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Les clubs français de football comptent se refaire une santé avec l’argent du fonds CVC
Les vingt clubs de Ligue 1 ont réussi à s’entendre sur la répartition de l’enveloppe de 1,5 milliard d’euros que doit apporter le fonds CVC, contre 13 % du capital de la nouvelle filiale commerciale de la Ligue de football professionnel.
Par Jérôme Porier et Sandrine Cassini
Une bouffée d’oxygène et la perspective de regarder l’avenir avec un peu plus de sérénité. Financièrement malmenés par la pandémie de Covid 19 et la faillite de Mediapro, éphémère diffuseur du championnat de football français, les vingt clubs de Ligue 1 ont tous voté, jeudi 24 mars, la deuxième phase de leur accord avec CVC Capital Partners.
Il leur fallait s’accorder sur la répartition de la somme de 1,5 milliard d’euros que le fonds d’investissement s’est dit prêt à injecter dans une nouvelle société commerciale créée par la Ligue de football professionnel (LFP), dont il détiendrait 13 % du capital.
Le principal point de tension portait sur la somme qui serait dévolue au PSG. Selon nos informations, l’affaire n’a pas été facile à négocier, et les discussions se sont achevées tard mercredi avec le premier club français, qui estime générer entre 32 % et 34 % des recettes du foot français.
Finalement, le club parisien a accepté de se contenter de 200 millions d’euros, soit 100 millions d’euros de moins qu’espéré au départ. « Légitimement, ils pouvaient revendiquer plus, mais il fallait aussi avoir le vote des clubs moyens et petits », dit un témoin des négociations.
Cet effort va permettre à l’Olympique de Marseille et à l’Olympique lyonnais de toucher 90 millions d’euros chacun, alors que Lille, Nice, Monaco et Rennes obtiendront 80 millions d’euros. Les treize autres clubs toucheront, eux, 33 millions d’euros chacun.
« CVC souhaitait qu’il y ait unanimité sur ce projet, et pas que les clubs se déchirent. On a dit aux clubs que c’était la condition pour investir », fait savoir l’un des négociateurs. CVC ne veut visiblement pas revivre son expérience italienne, où les clubs n’ont toujours pas réussi à s’entendre sur la répartition des sommes.
« Les clubs, grands et moyens, ont parlé d’une seule voix »
« C’est une étape importante et un pas en avant pour le football français, se félicite Loïc Féry, président et propriétaire du FC Lorient et vice-président du bureau du conseil d’administration de la LFP. Se démarquant de ce qui a pu survenir dans d’autres pays, les clubs professionnels français, grands et moyens, ont parlé d’une seule voix, unis avec l’ambition de la Ligue 1 de devenir top 3 au niveau européen. C’est une étape importante pour le football français. »
En parallèle, les clubs se sont également accordés au sujet de la répartition future des revenus récurrents : les droits télévisés et les recettes issues du numérique. Les droits internationaux de la Ligue 1 ne représentent que 70 millions d’euros par an, très loin de ceux de la Premier League britannique (5,3 milliards de livres sur la période 2022-2025, soit 2,12 milliards d’euros par an).
C’est pour CVC – qui espère qu’en dix ans les recettes de la LFP passeront de 850 millions d’euros de revenus annuels à 1,8 milliard – un axe majeur de croissance. Afin d’inciter les présidents de club à aller au plus haut niveau, leur part des droits internationaux sera indexée sur leur classement dans les compétitions européennes.
En parallèle, CVC, qui a également investi dans le championnat espagnol, a dû rassurer les clubs français inquiets des risques de possibles conflits d’intérêts. Le fonds leur a annoncé qu’il n’y aurait pas d’interférence avec la Liga, dans la mesure où c’est une équipe française, récompensée en fonction des performances de la LFP, qui serait chargée de s’occuper de la société commerciale.
« Engager des réformes structurelles »
Pour l’avenir, Bernard Joannin, président du Amiens SC et président des clubs de Ligue 2, avertit toutefois, à propos de l’utilisation des fonds apportés par CVC : « Si cet argent sert à apurer les comptes des clubs et à poursuivre l’augmentation des salaires des joueurs, ce sera une catastrophe. Le football français doit utiliser cet argent pour engager des réformes structurelles. Il faut plus de buts, des rencontres plus spectaculaires. »
En attendant, la LFP va commencer par rembourser les 170 millions d’euros de prêt garanti par l’Etat obtenu au plus fort de la crise liée au Covid-19. Et garder 200 millions d’euros en réserve, une somme destinée à affronter les coups durs.
Tout n’est pas réglé : l’accord définitif entre la LFP et CVC doit encore être signé. Il doit également être approuvé par les autorités de la concurrence. De bonne source, Emmanuel Macron a donné un coup de pouce à cet accord, en accélérant le vote de la proposition de loi visant à démocratiser le sport, dans laquelle figurait la création de cette société commerciale. Et en faisant en sorte d’éviter que soit adopté, comme le voulait le Sénat, un droit de veto dévolu à la Fédération française de football. Une disposition qui aurait fait fuir CVC.