SAMIR NASRI, le milieu de terrain marseillais, se dit prêt à jouer en équipe de France. Une ambition révélatrice d’une personnalité
très affirmée pour un joueur de dix-neuf ans.
Vendredi matin à la Commanderie, Samir Nasri s’est confié
avec la grande maturité qui est la sienne. Dans le groupe marseillais,
il a de plus en plusd’influence.Dufait de l’épaisseurde
son volume de jeu et de la qualité de ses analyses. Il juge ici son
équipe et ses prestations sans complaisance et annonce ses
ambitions : l’équipe de France et un départ à l’étranger si l’OM
ne redevient pas un grand club.
MARSEILLE –
de nos envoyés spéciaux
« COMMENT ABORDEZ-VOUS ce
match clé contre Lens ?
– C’est un match très important, c’est
un peu le tournant. Si on gagne, on
peut espérer la troisième, voire la deuxième
place alors qu’avec une défaite,
ça sera très difficile. On est prêts. Nos
attaquants ont repris confiance, ils ont
tous marqué contre Vannes (National,
5-0, en Coupe de France).
– Que manque-t-il à l’Olympique
de Marseille pour trouver
la régularité qui lui manque ?
– Nous sommes faibles mentalement,
très faibles, très, très faibles. Nous
n’avons retourné qu’une seule fois la
situation cette saison lorsque nous
étions menés, contre Lyon (de 0-1 à
2-1, en Coupe de France). Quand on
est menés, j’ai l’impression que tout le
monde baisse les bras, c’est fini. C’est
parce qu’on est immatures. Dès qu’il y
a des éloges, on se voit trop beaux. On
doit avoir plus de rigueur entre nous.
Après le match de Toulouse (0-3,
samedi dernier), on a pris conscience
de la nécessité de se dire les choses en
face. Avant, comme on s’entend bien,
on avait peur de se vexer.
– Comment vivez-vous le fait
d’être un jeune Marseillais et de
jouer à l’OM, avec de plus en plus
de responsabilités dans le jeu ?
– Plutôt bien, parce qu’à Marseille, on
grandit plus vite qu’ailleurs. J’ai eu la
chance de côtoyer de grands joueurs.
Comme Frédéric Déhu, qui a joué à
Barcelone, à Paris, des clubs où il y a
pas mal de pression. Il m’a dit de jouer
mon jeu et de continuer à faire comme
si j’étais avec des joueurs de mon âge.
Bixente Lizarazu aussi m’a conseillé. Et
Fabien Barthez, à sa façon, plus discrète.
« J’ai encore tendance
à être inconstant »
-Pourquoi grandit-on plus vite
à Marseille ?
– Parce qu’il y a plus de pression que
dans les autres clubs, c’est un club
mouvementé : j’ai déjà connu quatre
entraîneurs, deux présidents, deux
actionnaires (principaux) bientôt !
Forcément, tout va plus vite, on est
plus exposés.
– Et les supporters sont très exigeants...
– Oui, mais j’ai bénéficié de beaucoup
de clémence. Peut-être parce que je
suis un petit de Marseille, je ne me suis
jamais fait siffler au Stade-Vélodrome.
– Avez-vous conscience que,
dans l’histoire du club, il y a eu
très peu de jeunes joueurs
comme vous, formé au club et
dont on commence à dire que
vous pourriez arriver en équipe
de France ?
– Je crois que cela n’est jamais arrivé
parce qu’à Marseille, il y a toujours eu
une politique de stars. En ce moment,
étant donné le manque de moyens, il y
a une autre politique. Peut-être qu’en
constatant mes performances, la
directiondu club va plus se pencher sur
son centre de formation, où il y a des
bons joueurs. Comme Seydou Keita,
aujourd’hui à Lens, qui a été élu meilleur
joueur du Championnat du monde
des vingt ans (en 1999). Il a joué quatre
matches à l’OM. On a laissé partir trop
de joueurs du club et il y a trop de
joueurs de la région marseillaise qui
passent entre les mailles du filet.
– Qu’avez-vous appris de vos
entraîneurs ?
– Tous, chacun à leur manière, m’ont
apporté quelque chose. Lorsque je suis
arrivé dans le groupe pro, j’ai eu la
chance que ce soit José Anigo, l’entraîneur,
car il me connaissait depuis les
benjamins ; cela m’a beaucoup aidé.
Jean Fernandez m’a fait jouer à un
poste plus défensif, cela m’a permis
d’acquérir du physique, du volume de
jeu.
– Récemment, à Bordeaux, pendant
vingt minutes, vous avez
effectué une énorme prestation,
àpartir d’une positionplus basse
qu’auparavant…
– J’ai pris beaucoup de plaisir à ce
moment-là parce que je touchais
beaucoup de ballons, j’avais plus
d’espace. Je suis capable d’assurer un
rôle de milieu relayeur mais il me faut
plus de volume de jeu. Parce que j’ai
encore tendance à être inconstant.
Pendant un quart d’heure, je vais être
vraiment bien puis disparaître pendant
dix minutes. Et j’ai vraiment la volonté
de m’améliorer là-dessus. Il me
manque ça. Et de marquer des buts.
« À dix-neuf ans,
il n’y a plus
d’excuse à trouver »
– Vous demandez des explications
à l’entraîneur quand vous
ne jouez pas ?
– Non, c’est son choix. Dans ces caslà,
je rentre chez moi, j’en parle avec
mon père. Et je sais que je dois en faire
plus.
– Votre père a un rôle important...
– Oui et ma mère aussi, même si elle
n’aime pas trop le foot – elle n’est
venue que deux fois au stade. Mais elle
voit tous les matches de l’OM à la télé
et elle ne regarde que moi ! Ce qui est
bien avec mes parents, c’est qu’ils ont
les pieds sur terre, ils ne sont pas du
genre à voir leur fils le plus beau du
monde.
– Avez-vous déjà pensé à partir
jouer à l’étranger ?
– Non, pas pour l’instant. Mais j’ai
envie de disputer une Coupe du
monde, de gagner la Ligue des champions.
Si demain l’OM redevient un
grand club, je suis prêt àm’investir ici.
Mais si le club ne se donne pas les
moyens, à unmoment, il faudra penser
à aller voir ailleurs. Quand on voit
aujourd’hui comment joue Barcelone,
c’est beau. C’est le football. Parce que,
pour moi, c’est un jeu, un spectacle.
– C’est un jeu, mais il y a aussi la
dimension physique, celle que
vous êtes en train d’acquérir…
– Depuis le début de saison, j’ai mis
un programme en place avec Georges
Gacon, le préparateur physique, afin
de travailler la musculation. Au lieu
d’arriver une demi-heure avant
l’entraînement collectif, j’arrive une
heure avant et on travaille.
– Commencez-vous à avoir de
l’influence sur le groupe ?
– Oui. Habib (Beye), le capitaine, m’a
demandé d’être le relais entre le milieu
et l’attaque. Depuis décembre, je joue
plus et je m’investis beaucoup plus.
Depuis je parle et le message passe, ils m’écoutent.
À dix-neuf ans, j’apprécie que
Habib m’ait confié cette responsabilité.
Mais, à cet âge, on doit aussi se
révéler. J’ai déjà joué 80 matches en
L 1 et dans les grands clubs, on fait
confiance aux jeunes de cet âge.
Comme Ferguson à Manchester United,
avec Cristiano Ronaldo et Rooney,
Ancelotti à Milan, avec Gourcuff. À
dix-neuf ans, il n’y a plus d’excuse à
trouver, on est un joueur pro.
– L’équipe de France, c’est un
objectif ?
– Pour l’instant, je suis dans l’équipe
de France Espoirs. En ce qui concerne
les grands, lorsque le sélectionneur
jugera que je suis apte à y aller, pas de
souci, j’irai.
– Il y a un an et demi, Franck
Ribéry a fait : “Coucou, je veux
aller en équipe de France.” Et
vous ?
– Moi ?(Malicieux.)Coucou, je veux y
aller, c’est clair ! Après, il faut s’en
donner les moyens. Aux postes offensifs,
il y a pas mal de concurrence en
équipe de France. Être sélectionné,
cela passe par de bonnes performances
et le maintien d’un certain
niveau de jeu.