Information
Paul Tchoukriel Le jeune premier Nommé après l'éviction de Stéphane Guy, il y a près de deux ans, le commentateur n°1 du foot sur Canal + s'est fait petit à petit sa place.
Paul Tchoukriel n'est pas un enfant de la télé, c'est un enfant de Canal +. L'actuel commentateur no 1 du football sur la chaîne cryptée, qu'on retrouvera ce soir au commentaire d'OM-Lens (21 heures, Canal + Sport 360), n'a pour l'instant connu qu'elle comme journaliste, une relation également quasi exclusive de téléspectateur. « P etit, j'avais le droit de regarder deux choses à la télé : Tintin et Canal +. » Et en particulier le foot, qui accompagnera également sur le terrain toute la première partie de sa vie, des jeunes années à l'Olympique Lyonnais au centre de formation de l'AS Nancy Lorraine rejoint à 16 ans. Bosseur, l'adolescent rêve de percer dans l'élite tout en lisant le Point , un abonnement offert par ses parents pour s'évader un peu du foot. Des respirations complétées par le visionnage passionné, et parfois effrayé, de l'émission Faites entrer l'accusé . « Le journalisme a alors commencé à m'attirer » , confie-t-il.
Entre les blessures, l'absence de contrat pro et le sentiment de ne pas être totalement au niveau, Paul Tchoukriel abandonne son rêve de foot à l'été 2011, à 20 ans. « Je ne pensais qu'à cela depuis quinze ans et, d'un coup, tout s'arrête, se souvient-il. Je n'allais plus à l'école depuis deux ans (après un bac ES mention très bien), les concours et les inscriptions pour la fac étaient passés, je venais de me faire larguer, je n'avais pas de vision... Là, ma mère me sauve la vie en me relançant sur le journalisme et en listant toutes les facs auxquelles je pourrais écrire pour raconter mon histoire et essayer de les convaincre. »
Ça marche. À la rentrée, il se retrouve à la Sorbonne, à Paris, et décide de se couper totalement du foot pendant deux ans. « J'avais fait une sorte d'overdose, je voulais avancer sur autre chose. » Lancé dans un double cursus histoire-sciences politiques, il décroche sa licence... et un nouvel entourage. « J'ai rencontré des personnes qui voulaient entrer dans les plus grands corps de métier, parlant avec passion de la Cour des comptes et du Conseil d'État. Moi, je débarquais d'un centre de formation où nos débats consistaient à savoir qui de Ronaldo ou de Messi était le meilleur. Je me suis dit : je n'appartiens pas à ce monde-là. Mais j'ai fait des efforts. J'ai commencé par emprunter l'É tranger, d'Albert Camus, dans la bibliothèque d'un copain, puis j'ai enchaîné en lisant beaucoup, littérature et presse, pendant tout mon cursus. »
Propulsé numéro 1 à 29 ans
Pressé d'attaquer son nouveau métier, l'ancien milieu offensif opte pour une formation en alternance à l'Institut pratique de journalisme et à... Canal +, sur la chaîne Infosport +, où il fait ses armes pendant deux ans : sujets, présentation, duplex... Passé à la pige en 2016, il s'essaie enfin au commentaire et y trouve du plaisir, avec une trajectoire classique : résumés pour l'émission Jour de foot , matches amicaux, avant de monter peu à peu au gré de la valeur des différents Championnats retransmis. « Paul possède un excellent niveau de vocabulaire, une voix grave et agréable et une culture générale au-dessus de la moyenne, estime Laurent Jaoui, ancien responsable de la rédaction des sports, aujourd'hui collaborateur d'Amazon. À Infosport +, je me suis investi pour qu'il rejoigne la rédaction foot . Puis, en charge de l'installation de la D1 féminine au début du contrat en 2018, j'ai insisté pour qu'il commente le deuxième match (après Xavier Giraudon). Naturellement, Stéphane parti, je considérais qu'il devait être le commentateur no 1. »
Stéphane, c'est Stéphane Guy, alors l'unique grande voix du foot sur la chaîne depuis quatre saisons et le transfert de Grégoire Margotton à TF1. Le « départ » , c'est son licenciement à Noël 2020 pour avoir salué à l'antenne Sébastien Thoen, viré du groupe quelques semaines plus tôt. Installé deuxième commentateur depuis la rentrée, Paul Tchoukriel se retrouve donc propulsé numéro 1, à 29 ans, du jamais vu. Lui n'avait pas signé la lettre de soutien à Sébastien Thoen, paraphée par une bonne partie de la rédaction, et cela semble un préalable à sa nomination. Mais lui rappelle qu'elle s'est faite « dans la logique des choses. Je ne suis pas arrivé de nulle part. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir, j'avais une nouvelle responsabilité à assumer » .
Le voilà en effet aux commentaires des affiches de Ligue 1 et, quelques mois plus tard, de Ligue des champions. À charge pour lui de réussir à tisser le lien avec le consultant phare de la chaîne, Habib Beye. « Quand tu as noué une relation aussi forte que celle que j'avais avec Stéphane, forcément tu as une appréhension, reconnaît ce dernier. Il fallait tout reconstruire, mais cela s'est fait facilement. Paul est jeune, frais, et donc pas pollué par ce qui peut parfois nous agacer dans le foot. Il souhaite toujours prendre le meilleur de ce qu'il commente, c'est plaisant. »
Tout en assénant quelques tacles néanmoins, à l'image de son prédécesseur. Le 22 septembre 2021, il balance ainsi : « Nous, on vous montre les images, ce n'est pas l'URSS ici » , devant l'envahissement de terrain de supporters messins lors de Metz-PSG (1-2). « Ce n'était pas en réaction à Amazon (le diffuseur n'avait pas insisté sur des événements similaires lors de Lens-Lille (1-0), le 18 septembre 2021) , assure-t-il. Je voulais simplement signifier qu'il fallait parler plus de ces problèmes qui s'enchaînaient. »
"Je ne veux pas être excluant, c'est la priorité
Paul Tchoukriel
Comme pour ses prédécesseurs, sa notoriété naissante s'accompagne aussi de premières critiques, notamment sur son ton, parfois trop monocorde pour certains. « Sa voix va prendre de l'expérience, mais déjà elle n'est pas neutre, c'est un immense avantage, constate Habib Beye. Il a une vraie identité vocale. Et je lui ai dit que la force d'un journaliste, c'est avant tout de ne pas manquer les moments décisifs d'un match à forte intensité émotionnelle. Là, il ne peut pas manger ses mots, rater son accroche et ce qui se passe après le but. Et sur toutes les grandes affiches, il ne s'est jamais loupé ! » Les téléspectateurs découvrent aussi, peu à peu, ses références peu banales comme lors du PSG-Juventus (2-1) en ce début de saison.
Il définit Adrien Rabiot comme « l'autre duc de Boulogne » , rapport au rappeur Booba dont c'est le surnom. « J'ai aussi cité du Jul, forcément j'ai des références de ma génération... mais pas seulement. Je ne veux pas être excluant, c'est la priorité. » Il est désormais de plus en plus identifié sur son nom et de moins en moins comme « le commentateur de Canal » . Il le reconnaît lui-même : « Avant, dans les stades, les spectateurs prenaient seulement une photo avec le consultant... Aujourd'hui, ils me le demandent aussi. Mais je peux encore me balader dans la rue, je ne suis pas Brad Pitt (rires). »