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Le président lyonnais Jean-Michel Aulas a déjà fréquemment regretté l'arrêt des saisons de Ligue 1 et de Ligue 2 décidé par le CA de la Ligue le 30 avril. C'était à son avis une décision prématurée. Les reprises annoncées de Championnats en Europe viennent, selon lui, renforcer cette idée.
« Êtes-vous satisfait des décisions annoncées, notamment en Allemagne, même si on n'en est qu'au stade des intentions ?
Les choses se précisent. J'ai noté près de dix pays européens (dont l'Allemagne, donc, l'Italie, la Turquie...) où on a recommencé l'entraînement. Donc, on peut vraiment s'interroger. En adaptant nos méthodes, on aurait probablement pu finir le Championnat.
Vous dites : on aurait pu finir. Avez-vous renoncé à l'espoir d'une reprise de la Ligue 1 ?
On est dans un mauvais chemin, ce n'est peut-être pas trop tard pour essayer d'imaginer, au regard de ce qui se passe partout en Europe, quelque chose qui soit cohérent sur le plan politique : on avait jusqu'à fin août et peut-être même début septembre pour terminer. J'ai fait un petit calcul cet après-midi : les pertes, pour le foot français, friseraient les 700 millions d'euros du fait de cette décision. Grosso modo, la saison dernière le Championnat avait généré 409 millions de la part de partenaires économiques et de sponsors. On peut imaginer qu'on perdrait un montant de l'ordre de 50 à 85 millions. La perte des droits télé est de 250 à 300 millions d'euros. Celle sur la billetterie probablement d'une vingtaine de millions. Et puis, il y a l'argent des transferts pour équilibrer les comptes : 400 et 500 millions d'euros l'année dernière.
« Les décisions qui ont été prises peuvent pousser le foot français dans une situation catastrophique »
Mais comprenez-vous qu'on fasse de l'enjeu sanitaire une priorité par rapport aux enjeux économiques ?
Oui, mais il ne faut pas que, sous le prétexte sanitaire, on vienne arrêter un Championnat et fixer une règle du jeu qui n'est pas la bonne. Ça voudrait dire qu'il y a, derrière, un certain nombre d'intérêts qui n'ont rien de sanitaires.
Vous croyez qu'on veut la mort du foot français ?
Je n'ai pas dit ça, je dis simplement : les décisions qui ont été prises peuvent pousser le foot français dans une situation catastrophique. C'est un cri d'alarme.
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Dans les 700 millions que vous évoquiez, à combien s'élèveraient les pertes pour l'OL ?
Je ne peux pas le communiquer parce que nous sommes cotés en Bourse. Mais bon, l'OL faisait depuis trois ans, chaque année, entre 60 et 75 millions d'ebitda (earnings before interest, taxes, depreciation and amortization, soit, en français, bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements), donc de capacité d'autofinancement. C'est au moins ça qui va disparaître.
Comment comptez-vous convaincre les décideurs ?
Je ne cherche pas à convaincre, j'alerte sur les responsabilités prises par les gens qui ont décidé d'arrêter sans avoir, visiblement, tous les paramètres.
Mais en Allemagne, en Angleterre et ailleurs, il y a aussi pas mal de réticences à cette reprise.
J'ai participé ce matin à un pré-board de l'ECA (l'Association européenne des clubs) avec des présidents de tous les pays. Aucun des grands pays qui sont nos concurrents en Ligue des champions n'a émis de doutes sur la capacité de ses équipes à redémarrer. Après, il peut y avoir un redémarrage de la pandémie, il peut y avoir plein d'événements. Mais aujourd'hui l'UEFA maintient ses finales de Ligue des champions en août. Si tous les pays se préparent en juin et juillet et pas nous, ça reviendrait à couper les pattes du PSG et de l'OL !
«Pour tous les gens qui avaient pour principal argument, pour nous dire d'arrêter, que tous les autres Championnats allaient s'arrêter, une étape très importante a été franchie »
Jusqu'à quand le foot français peut-il revenir sur sa décision ?
Jusqu'à ce que je reçoive le procès-verbal du conseil d'administration qui a décidé d'arrêter. Je n'arrive pas à l'avoir depuis le 30 avril, et c'est étrange.
C'est-à-dire ?
C'est étrange qu'on ne puisse pas avoir accès aux documents qui ont motivé un arrêt du Championnat, qui peut coûter des centaines de millions d'euros au foot français.
Jusqu'à quand, alors ?
Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Pour tous les gens qui sont raisonnables et qui avaient pour principal argument, pour nous dire d'arrêter, que tous les autres Championnats allaient s'arrêter, une étape très importante a été franchie aujourd'hui. »