Le football français ne peut plus se bercer d’illusions. Les résultats du sondage CSA pour « le Parisien » - « Aujourd’hui en France » et TF 1 sont là pour le montrer avec acuité : il y a un véritable désamour entre les Français et la Ligue 1. Quarante-trois pour cent des sondés annoncent qu’ils sont moins intéressés par le Championnat de France qu’il y a quelques années.
Chez les 18-24 ans, le public d’aujourd’hui et de demain, le chiffre monte même à 47 % ! Ce constat doit être interprété comme un signal d’alarme, car il n’est pas dû à l’archidomination de Lyon, vainqueur en titre des sept derniers championnats.
Cette fois, on ne connaît pas à l’avance la fin du feuilleton. Derrière l’Olympique lyonnais, moins fort que les saisons passées, Bordeaux, Marseille, voire Rennes et Toulouse peuvent aussi rêver à un sacre en mai prochain. Ce suspense retrouvé ne serait visiblement qu’un cache-misère pour près d’un Français sur deux au regard de la qualité du spectacle produit. Claude Puel, l’entraîneur de Lyon, l’admet en creux ce matin dans « Téléfoot » : « C’est un championnat formateur mais que les joueurs quittent une fois arrivés à maturité. » Mickaël Landreau, le gardien du PSG, reconnaît aussi qu’on marque moins de buts en France qu’ailleurs même si, pour lui, « cela est dû au fait qu’il y a peu d’écart entre toutes les équipes ».
Les dirigeants vont aussi devoir s’adapter
Il n’en reste pas moins qu’après s’être désintéressé peu à peu des Bleus depuis le catastrophique Euro 2008, le public envoie un message fort qui doit être pris en compte par les dirigeants du foot hexagonal.
Les solutions pour retrouver la flamme existeraient néanmoins. Les présidents de club sont persuadés qu’il faut des stades plus confortables pour regagner les coeurs, même si vous n’êtes que 11 % à penser comme eux. A une écrasante majorité (61 %), les Français jugent surtout prohibitif le prix des billets. En ces temps de crise, les dirigeants du football français vont devoir aussi s’adapter. Et arrêter de croire que le porte-monnaie des spectateurs est un puits sans fond.
Les footballeurs évoluant en Ligue 1 rassemblent une immense majorité des Français sur un point : ils sont beaucoup trop payés. Sur l’échiquier politique, toutes les sensibilités sont en phase. Plus on passe de la gauche vers la droite, plus le constat est appuyé : 77 % des sympathisants d’extrême gauche stigmatisent ces salaires jugés faramineux et 84 % des partisans de l’UMP disent la même chose.
Géographiquement, seule l’Ile-de-France est plus tolérante (68 %). Un paradoxe étonnant car les joueurs du PSG, troisième budget de France derrière Lyon et Marseille, sont très loin d’avoir donné pleine satisfaction ces dernières années…
Votre joueur préféré, c’est Benzema
C’est son premier titre de la saison, en attendant peut-être mieux au printemps. Karim Benzema, l’attaquant lyonnais, est le joueur de Ligue 1 préféré des Français. Il récolte 21 % des voix, vient ensuite le Bordelais Yoann Gourcuff (20 %) et le capitaine de l’OL Juninho (6 %). Ce résultat scelle une double évidence : si l’écart entre les deux premiers est infime, les autres joueurs cités recueillent, en revanche, de simples miettes.
Quoi de plus normal en somme tant Benzema et Gourcuff incarnent le présent et surtout l’avenir du football hexagonal. « Ça fait plaisir, même si ça ne demeure qu’un sondage. Ça me touche forcément. Quand je suis sur un terrain, je fais toujours en sorte de procurer du plaisir aux gens », commente le surdoué lyonnais. Amené à se prononcer sur le tiercé de tête, sa réponse fuse comme ses buts : « Yoann et Juni sont de très grands joueurs. Nous bénéficions tous les trois de l’exposition de la Ligue des champions. »
Il plaît plus aux femmes que le Bordelais
Hommes, femmes, juniors, seniors, fans de foot, tous ont donc plébiscité Benzema et Gourcuff. Chacun se passionne pour ce duo en or massif. Benzema bénéficie, au final, de son statut de buteur en série en Ligue 1, mais aussi en Ligue des champions où il affole les compteurs (NDLR : 12 buts inscrits en 17 matchs). Si les hommes ont un faible pour Gourcuff, les femmes, elles, craquent pour Benzema. Pas de quoi faire rougir toutefois l’intéressé qui se contente d’un haussement d’épaules. Dans le détail du sondage, Benzema est le préféré des employés, des ouvriers, des banlieusards, celui des moins de 30 ans et des plus de 50 ans, mais pas celui des électeurs de droite, alors que ceux de gauche ne les départagent pas. « J’ai moins de 30 ans, je corresponds peut-être plus à cette tranche d’âge, s’amuse-t-il. Etant issu d’un milieu ouvrier, je suis davantage représentatif chez ces personnes-là. » Depuis ses débuts en Ligue 1, en janvier 2005, Benzema a donc déjà accumulé un capital sympathie suffisamment solide pour résister à des performances, pour l’heure, moins significatives chez les Bleus. Ce sondage prouve aussi qu’il ne suffit pas de quelques matchs bien troussés pour entrer dans le coeur des gens. Il faut s’inscrire dans la durée. A tout juste 21 ans, Benzema n’a pas fini de plaire.
Les présidents de club s’inscrivent en faux
La lecture de notre sondage ne laisse pas les présidents de Ligue 1 indifférents. Le désintérêt croissant des Français interpelle. Le Lillois Michel Seydoux pèse ses mots : « Je suis vraiment très étonné de ce résultat, note-t-il. Il y a un gros suspense et un resserrement des valeurs en haut du classement. Auparavant, tout semblait joué d’avance, mais ce n’est plus le cas.
»
Jean-Louis Triaud, son homologue bordelais, est plus direct. « Dire que la L 1 est inintéressante, c’est céder au bourrage de crâne, assène-t-il. A force de le lire, il y a des gens pour le croire. Mais ce n’est pas vrai. »
« Tout est lié au confort des stades »
L’autre reproche, se rapportant à la cherté des billets, passe mal également. « Le moment est peut-être incongru en ces temps de crise pour poser la question, poursuit Triaud. Tout est lié au confort des stades. Si les gens sont mal accueillis, ils ont tendance à être injustes sur la qualité du spectacle. »
Henri Legarda, le président du Mans, abonde dans ce sens. « Il y a vingt ans, on annonçait la mort des salles de cinéma. Puis des multiplexes confortables sont arrivés et on est passé de 90 à 170 millions de spectateurs par an. Bâtissons les mêmes stades qu’en Allemagne ou en Angleterre, avec des attractions avant les matchs, et le public viendra en masse. Le prix, c’est un faux problème. Ce n’est pas plus cher qu’un ticket de cinéma. »
De son côté, Jean-Michel Aulas, l’homme fort de Lyon, se félicite de la désignation de Benzema comme joueur préféré des Français. « Le sens populaire est un bon sens, sourit Aulas. Karim est le plus populaire et probablement le plus talentueux des joueurs français. C’est un footballeur exceptionnel dont le mode de vie et l’intégration sont une réussite. C’est un modèle d’intégration au sens civique du terme, mais aussi au sens de l’éducation et de la formation. »
La cote de son club auprès du public le réjouit tout autant. « C’est le résultat de nos performances historiques, insiste-t-il. Nous faisons partie des quatre clubs européens à jouer six fois de suite les 8es de finale de la Ligue des champions. C’est une performance plus difficile que de gagner l’épreuve. »