par coton » 17 Jan 2007, 09:27
FOOTBALL. L'OM promis à un étrange acquéreur canadien
Le plus titré des clubs français est sur le point d'être cédé à un mystérieux pharmacien canadien, Jack Kachkar . Le vendeur, Robert Louis-Dreyfus, devrait empocher 100 millions d'euros mais la pérennité de l'OM reste en suspens.
UNE PAGE se tourne. Tout n'est pas encore ficelé, mais, déjà, Robert Louis-Dreyfus s'apprête à ranger sa douloureuse histoire d'amour, avec l'Olympique de Marseille, dans l'armoire aux souvenirs. Hier, Jack Kachkar, un industriel canadien inconnu en France, lui a envoyé la lettre d'évidence de fonds préalable à l'ouverture de toutes discussions sur la cession du plus titré des clubs hexagonaux.
En clair, cette garantie bancaire signifie que l'acheteur est bien détenteur d'une somme d'un minimum de 100 millions d'euros disponible sur un compte. Attention, la simple obtention de ces documents, transmis dans la nuit de lundi à mardi par un établissement bancaire nord-américain, ne valide toutefois pas de facto la vente de Marseille. Kachkar dispose, en fait, d'une période d'exclusivité de négociation pour le rachat du club. Cela lui permet, en outre, de procéder à un audit complet qui peut durer de quinze jours à deux mois. Toutefois, des doutes subsistent encore sur la véritable surface financière de Kachkar, 43 ans, président de la firme pharmaceutique Inyx. Il appartient désormais aux avocats de RLD d'éplucher le plan de reprise pour assurer la pérennité du club, l'un des soucis majeurs de l'ancien patron d'Adidas. Parallèlement, Kachkar doit également apporter la preuve qu'il est en mesure de permettre à l'OM d'assouvir de légitimes ambitions sportives pour les saisons à venir. On estime ainsi qu'il devra injecter à peu près 80 millions d'euros pour boucler un budget pour la saison 2007-2008.
Quitte ou double
Ensuite, il faudra que la mairie de Marseille donne son accord et valide la crédibilité du personnage, sachant que le club fait partie intégrante de l'âme de la ville. Hier, Louis-Dreyfus s'est d'ailleurs rendu au Sénat, en compagnie de Kachkar, pour informer Jean-Claude Gaudin, le premier magistrat de la cité phocéenne, de l'évolution des tractations. La personnalité de ce mystérieux repreneur interpelle aussi la Ligue de football professionnel. En France, on est, en effet, beaucoup plus sourcilleux sur les investisseurs étrangers qu'en Angleterre. Il est clair également que les ministères de l'Intérieur et des Finances ne manqueront pas de se pencher sur ce dossier inédit en France. « Kachkar investit-il en son propre nom ou sert-il de cheval de Troie pour des investisseurs moins recommandables ? », s'interroge un avocat d'affaires. Arrivé à l'OM en décembre 1996, Louis-Dreyfus va donc passer la main après un règne de dix ans, au cours duquel il a investi environ 200 millions d'euros. Dans l'intervalle, pas moins de 186 joueurs ont signé à l'OM depuis son investiture. Concernant les présidents, six se sont succédé, pendant que 21 entraîneurs ont joué les valseuses pour un bilan des plus mauvais : aucun titre, hormis une insignifiante Coupe Intertoto et trois finales de coupes diverses (UEFA 1999 et 2004, et Coupe de France 2006). Evoqué depuis la fin du mois de novembre, le feuilleton de la vente de l'OM est donc en train de trouver son épilogue. Après le PSG, bradé à des fonds de pension américain, le foot français entre dans une nouvelle ère : celle de la mondialisation et la rentabilité à court terme. Pour les deux plus grands clubs français, c'est un quitte ou double.
JACK KACHKAR n'est pas l'unique acheteur potentiel de l'OM. RLD dispose, selon nos informations, d'une autre proposition formelle à hauteur équivalente de celle de l'homme d'affaires canadien. Selon un proche du dossier, l'origine de cette seconde offre, transmise aux avocats de Louis-Dreyfus depuis déjà quelques jours, est « incontestable tant dans la source des fonds, disponibles immédiatement et ne requérant aucune garantie bancaire complémentaire, que dans la qualité des opérateurs de l'offre qui disposent d'une véritable légitimité et notoriété pour mener à bien le projet ».
On sait aussi que cette offre pourrait bénéficier du total appui de la mairie de Marseille.
Un plan de relance sur cinq ans »
PAPE DIOUF, président de l'Olympique de Marseille
Comment avez-vous appris la nouvelle de la probable vente de l'OM à Jack Kachkar ?
Pape Diouf. Robert Louis-Dreyfus m'a appelé en début de journée pour m'informer que Jack Kachkar avait apporté les garanties bancaires indispensables pour engager le processus de vente.
Peut-on dire aujourd'hui que l'OM est sur le point de changer de main ?
C'est le début d'un processus qui peut durer encore trois ou quatre semaines parce que les garanties bancaires ne sont pas définitives et avérées.
Il y a d'autres conditions...
Lesquelles ?
Robert Louis-Dreyfus m'a toujours informé des discussions avec le repreneur. Outre les garanties bancaires, il y avait aussi le problème de la surface financière importante qu'il fallait avoir pour reprendre l'OM. Il s'agit de pérenniser le club. Nous avons d'abord parlé de deux ou trois ans d'investissements, mais, aujourd'hui, il est question d'un plan de relance sur cinq ans. C'est l'une des conditions essentielles fixées par Robert Louis-Dreyfus. La deuxième condition, c'est la préservation du personnel de l'OM. M. Kachkar a souhaité qu'il n'y ait pas de mouvements significatifs au sein du club. Il souhaite que l'équipe dirigeante puisse rester. Aujourd'hui, celui qui veut prendre l'OM mise également sur la stabilité qui commence à prendre forme depuis quelques années.
« Robert Louis-Dreyfus n'a ménagé ni son temps ni son argent »
Mais pourquoi Robert Louis-Dreyfus décide-t-il de vendre l'OM aujourd'hui ?
Cela fait dix ans que Robert Louis-Dreyfus est propriétaire du club. Il n'a ménagé ni son temps, ni son argent, ni son énergie. Il a sans doute eu besoin de prendre un peu de recul. Une autre raison est sans doute liée au procès qui a vu sa condamnation (NDLR : trois ans de prison avec sursis). Ça a été difficile (NDLR : Louis-Dreyfus et les autres prévenus dans ce procès seront rejugés en appel du 12 au 19 mars s'il n'y a pas de report du procès).
Sven Goran Erikson viendra-t-il dans les valises de Jack Kachkar ?
Ce dernier m'a assuré qu'il n'avait jamais été question de l'entraîneur suèdois pour l'OM. Il est étonné de cette rumeur. Ce qu'il veut, c'est que l'OM joue chaque année la Ligue des champions, et la gagne. Il connaît l'équipe et veut mettre les moyens pour qu'elle devienne un grand d'Europe.
Marseille dans l'expectative
Marseille (Bouches-du-Rhône) DE NOTRE CORRESPONDANT
HIER SOIR, Pape Diouf et Jack Kachkar ont passé une heure à bord du jet privé avec lequel le repreneur de l'OM est venu à Marseille. Pape Diouf, accompagné par le pilote de l'avion, a rejoint l'homme d'affaires canadien sur le tarmac de l'aviation générale, à l'abri des regards indiscrets, pour s'entretenir des modalités de la cession du club qui marque, en fait, la deuxième phase de la vente de l'OM. Dans l'après-midi, à Paris, Robert Louis-Dreyfus avait présenté Jack Kachkar à Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille.
« J'ai remercié M. Louis-Dreyfus pour son engagement financier pendant plus de dix ans. Pour parler du repreneur, j'ai trouvé un homme désireux de bien faire, qui ne touchera à rien dans le club jusqu'à la fin de la saison, sauf si les résultats étaient calamiteux... », a indiqué Jean-Claude Gaudin. Du côté des supporters de l'OM, c'est plutôt l'expectative. « Adieu RLD, bienvenue à Kachkar. Je trouve qu'aujourd'hui les supporters ont peur du vide. Un peu comme ces couples qui restent ensemble sans trop vraiment savoir pourquoi. J'espère qu'il n'y aura pas de combines là-dessous », explique par exemple Michel Tonini, un leader des Yankees.
Pourquoi Robert Louis-Dreyfus part
TONDU comme un mouton (environ 200 millions d'euros injectés), humilié devant les tribunaux (condamné pour abus de bien sociaux) et injurié à chacune de ses rares apparitions au Stade-Vélodrome, Robert Louis-Dreyfus part enfin de l'OM. Milliardaire iconoclaste et passionné comme un gamin par le foot, ce joueur de poker a toujours cru que la chance tournerait. En vain.
Malgré les conseils de ses avocats parisiens, RLD a mis un an pour prendre sa décision : quitter l'OM sans lever le moindre trophée. Le procès des comptes de l'OM, en mars 2005, a été le déclencheur. Arrivé au procès avec l'écharpe de l'OM sur les épaules, Robert Louis-Dreyfus est ressorti sans illusion. Ces interminables heures d'audience l'ont décidé à mettre un terme au supplice.
Son business ne pouvait plus être sali
En première instance, il a été condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis et 375 000 € d'amende. Durant ce procès, il a appris que 28 millions d'euros avaient transité frauduleusement, pour les seules années 1997 et 1998, aux bénéfices d'intermédiaires, de dirigeants et d'entraîneurs peu scrupuleux. Le procès en appel se déroulera entre le 18 et 22 juin prochain. Une épreuve de plus pour cet homme d'affaires de réputation mondiale. Depuis le 1 e r janvier 2005, RLD est, en effet, le président de la holding familiale du groupe Louis-Dreyfus, né à la fin du XIX e siècle. Cette multinationale prospère dans 53 pays et annonçait, en 2005, un chiffre d'affaires proche de 27 milliards de dollars, l'un des plus élevés de France. Le négoce de grains et le transport maritime ont longtemps été les vecteurs historiques de développement. A l'aube du XXI e siècle, RLD développe le groupe dans les secteurs des télécommunications en tant qu'actionnaire de référence du groupe Neuf Cegetel, récemment formé par sa filiale LDcom. Enfin, il se positionne depuis peu sur les énergies renouvelables, avec l'ouverture de la plus grande usine de bioéthanol au monde, dans l'état de l'Indiana. Tout ce business ne pouvait plus être sali par les sulfureuses histoires de l'OM. La mairie de Marseille souhaitait que RLD reste jusqu'aux élections municipales, prévues l'an prochain. Jean-Claude Gaudin devra se faire une raison et composer avec un autre partenaire venu d'outre-Atlantique
Jack Kachkar, l'homme de l'ombre
LA NÉBULEUSE qui entoure la personnalité de Jack Kachkar commence à peine à se dissiper. L'homme d'affaires canadien, en négociations depuis quatre mois avec Robert Louis-Dreyfus, pour la reprise de l'OM, a levé, hier, quelques zones d'ombre sur son patrimoine et ses motivations. Personnage multicartes, ce Canadien de 43 ans, d'origine arménienne, est à la tête de la firme pharmaceutique Inyx, basée à New York, et cotée à Wall Street.
Spécialisée dans les médicaments en aérosols pour le traitement des maladies respiratoire et allergique, cette entreprise de 575 salariés présente une dette de 120 millions de dollars. « Depuis deux ou trois ans, Inyx a fait de nombreuses acquisitions financées par la dette et non pas par un échange de participations qui aurait contribué à diluer l'actionnariat, explique l'entourage de l'homme d'affaires. L'objectif est de rembourser cette dette dans les années qui viennent, sachant que Inyx est une société en pleine croissance, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 90 millions de dollars cette année. » Les responsables d'Inyx viennent, d'ailleurs, de faire savoir qu'ils comptaient se retirer de la Bourse « afin de se développer plus facilement ». Mais le patrimoine industriel du docteur Jack Kachkar ne se limite pas à la pharmacie. Via son groupe d'investissement Karver Capital Holding, le résidant de Toronto, diplômé de la faculté de médecine de Budapest, possède également plusieurs participations dans différentes sociétés cotées ou non. Le futur patron de l'OM est ainsi actionnaire principal dans une société de mines d'or implantée au Canada (International Wayside Gold Mines).
« Nous ferons de l'OM un grand club européen »
Il détient aussi des parts dans une mine de cuivre au Mexique, des cliniques privées ou encore des sociétés de distribution comme les boutiques Floriane, spécialisées dans les vêtements haut de gamme pour enfants. Kachkar entend puiser dans cette fortune personnelle (dont il refuse de dévoiler l'étendue) et dans l'emprunt bancaire pour débourser les quelque 100 millions d'euros nécessaires à l'acquisition de l'Olympique de Marseille. Reste que son intérêt pour le club de la cité phocéenne, et plus largement pour le football hexagonal, est beaucoup plus obscur. « Cela fait longtemps que je souhaite m'investir personnellement dans un grand club de football, a simplement déclaré, hier, l'homme d'affaires canadien, qui ne parle pas français. Le football me passionne et je suis tout particulièrement les performances de l'OM depuis longtemps. Ensemble, nous ferons de l'Olympique de Marseille un grand club européen. » Pour donner du crédit à ses ambitions, Jack Kachkar est en train d'acquérir une maison dans le pays d'Aix, même s'il ne s'installera pas définitivement dans la région. Une région qui ne lui est pas totalement étrangère, puisqu'il y passe ses vacances depuis cinq ans.
©Le Parisien