Baioko a écrit:Vous critiquez la banderole, mais que pensez des Ultras Italiens qui sont capable (malgré le racisme de certain groupe et leur rivalité) depuis plusieurs années de s'unir contre tout ce qui leur arrive sur la gueule ? (repression, meurtre, etc etc )
Je ne suis pas intervenu jusqu'ici parce que je connais trop mal le mouvement ultra pour pouvoir avoir un avis tranché. En revanche, j'ai un avis sur ta dernière question.
Ce sont des banalités que de dire d'une part que les ultras dans leur ensemble ont fait et font encore beaucoup pour l'ambiance dans les stades, d'autre part qu'hier comme aujourd'hui, ils ne respectent pas toujours dans la légalité. Par ailleurs, l'évolution politique à l'américaine, les scandales du hooliganisme (je parle des accidents mortels, évidemment regrettables et très largement médiatisés), l'effet footix, tout cela fait que sans devenir plus virulents ou plus violents, les ultras sont aujourd'hui plus qu'hier dans la ligne de mire des autorités, qui visent à "assainir" (et donc affadir) l'ambiance au stade. La simplification et l'amalgame, qui est consubstantielle au traitement médiatique, font que la majorité de la population se retrouve en l'occurrence derrière les autorités.
Se sentant attaqué (et l'étant pour de bon), le mouvement se défend naturellement en serrant les coudes et en oubliant taisant les oppositions internes qui sont pourtant aussi l'une de ses raisons d'être. Deux questions se posent aux groupes : celle de l'attitude la plus efficace, et celle de ce qu'il convient d'accepter pour se défendre.
La réponse à la première question est difficile, parce que la position du mouvement dans l'opinion publique est délicate. En même temps, l'optimisation d'une stratégie de communication externe n'est pas forcément ce qui intéresse en premier lieu les ultras... Sur un plan interne, la banderole en question pose quand même un problème, du fait du caractère nécessaire des oppositions entre ultras des différents clubs. Si les ultras de l'OM et ceux du PSG ne se font plus que des bisous, que reste-t-il de la nature ultra ?
La réponse à la deuxième question est de nature morale, c'est un cas de conscience. Le problème n'est pas nouveau. Toutes proportions gardées, c'est celui de l'affaire Dreyfus (avec, ironie, les ultras dans le rôle de l'armée). L'honneur de l'armée valait-il davantage que l'honneur d'un homme (et aussi que la vérité et la justice) ? Les anti-dreyfusards pensaient que oui. Là, doit-on accepter de soutenir des collègues impliqués dans une mort d'homme ? Des collègues dont on sait que la faction a été dissoute pour l'affinité d'une partie d'entre elle avec les néo-nazis et pour le silence coupable des autres ? Chacun donnera sa réponse selon sa sensibilité. Dans le cas des Italiens, ma morale personnelle est claire, le soutien serait aller trop loin - mais je ne suis pas concerné directement, évidemment. Dans le cas de la banderole, je n'ai pas d'avis tranché. C'est une erreur de communication, ça, c'est sûr. Maintenant, sur le fond, c'est aussi une manièe de réaffirmer la présence du mouvement au delà de certaines dérives, que l'on peut condamner par ailleurs.
De toute façon, je pense que les autorités publiques viendront à bout des ultras, comme en Angleterre. Pour le meilleur (plus de saluts fachos dans les tribunes) et pour le pire (des stades dont l'ambiance survoltée particulière aura disparu).
"La société de surconsommation, fruit d'un capitalisme dérégulé, relève d'une logique compulsionnelle dénuée de réflexion, qui croit que le maximum est l'optimum et l'addiction, la plénitude." Cynthia Fleury