Tombé amoureux de l'OM, l'entraîneur belge annonce que Marseille jouera le titre la saison prochaine. Il fait confiance à ses dirigeants pour lui en donner les moyens. Dans le cas contraire, un départ est envisageable !
" J'ai mis trois jours pour me remettre de la défaite face à Lille au Vélodrome (3-1). " Pour exorciser cette sortie de route, l'entraîneur a " offert " trois quarts d'heure de séance vidéo à ses joueurs. Nous sommes le mercredi 23 avril. Un soleil généreux inonde La Commanderie, le centre d'entraînement de l'OM. éric Gerets nous attend dans son bureau, la fenêtre grande ouverte pour évacuer les fumées d'un gros cigare que le Belge, fin connaisseur, savoure visiblement.
Si vous deviez dresser un portrait-robot de vous-même, ce serait lequel ?
Eric Gerets : " J'ai toujours su que j'étais quelqu'un qui devait travailler dur pour arriver à ses fins. Plus dur que les autres. Quand j'étais joueur, je savais que je n'avais pas le talent d'un meneur de jeu ou d'un centre-avant. Si je voulais faire carrière, je me devais de faire des sacrifices. Cela m'a coûté cher puisque mes enfants ne m'ont jamais vu. Il n'y avait que le football qui comptait. C'était certainement exagéré. Mais grâce à ça, j'ai réussi.
Doit-on être fou pour entraîner un club comme l'OM ?
Il faut être fou de foot. Et être fou de l'ambiance qui règne ici. Je ne me vois pas dans un club où on ne fait que 5 000 à 6 000 spectateurs de moyenne.
Que recherchez-vous à Marseille ? L'adrénaline ?
J'ai choisi l'équipe qui allait avec mon caractère. Moi, j'ai besoin de me sentir à la maison. De vivre dans une maison où je me sens tranquille. C'est le cas ici.
Et le stress ?
Tous les entraîneurs ont du stress. D'accord, il n'est pas le même quand on entraîne Caen ou l'OM. à Marseille, on est chaque jour dans les journaux. On nous tape dessus ou on nous caresse... Mais je préfère avoir du stress tout haut que du stress tout bas. C'est plus agréable de vivre avec.
Le charisme ou l'autorité sont-ils nécessaire pour s'imposer ici ?
Il faut avoir des couilles, sinon on se fait manger. Il faut déjà montrer que son équipe a un profil de jeu, une certaine discipline. Le charisme, c'est également un avantage. Je ne sais pas si les joueurs qui sont là se souviennent des trois coupes du monde que j'ai jouées (1982, 86 et 90). Cela vous donne de l'avance. Mais si vous perdez cinq matches d'affilée, votre carte de visite vous pouvez vous la mettre... [Il s'arrête].
Vous êtes-vous servi de votre expérience à Galatasaray pour avancer avec l'OM ?
Certainement. Ce fut une sacrée expérience... [Il tire une bouffée de son cigare] C'était vraiment l'inconnu. Marseille, ce n'est pas l'inconnu. La Turquie, c'est l'aventure pure. Et quand on a travaillé deux ans en Turquie, on peut aller n'importe où.
Quelle différence pouvez-vous faire entre l'OM de septembre 2007 et l'OM d'aujourd'hui ?
Les joueurs jouent plus en fonction de l'équipe. Chacun sait ce qu'il doit faire. Avec ou sans le ballon. Collectivement, nous sommes plus mûrs qu'avant.
Et l'ambiance dans le vestiaire ?
Je ne peux pas dire qu'elle était mauvaise au moment où j'ai repris le groupe. Elle était même peut-être trop bonne pour une équipe qui était dix-neuvième en L1. Je me suis dit : " Comment est-ce possible ? " C'est peut-être ce qui fait le charme de la vie marseillaise, du climat. Cela m'a un peu étonné, je l'avoue...
Il y a pourtant eu ces tensions avec Djibril Cissé, entre autres...
Il n'y a pas eu de tensions. Je l'ai mis sur le banc et il a accepté le fait qu'il n'était pas dans le coup. Il n'était pas content, mais je n'ai jamais vu un joueur ravi d'aller sur le banc des remplaçants. Entre nous deux, il n'y a jamais eu de problème. J'ai eu des conflits avec des joueurs dans ma carrière. L'important, c'est comment on vit avec, comment on résout le problème. C'est quand j'étais joueur au PSV Eindhoven que j'ai appris la communication. J'ai eu le brassard de capitaine et j'ai dû donner des ordres à des Hollandais. Et pourtant, les Belges et les Hollandais ont des relations difficiles, vous savez... à Marseille, je n'ai jamais senti un soupçon de conflit avec un joueur. Mais c'est vrai qu'avec Cissé, j'étais curieux de voir sa réaction.
Ne pas disputer la Ligue des champions l'an prochain, ça vous travaille ?
Cela a commencé il y a six semaines. Avant, je disais toujours qu'il ne fallait pas rêver finir dans les trois premiers. Accrocher la Coupe de l'UEFA aurait déjà été un exploit... Puis on a eu une excellente série de matches et, finalement, on s'est dit qu'il y avait peut-être un espoir. Maintenant qu'on est revenu dans la course avec Nancy, on se dit qu'il y a moyen de réussir quelque chose de grand.
Et si ce n'est pas le cas ?
Ce serait une réelle déception. Mais pas un échec, car je ne pourrais pas en vouloir à mon équipe. On revient de trop loin. L'échec aurait été de faire toute la saison troisième et de perdre cette place à la dernière journée.
Serez-vous à Marseille la saison prochaine ?
C'est mon rêve avoué. Je veux faire le nécessaire pour jouer le titre la saison prochaine, et rivaliser ainsi avec Lyon. Sauf grave accident, je reste donc à Marseille.
Quel est ce grave accident ?
Je le garde pour moi...
On a beaucoup parlé de vous en Allemagne, du côté de Schalke 04...
Quand votre équipe joue un bon football, cela vous fait de la publicité. Mais ça ne sert à rien de parler de ça. J'ai un contrat qui court jusqu'en juin 2009. Je suis prêt à rester à Marseille, mais je voudrais avoir l'équipe pour réussir. Si on me donne l'objectif
de devenir champion de France, il faut les joueurs pour accéder à cela...