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Fair-play financier : coup de froid sur les frais à l'OM
Après une première période d'investissements conséquents, l'OM de Frank McCourt va devoir se renouveler avec un train de vie plus modeste.
Mathieu Grégoire, à Marseille
20 juin 2019 à 17h00
Trente-deux mois après le rachat de l'OM, le Champions Project a vécu et le club a basculé dans une période plus complexe. L'ère glaciaire ? De la masse salariale en tout cas. Pour les ambitions, on guettera le prochain discours plein de fighting spirit du patron, Frank McCourt. L'annonce des modalités de «l'accord de règlement» avec l'UEFA révélé par le site L'Équipe, mercredi après-midi, a climatisé les bureaux de la Commanderie, de nombreux salariés s'inquiétant pour la suite.
Cet «accord», un doux euphémisme enveloppant un éventail de sanctions et l'obligation de revenir dans les clous du fair-play financier en quatre ans, n'a pas surpris l'état-major de l'OM, qui connaissait sa teneur depuis plusieurs semaines. Mais la direction a été agacée par le timing, alors qu'elle vit un début de mercato crucial. «Dans ce contexte, on passe pour un club à l'agonie, et c'est un paramètre qui peut rentrer en compte pour les clubs qui veulent acheter nos joueurs à forte valeur marchande, comme Morgan Sanson», explique-t-on au sein de l'OM.
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D'ici au 30 juin, la direction cherchera à écouler à prix d'or quelques pièces de choix de son effectif : Sanson, Thauvin, Ocampos, Sarr, Strootman, voire Lopez ou Kamara, confiant sur sa prolongation de contrat mais qui est parti mardi en vacances à l'autre bout du monde sans l'avoir signée.
Les prétendants ne se bousculent pas, pour l'instant. Ce volet est directement géré par le président marseillais Jacques-Henri Eyraud, et de nombreux agents ont été mandatés pour trouver des portes de sortie. La situation rappelle la fin de l'ère Louis-Dreyfus, quand le président Vincent Labrune avait bouclé l'exercice 2015-2016 avec les ventes de Benjamin Mendy (Monaco, 15 M€) et Michy Batshuayi (Chelsea, 40 M€ dont 12 pour le Standard de Liège), entre autres. Ces cessions, avant que le mois de juin ne s'achève, avaient donné une équipe rabougrie mais des comptes à l'équilibre et un terrain vierge pour le nouveau propriétaire.
Celui-ci a choisi de bâtir vite et bien. En octobre 2016, Frank McCourt nous confiait : «Mon but numéro 1, c'est d'être dans le top 3 de la Ligue 1 tous les ans. Le but numéro 2 est de gagner le Championnat plus souvent qu'on ne le perd. Le but numéro 3, c'est de gagner la Ligue des champions. On doit y parvenir, dans l'ordre.» Au niveau des dépenses, «il n'y a pas de limite», pour celui qui entend alors investir 200 millions d'euros en transferts sur les premières années du projet : «Cela dépendra des opportunités. Il s'agit d'être agressif et intelligent sur la manière de faire. On sera rapide pour obtenir des résultats.»
Un fin connaisseur du club décrypte : «Dès les premières réunions dans les instances, "JHE" avait annoncé que l'OM allait créer des "pertes records" lors des premières années. Des pertes érigées en volonté stratégique. Pour attirer des joueurs comme Payet et propager une bonne image du projet, ils ont donné des gros salaires. Avec cet investissement massif, ils s'attiraient les bonnes grâces des médias et des supporters et ils retombaient financièrement sur leurs pattes avec la manne financière de la Ligue des champions. C'était malin ; en tout cas, c'était totalement assumé. Mais ils ont raté la qualification en C1, à plusieurs reprises, et cette prise de risques se retourne contre eux.»
En janvier, en faisant tapis sur l'attaquant de Nice Mario Balotelli (plus de 4 M€ brut de rémunération sur cinq mois), Eyraud et McCourt ont encore tenté de bouleverser à grands frais le cours de leur saison. En vain.
Aujourd'hui, et «l'accord de règlement» de l'UEFA n'est qu'un signal d'alarme de plus, ils doivent réduire la voilure. Après un exercice 2017-2018 clôturé à moins 78,5 M€, le déficit structurel sera de 86 M€ pour la saison 2018-2019, sauf s'il y a des ventes d'ici au 30 juin. Des recettes matches en hausse et l'achat d'Anguissa par Fulham (près de 24 M€ net), première véritable vente pour un club qui a trop longtemps négligé cet aspect, n'ont pas suffi à juguler l'inflation des dépenses.
McCourt peut-il se lasser ?
Toutes les mannes étant bienvenues, l'OM devrait aussi officialiser bientôt un accord avec Uber Eats, sponsor maillot la saison prochaine, à hauteur de 3 M€. McCourt comblera le gouffre, une nouvelle fois. L'Américain a plus investi encore que Louis-Dreyfus à ses débuts, avec la même «réussite» sportive jusqu'ici, mais il n'a pas eu les retombées annexes de l'ancien propriétaire, qui savait faire fructifier ses autres projets en marge de l'OM (Neuf Telecom, Adidas, les droits télés des Coupes du monde).
Peut-il se lasser, comme l'esquissent nos confrères de la Provence, qui voient dans le communiqué de l'OM fustigeant mercredi soir le fair-play financier «une menace tout juste voilée de voir McCourt jeter l'éponge face à tous ces obstacles placés sur son chemin» ? Cela paraît improbable.
Les péripéties actuelles, le dégraissage de la masse salariale et l'extrême prudence sur le marché des transferts à venir sont un dur rappel à la réalité pour un propriétaire qui pensait pouvoir régulièrement titiller le Paris-SG, et devenir son dauphin patenté en Championnat, a minima, tout en détenant une marque européenne de premier plan. C'était faire fi de la volatilité du football pour cet habitué des ligues fermées américaines. McCourt a déjà noté l'arrivée d'un nouveau «joueur», à la fortune supérieure, le milliardaire Jim Ratcliffe, en passe de racheter l'OGC Nice. À l'occasion, le Bostonien pourra raconter au Britannique ce qu'il faut faire. Ou surtout ne pas faire.
L’Equipe