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L'OM et la Juventus Turin ont officialisé hier le mouvement à double sens entre Marley Aké (20 ans) et Franco Tongya (18 ans). Un faux échange entre l'attaquant biterrois et le milieu de terrain turinois, mais deux vrais transferts pour le plus fada des clubs français et la Vieille Dame. Un montage qui ferait entrer l'OM dans une nouvelle ère. "C'est une opération moderne", aime à dire Pablo Longoria, le directeur du football olympien, qui n'a jamais caché sa volonté d'être "créatif", ni le savoir-faire appris chez les Bianconeri, où il a officié de 2015 à 2018.
Mais derrière les mots, il y a une autre réalité qu'il faut expliquer. Sur le papier, l'OM doit donc débourser 8 millions d'euros pour s'attacher les services d'un jeune élément en fin de contrat en juin prochain, certes prometteur mais qui n'a jamais joué en Serie A, tandis que la Juve mise la même somme sur Aké et ses 227 minutes en L1. Pour rappel, le club olympien vient de lâcher 8M€ (hors bonus) pour s'attacher les services d'Arkadiusz Milik... L'OM, à l'instar de la Juve au sujet de Marley Aké, prend d'ailleurs soin de préciser que Franco Tongya est à Marseille pour "renforcer les rangs de l'équipe de National 2". De quoi faire de lui le joueur le plus cher de l'histoire de la quatrième division !
Ce numéro d'équilibriste avec les chiffres, sans circulation de véritable argent selon les experts italiens, n'est pas sans intérêt économique pour les clubs. "Cela permet de faire des opérations au niveau international. C'est une composante technique, cela facilite les questions financières", explique-t-on au sein de l'entité marseillaise. Pour mieux comprendre, il faut plutôt se pencher sur le mécanisme des transferts. Du côté du club acheteur, le coût d'un joueur est étalé sous forme d'amortissement sur la durée du contrat. Mais pour le vendeur, la plus-value à la revente (prix de vente moins la valeur restante du contrat), en revanche, rentre directement dans les comptes. Dans ce cas, l'OM, qui devrait en théorie payer la Juve en trois fois selon les termes des négociations (soit trois versements de 2,6 M€ sur quatre ans et demi) pour la signature de Tongya, peut inscrire les 8M€ de la vente d'Aké dans les bénéfices. Parfait pour enjoliver les bilans comptables. Un jeu d'écritures idéal en temps de crise économique.
La Juve, reine du double transfert
D'autres mots existent pour qualifier cette pratique autorisée, tout à fait légale et surtout utile pour s'adapter aux règles du fair-play financier. Certains n'hésitent pas à parler de dopage financier et de plus-value fictive pour qualifier ce tour de passe-passe destiné à gonfler artificiellement la valeur d'un joueur. Car qui peut dire aujourd'hui, dans un marché en récession et en temps de crise mondiale, que les deux jeunes pousses valent 8 millions d'euros chacun ? Rien ne permet de le mesurer. C'est tout le noeud du problème de la valorisation des joueurs, réelle ou pas, dans un système qui favorise les dérives et encourage les abus.
Cette pratique, qui remonte au début des années 2000, est ultra-courante en Italie depuis plusieurs années. Avec la crise actuelle, de nombreux observateurs craignent qu'elle ne se généralise. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la Juventus, spécialiste incontestée de la combine du double transfert, est aux manettes avec l'OM. Sur les cinq dernières saisons, l'institution piémontaise aurait ainsi réalisé un demi-milliard de plus-values, dont plus de 150 M€ en 2019-20. Les exemples ne manquent pas : Arthur - Pjanic avec Barcelone, Danilo - Cancelo avec Manchester City, Pellegrini - Spinazzola avec la Roma, et bien d'autres encore. Le marché des jeunes joueurs n'y échappe plus, comme l'opération qui a vu Felix Correia atterrir à Turin et Pablo Moreno s'envoler pour City en juin dernier.
D'autres écuries transalpines sont coutumières du fait : le Genoa, la Roma, l'Inter et le Milan AC, notamment. Représenté par l'incontournable Mino Raiola et proche de Niccolo Pirlo, le fils d'Andrea, qui serait suivi de près par le PSG, le milieu d'origine camerounaise a peut-être entendu parler du faux échange de "l'Architecte" de l'Inter à l'AC Milan, en 2001 (contre l'Argentin Andres Guglielminpietro et 2,8M€). En 2018, le Chievo Verone s'était vu infliger une amende de 200 000€ (et 3,7M€ séquestrés) ainsi qu'un retrait de points après de nombreuses opérations jugées fictives avec Cesena. À l'époque, la faillite du club d'Émilie-Romagne avait alerté les autorités italiennes.
Pour l'heure, les instances, UEFA en tête, laissent faire. L'OM ne s'en plaindra pas.
La Provence