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L’OM, parole à la dépense
Après trois exercices marqués par une politique d’austérité, la crise du Covid et le contrôle de la DNCG, la masse salariale marseillaise atteint un niveau record et témoigne de l’ambition de sa direction. DE NOTRE ENVOYé SPéCIAL PERMANENT
MATHIEU GRéGOIRE (avec BAPTISTE CHAUMIER et VINCENT GARCIA) MARSEILLE – On n’attrape pas les Alexis Sanchez avec du vinaigre. Passé par le FC Barcelone, Arsenal, Manchester United ou l’Inter Milan, le Chilien de 34 ans incarne les ambitions de l’OM version 2022-2023. Le club marseillais a recruté de nombreux joueurs d’expérience, habitués aux grandes écuries européennes : Jordan Veretout a fait ses classes à l’AS Rome, Eric Bailly à United ou Chancel Mbemba à Porto. Cette politique, qui rappelle celle de l’OM de Didier Deschamps en 2009-2010 ou du début de l’ère Frank McCourt (2017-2019), a un prix, certain, et il se mesure via la masse salariale.
La rémunération moyenne des joueurs marseillais, basée sur les vingt éléments composant actuellement le groupe élite, apparaît en nette hausse, et elle dépasse allègrement les trois derniers exercices. Lors de la saison 2019-2020, le plan d’austérité décrété par McCourt s’était concrétisé par une baisse des revenus, poursuivie lors de la période Covid (2020-2021). La saison dernière, la masse salariale avait été encore maîtrisée, sous la pression de la DNCG, qui avait décidé de l’encadrer. Le président Pablo Longoria n’avait guère goûté nos estimations, alors qu’il tentait de vendre un projet plus vertueux aux instances. Mais celles-ci n’étaient pas dupes de certaines pratiques, qu’on pourrait qualifier d’audacieuses, repoussant des problèmes au lendemain : l’OM a ainsi décalé les paiements de certains joueurs (Alvaro Gonzalez, Leonardo Balerdi) aux saisons suivantes, tout en proposant des contrats « ascendants » à d’autres éléments.
En ce début d’année 2023, il s’agit d’être prudent face aux procédés parfois baroques des clubs. Le duo Ribalta-Longoria prend souvent en exemple les chiffres publiés dans la presse italienne à propos des salaires de l’Atalanta. Pour les deux hommes, taquins, ces montants sont ridiculement bas, car la part variable de la rémunération est parfois supérieure à la part fixe pour un joueur du club de Bergame.
Un budget gonflé par CVC, la C1 et des recettes « historiques »
À l’OM, où le raisonnement est tenu en net, les rémunérations totales intègrent le lissage de grosses primes à la signature pour certains cas (Mbemba, Sanchez), l’impatriation (lire page 3) pour d’autres, ou encore l’existence de primes importantes pour la qualification en Ligue des champions, déclenchées par la seconde place en mai. « Sur quelques contrats, il y a clairement un salaire sans Ligue des champions et un salaire avec Ligue des champions, confie un cadre du club. Plusieurs millions d’euros de bonus sont donc décalés d’une saison à l’autre. » Selon un autre dirigeant, cette prime « C1 » est établie selon le pourcentage de minutes disputées en L1 par le joueur, à partir de 50 % des matches joués sur l’exercice.
Loin de l’image des « bouts de ficelle » un temps vendue dans les médias, la masse salariale actuelle reflète la construction d’une grosse armada par la direction et elle atteint un niveau record, supérieur aux exercices 2017-2018 et 2018-2019. On retrouve des similitudes sur le haut du panier (Dimitri Payet, Luiz Gustavo, Kevin Strootman, Mario Balotelli à l’époque), peut-être un peu moins rémunéré aujourd’hui. Mais les classes moyenne et inférieure du vestiaire apparaissent mieux payées aujourd’hui, et un « petit salaire » n’existe plus à l’OM. Pour les éléments aguerris, Longoria a opté pour des contrats plus courts (un an plus un pour Sanchez, prêt pour Bailly, trois ans pour Mbemba et Veretout, contre cinq pour Strootman). Il est bien plus généreux que son prédécesseur sur les commissions d’agents. Réfléchissant en termes de trésorerie (ce qu’il a en caisse, à l’instant T), l’Espagnol de 37 ans aime dépenser. L’encadrement de la DNCG était un corset très serré. Conforté par la fiabilité financière de McCourt, Longoria surfe aujourd’hui sur un budget gonflé par l’apport du fonds d’investissement CVC, l’argent de la C1 et des recettes (billetterie, sponsors) qu’il qualifie « d’historiques » – sans s’attarder sur la part majuscule des aides de l’État post-Covid dans ce calcul record.
L'Equipe