).
La place de premier est-elle financièrement beaucoup plus avantageuse que la deuxième ?
P.D. : Ça ne change pas grand-chose. Car il faut savoir que si nous terminons premiers, il y a des primes très importantes qui seront versées aux joueurs. Je serai ravi de les donner. Mais il y a aussi des primes à reverser à des clubs qui sont intéressés par un bonus en cas de résultat positif de notre part. Que nous soyons premier ou deuxième, il n'y aura pas économiquement énormément de différence. Mais j'avoue qu'être premier à quelque chose de plus excitant.
Avez-vous des regrets cette saison ?
P.D. : On peut regretter certaines choses. On n'a manqué de réussite et de chance. Cette année, personne ne pourra dire que l'arbitrage a été pro-OM. Les épiphénomènes qui ont rythmé la vie du club ne n'ont pas aidé non plus. On a été souvent à la Une des journaux pour nous faire des reproches qui ne tenaient pas la route. Je prendrais quelques exemples précis. J'aime beaucoup Henri Legarda (président du Mans, ndlr), c'est mon ami. Mais c'est vrai que si j'avais remplacé trois fois mon entraîneur dans l'année, on m'aurait cloué au pilori. Si le cas Gourcuff -qui n'a été réglé qu'hier- s'était produit à Marseille, on nous aurait monté à la Une en disant : "qu'est-ce qu'ils font ces dirigeants ?" A Bordeaux, ça s'est passé tranquillement. C'est je pense le revers de la médaille pour Marseille.
Comment jugez-vous le travail d'Eric Gerets à Marseille ?
P.D. : Il a dit qu'il reviendrait un jour à Marseille, ça prouve que son séjour ici a été excellent pour lui et pour nous évidemment. J'ai été le chercher à un moment où nous traversions une période délicate. Je me souviendrai toujours que quand il est arrivé, il a davantage suscité du scepticisme que des bravos. Qu'aujourd'hui, il soit à ce point adulé par le public et reconnu par les spécialistes comme un éminent technicien est une validation du choix que j'avais fait. Je suis triste qu'il parte puisqu'il y a eu des relations humaines qui se sont tissées. Et je continuerai à saluer longtemps sa loyauté. C'est rare dans ce milieu et c'est peut-être la chose dont je me félicite le plus.
Peut-il revenir à l'OM ?
P.D. : Qui peut dire qu'il reviendra un jour à Marseille ? Peut-être qu'il reviendra à un moment où je ne serai plus là… Tout le monde serait heureux de voir Eric Gerets revenir. Même si les retours ne sont jamais comme les allers.
Quelle équipe allez-vous bâtir l'an prochain à l'OM ?
P.D. : Je ne veux pas que l'effectif soit bouleversé en profondeur mais je voudrais qu'on lui donne un peu plus d'allant et d'équilibre. Avec Didier Deschamps, nous n'avons pas encore abordé ces questions en profondeur. Car il était impératif pour moi de d'abord finir la saison actuelle. Je n'ai pas voulu que deux saisons se chevauchent avec deux entraîneurs différents. Il faudra reconfigurer l'équipe de manière plus qualitative. Deschamps est adepte d'un effectif maîtrisé tournant autour de 24-25 joueurs. Il faut essayer d'apporter encore un peu plus de force et de qualité. Mais on sait que l'art du recrutement est un art compliqué, difficile et délicat. Bien recruter, c'est réduire au minimum la part d'erreur et d'improbabilité. Chaque saison, on fonde des espoirs sur un joueur. Mais il n'est pas dit que le ce joueur s'illustre au bout du compte. Je prendrais le cas Ben Arfa. Certains ont dit : "Pourquoi prendre Ben Arfa plutôt que Gourcuff ?" Mais quand on a pris Ben Arfa, il représentait avec Benzema et Nasri le futur de l'équipe de France. On n'imaginait même pas que Marseille puisse le faire signer. Et une fois qu'il était là, on parlait du formidable coup réussi par l'OM. Finalement, sa saison a été mi-figue mi-raisin. Mais je continue à penser qu'il a une qualité technique supérieure. Je pense que la saison prochaine peut être la sienne.
Allez-vous bâtir une équipe pour être compétitif en Ligue des champions ?
P.D. : Avant de penser à la Ligue des champions, il faut mettre en place une équipe en mesure de disputer le titre de champion de France. Ça me parait très imprudent de réfléchir à notre équipe en se basant sur la C1. Car on sait qu'il n'y pas un seul en club en France -Lyon y compris- qui soit en mesure de disputer la Ligue des champions avec des chances raisonnables de l'emporter. Nous sommes loin des années 1990 quand il n'y avait pas l'arrêt Bosman où les meilleurs joueurs français pouvaient être dans une même équipe. Imaginez aujourd'hui une équipe française qui pourrait réunir Henry, Ribery, Vieira, Abidal, Evra… Elle serait en mesure de rivaliser avec les meilleures formations d'Europe. Ce n'est pas le cas. Un joueur tricolore qui s'illustre est aussitôt happé par la puissance financière et économique des grands clubs européens. C'est une fatalité contre laquelle nous ne pouvons pas lutter.
L'OM va-t-il faire tout de même réussir un grand coup sur le marché des transferts ?
P.D. : J'ai lu ça ici ou là. On m'a posé la question et j'ai répondu que ce serait bien de pouvoir le faire. Si les circonstances nous le permettent, oui on le fera. Il serait bien que cette équipe soit renforcée de deux ou trois éléments majeurs. Des éléments d'élite.
Didier Drogba pourrait ainsi revenir à Marseille ?
P.D. : J'ai déjà répondu cent fois sur ce sujet-là. Ce n'est pas trahir un secret que de dire que son salaire est d'un million d'euros par mois. Si la chose était faisable, un club comme Lyon -plus puissant financièrement que nous- ce serait mis sur les rangs. Mais Lyon a beaucoup de mal à faire signer des joueurs de ce calibre. Donc l'OM ne peut pas non plus le faire aujourd'hui. Je ne vais pas demander à Didier Drogba de diviser son salaire par quatre pour venir chez nous. Il ne faut donc pas faire rêver les gens. Notre force a été de créer des stars à l'OM, nous y sommes arrivés avec Drogba, Nasri, Ribery, Taiwo ou Mandanda aujourd'hui. Ce n'est pas rien tout ça. Mais il faut rester raisonnable et se dire que nos ne pouvons attirer le gratin du football mondial.
Comment allez-vous gérer le dossier Djibril Cissé ?
P.D. : Djibril a marqué cette année onze buts avec Sunderland. Dans une équipe moyenne, ce n'est pas rien. C'est un personnage controversé mais le footballeur a un niveau intéressant. On peut compter sur lui. Sunderland n'a pas souhaité levé l'option d'achat car la crise financière a handicapé le club anglais. On va voir maintenant ce qui va se passer pour Djibril. Soit il retrouve un autre club -ce qui est probable- soit il revient ici. Ce ne sera pas la fin du monde d'avoir Cissé dans notre équipe.
Des départs sont-ils déjà actés ?
P.D. : Contractuellement, oui on peut le penser. Car il y a des garçons qui sont en fin de contrat. Mais je veux éviter l'amalgame d'une saison se terminant et d'une autre commençant. Les discussions vont commencer dès demain. On actera alors beaucoup plus officiellement ces départs.
Gaël Givet a-t-il restera-t-il à Blackburn ?
P.D. : C'est quasiment fait. Il reste encore quelques détails techniques à régler.
Taye Taiwo reste-t-il bien à l'OM comme il l'a annoncé ?
P.D. : C'est une très bonne chose que Taiwo ait annoncé son désir de rester. De mon côté, j'ai toujours dit que je ne connaissais pas de joueurs intransférables. En effet, entre un chèque de 10 millions et un autre de 40 millions, la réflexion ne sera pas la même…
Quel est votre meilleur souvenir cette saison ?
P.D. : Ce n'est pas un souvenir précis mais plutôt des moments qui ne sont pas forcément liés aux résultats et où l'on a été d'être ensemble. C'est par exemple quand on était avec José Anigo et qu'il prenait son stylo et nous pronostiquait ce qui allait se passer et comment nous allions être champion. Il a arraché à Eric Gerets de gros fous-rires.
Et la victoire à Paris (1-3) ?
P.D. : C'est une des péripéties heureuses, mais ce n'est pas la seule. Il y a eu aussi la victoire à Lorient (1-2).
Les supporters marseillais ont connu une saison difficile : affaire Santos, accident de car avant Le Havre-Marseille, bagarre dans les tribunes pour OM-Schakhtar. Comment avez-vécu ces moments-là ?
P.D. : Oui, c'était une saison lourde. On a alterné le très triste, le très beau, le burlesque… Il y a tout eu. Ce fut très éprouvant, très dur. Il a fallu l'assumer. On sait que nous ne sommes pas les meilleurs dirigeants du monde mais reconnaissez-nous que le travail a été fait.