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Diouf : « Au bout si possible »
[Pape Diouf assigne à ses hommes l'objectif de ne pas brader la Coupe de l'UEFA.]
Des quatre clubs français engagés en Coupe de l'UEFA, Marseille est celui qui donne l'impression de posséder le plus d'atouts pour aller loin. Au-delà d'un passé récent qui associe l'OM aux grands frissons européens (une victoire, trois finales en vingt ans), le club phocéen est celui qui tient, sur la C3, le discours le plus volontariste. Dans l'entretien qu'il nous a accordé avant le seizième de finale face à Twente, jeudi soir, le président Pape Diouf parle «d'aller au bout, si possible.»
« Pape Diouf, avec quel objectif l'OM aborde-t-il les seizièmes de finale de la Coupe de l'UEFA ?
Aller le plus loin possible. Ce n'est pas une compétition que nous allons prendre par-dessus la jambe. Pour nous qui ne sommes plus qualifiés dans les coupes nationales, ce peut être un terrain très appréciable.
On s'étonne que les clubs français ne se montrent pas capables de la gagner alors que les Russes ou les Turcs l'ont récemment remportée. Qu'en pensez-vous ?
Ce n'est pas pour ça qu'elle est à notre portée. Il faut aller puiser dans ses ressources pour la gagner. L'OM a disputé la finale deux fois ces dernières années (1999, 2004). Parme et Valence n'étaient pas les premiers venus.
Marseille a laissé filer bêtement la qualification contre le futur vainqueur, le Zenith Saint-Petersbourg, l'an passé. Y pensez-vous souvent ?
Deux défaites, depuis que je suis là, sont restées comme des échecs durs à avaler. Il y a la finale de la Coupe de France 2007 contre Sochaux et cette élimination-là. Nous gagnons l'aller 3-1 après avoir mené 3-0. On prend le but qui nous élimine en toute fin de match. Et pour le match retour, je m'en souviens parfaitement, nous nous étions endormis sur nos lauriers. Nous n'avions pas répondu à l'exigence de la compétition. Nous avons pensé que notre avance était suffisamment importante pour nous permettre de ne pas rester sur le qui-vive. C'était une erreur et nous le commettrons plus. Mais rien ne dit que nous aurions réalisé le même parcours que le Zenith si on s'était qualifiés. Le Zenith a notamment affronté le Bayern dans des circonstances infiniment favorables, que nous n'aurions peut-être pas connues.
Lorsque vous parlez de circonstances infiniment favorables, à quoi faîtes-vous référence* ?
A des circonstances de jeu. Un match ne ressemble pas à un autre. Et le Zenith a battu largement le Bayern, si je me souviens bien (4-0).
Avec le recul, la phrase sur ''les vizirs et les nababs'', vous la trouvez toujours appropriée** ?
Oh, j'ai dit à l'époque qu'elle avait été extraite d'un ensemble d'éléments. Mais si ça a pu faire sourire et rester dans les bons mots de la vie olympienne, pourquoi pas ?
La Coupe de l'UEFA sert souvent de variable d'ajustement pour gérer l'effectif et reposer les cadres, avec l'idée que la L1 est plus importante...
Honnêtement, noue ne sommes pas dans cet état d'esprit. La Coupe de l'UEFA, ce n'est pas juste une compétition en plus. C'est une compétition internationale, avec des équipes prestigieuses, que nous jouerons si possible pour aller jusqu'au bout. Elle ne sert absolument pas pour faire de la mesure de temps de jeu. Eric Gerets est dans l'esprit de faire jouer la meilleure équipe possible au moment dit. Il pourra avoir besoin de faire souffler tel ou tel joueur, mais il pourra exercer ce besoin sur un match de L1.
Eric Gerets a beaucoup d'expérience dans les Coupes d'Europe. Estimez-vous qu'il a apporté un vrai plus dans la gestion de ces événements ?
Le vrai plus, nous n'en parlerons que quand il se traduira concrètement sur le terrain. Il connaît Europe, la férocité de la compétition, mais le fait que n'ayons pas été plus loin que les huitièmes de finale l'an passé et que nous n'avons pas pu tirer le meilleur parti de notre position en première phase de Ligue des champions nous oblige à faire de vrais efforts. Eric en est conscient.
Vous parlez de la Ligue des champions. Avec le recul, comment analysez-vous l'échec de la première phase cette saison ?
D'abord par le manque d'efficacité. Je persiste à penser que le match contre Liverpool au Vélodrome (1-2), on devait, pour le moins, vraiment au pire, partager les points. On devait gagner ce match... A Madrid aussi (1-2), on a manqué de réalisme. A Anfield aussi (0-1). On a montré qu'on pouvait rivaliser. Mais il faut savoir tuer les matches, mieux s'adapter au contexte européen. Sur le jeu même, franchement, je n'ai pas le sentiment que nous avons été surclassés.
C'est étonnant que vous ne parliez pas de la défaite à Eindhoven (0-2)...
Le non-match. Après un succès intéressant à Valenciennes, nous avons pêché par excès de confiance.
Un club français, Marseille par exemple, aura-t-il les moyens de gagner la Ligue des champions à nouveau à l'avenir ?
Telle que la situation se présente non, sauf parcours ex-cep-tion-nel à tous points de vue, avec notamment une réussite phénoménale. La réalité des choses, aujourd'hui, est que nous sommes loin des années 90, avant l'arrêt Bosman, quand la meilleure écurie française, en l'occurrence l'OM, avait en son sein les meilleurs nationaux. Réfléchissez à une équipe de L1 où les Français d'Arsenal, de Chelsea, de la Liga joueraient ensemble. L'OM c'était Barthez, Desailly, Di Méco, etc. Pas un club en France aujourd'hui ne pourrait réunir une telle équipe.
Et pour gagner la Coupe de l'UEFA, faut-il tout ça ?
La concurrence est moins féroce, les exigences sont différentes, moins grandes, mais elles sont réelles.
Les supporters de l'OM peuvent-ils se satisfaire de l'idée que gagner la Ligue des champions n'est plus possible ?
Ce n'est pas parce qu'ils sont supporters qu'ils croient au père Noël. Avec les écuries dont je parlais tout à l'heure, qui d'ailleurs, contrairement à nous, ont la capacité de s'endetter, ils savent que la Ligue des champions d'aujourd'hui, ce sont les douze travaux d'Hercule.
Vous affirmiez récemment dans L'Equipe que la Ligue des champions était dans les gênes de l'OM. Que vouliez-vous dire ?
Qu'il y a un côté irréductible, pour un club comme l'OM, à devoir aller en Coupe d'Europe pour y avoir de hautes ambitions. C'est naturel. C'est dû à notre statut, mais pas seulement. Nous sommes le seul club en France à avoir gagné la Ligue des champions et nous serions heureux d'être les premiers à gagner la Coupe de I'UEFA, ce doublé ne manquerait pas d'allure. L'ambition est naturelle, du fait des potentialités du club. »
Propos recueillis par Cédric ROUQUETTE
* Selon le journal espagnol ABC, des mafieux russes originaires de Saint-Pétersbourg se sont vantés d'avoir payé plus de 20 millions d'euros pour assurer la victoire du Zénith en Coupe de l'UEFA la saison dernière, en demi puis en finale.
** Le 13 mars 2008, au lendemain de l'élimination, il avait déclaré : «Le match de jeudi m'a empli d'un sentiment de colère. Il est manifeste que des joueurs se sont pris pour des nababs, des vizirs.»