par mamadoo » 08 Déc 2006, 18:58
Lettre ouverte à l’attention des médias français relative au traitement de « l’affaire du PSG »
Aujourd’hui, moi, Gregory, vingt-trois ans, étudiant en grande école, je prends ma plume de citoyen, d’homme libre et - très accessoirement - de supporter du Paris-Saint-Germain.
Parce qu’en effet, depuis plusieurs jours, j’ai mal.
Et la douleur - réelle - me pousse à vous écrire, à vous - médias français - afin de vous critiquer négativement, vous qui m’accompagnez pourtant dans chacune de mes journées, vous qui nous accompagnez d’ailleurs tous, chacun de nous, chacun de nos jours de citoyens, d’hommes libres et - très accessoirement - de supporters du Paris-Saint-Germain, et d’ailleurs.
Ecrire une lettre ouverte aux médias de mon pays n’est pas chose aisée. Ce n’est pas non plus une chose très agréable. Je ne me sens en rien l’âme d’un justicier, et je ne prétends nullement à l’objectivité.
Je le sais, le journalisme n’est pas un simple travail d’objectivité. C’est - je crois - une vocation bien plus noble, bien plus profonde et bien plus nécessaire encore pour la pérennité de nos sociétés. Sans presse écrite, sans télévision et sans radio libre, ce pays ne serait - en effet - pas un pays de Droit.
Or, c’est bien le Droit que j’invoque aujourd’hui. Le grand Droit. Celui auquel nous sommes tous attachés et qui nous fait vibrer, celui qui nous rend - parfois - fiers d’être français, celui qui est le socle même de notre Constitution, le Droit des libertés fondamentales qui implique - ou présuppose - le respect de tous les citoyens, la justesse du propos, la description des faits et - si possible - la non-déformation des réalités.
Pourtant, aujourd’hui, ce Droit est bafoué. Bafoué par vous, médias français. Je vous accuse de cela, moi, Grégory, du haut de mes vingt-trois ans, de mon studio parisien et de ma tribune, littéraire et footballistique.
En effet, la façon dont sont traités les supporters du Paris-Saint-Germain me semble aujourd’hui particulièrement indigne. Indigne d’un grand pays, jadis des Lumières et de la vérité universelle.
Je persiste à croire que vous faites encore un travail de qualité. Et je continuerai toujours à vous consulter. Pourtant, sur un point précis et que je connais, vous êtes complètement à côté de la réalité. Vous mentez. Et cela me fait peur. Enormément. Car comment, dès lors, vous suivre, vous croire et vous faire confiance sur tous les autres sujets, que je ne connais pas et sur lesquels vous êtes censés m’informer ?
Et en effet, je ne comprends pas pourquoi.
Je ne comprends pas pourquoi, relativement à nous - supporters du Paris-Saint-Germain, et autres ultras français :
- pourquoi aucun média ne parle jamais de nos actions humanitaires et sociales répétées, et parfois - pourtant - de très grande ampleur à l’échelle du pays ? C’est un simple fait.
- Pourquoi les scènes de fraternisation entre supporters du PSG et d’autres clubs français et européens, souvent émouvantes - pour quiconque aime l’autre, et l’étranger - répétées, ne sont jamais médiatisées, là où les haines sont au contraire encouragées ? C’est un simple fait.
- Pourquoi je vois dans tous les journaux les banderoles ratées, alors que des dizaines de tifos, de banderoles et de messages de paix, de liberté, de fraternité, de tolérance et d’amitié entre les peuples ne sont jamais promues, n’apparaissent jamais dans les papiers ? C’est un simple fait.
- Pourquoi je vois toujours à la télévision, dans les journaux et entends à la radio les minutes de silence sifflées par quelques centaines de spectateurs, et que je ne vois jamais le compte rendu des dizaines de minutes de silence émouvantes et dignes - poignantes - respectées dans un même lieu et avec une même émotion par plusieurs dizaines de milliers de supporters recueillis ?
- Pourquoi personne n’a jamais réellement souligné le fait que le président des Tigris - groupe ô combien critiqué - est diplômé de Science po et n’a jamais prêté à son discours l’oreille que - peut-être - celui-ci méritait lorsqu’il entendait simplement lutter contre toute forme de racisme et d’antisémitisme dans les stades ?
- Pourquoi les médias présentent régulièrement des photos ou des vidéos de tribunes étrangères (italiennes ou allemandes par exemple) ou datant des années 1980 en les présentant comme actuelles et montrant des supporters parisiens ?
En fait, je ne comprends pas pourquoi l’on vide ainsi les stades des honnêtes gens, et qu’on laisse par conséquent la place - grande ouverte - aux extrémistes et aux délinquants de tous genres, qui viennent insulter sous le feu des caméras et l’œil des médias nos stades, nos clubs, nos associations et notre esprit d’ultra. C’est - je crois - un simple fait, une simple conséquence logique. Mais, surtout, concernant le factuel journalistique, je ne comprends pas pourquoi, relativement au match contre l’Hapoët Tel-Aviv :
- Pourquoi tous les médias, dans la foulée des dépêches AFP et Reuters, s’empressent de diffuser la version des faits - légitime - de syndicats policiers qui font noblement leur métier en défendant leur collègue éprouvé, mais qui n’étaient pas sur place au moment du drame ?
- Pourquoi aucun journaliste ne recherche les témoins du drame, ou - tout du moins - ne leur donne pas un seul instant la parole ?
- Pourquoi les amis de Mounir, blessé, n’arrivent pas à s’exprimer, à se faire entendre ?
- Pourquoi le témoignage et la déposition du supporter de Tel-Aviv auquel est venu en aide le policier et qui est plutôt favorables aux victimes, contredisant la version « officielle », n’est pas reprise et diffusée ?
- Pourquoi les dizaines de journalistes pourtant présents dans le stade ne décrivent pas la haine et les injures racistes des supporters de Tel-Aviv ayant fait le déplacement à l’encontre de la Tribune Auteuil et de ses drapeaux libanais ou palestiniens ? Drapeaux portés, chez nous, au Paris-Saint-Germain par un nombre très important d’Arabes, de Maghrébins, ou de musulmans qui sont nos frères de tribunes, qu’ils soient Français ou étrangers.
- Pourquoi la une du Figaro du samedi 25 novembre montre une photo de supporters qualifiés de « violents supporters du PSG » et qu’il s’agit en fait d’une photo avérée de supporters de Tel-Aviv ?
- Pourquoi Le Monde, réputé pour le sérieux de ses enquêtes, mélange les différents groupes et associations de supporters, et commet des erreurs grossières pour quiconque s’intéresse au dossier ?
- Pourquoi seul le ministre de l’Intérieur, donnant tout son sens aux droits de l’homme et à la présomption d’innocence, a eu un mot - à plusieurs reprises - pour le jeune décédé ?
Je ne vous cache pas que cette liste de questions, non exhaustive, me fait peur. Car elle me semble particulièrement fondée, et je peux prouver facilement tout ce que j’avance. Les preuves ne manquent pas.Les journaux restent, les images s’enregistrent, etc. Et c’est grave.
Mais alors, bien sûr, il y a pire. Bien pire, même. Il y a les agissements racistes et antisémites des personnes présentes autour du Parc ce soir-là. C’est pire. Il y a la violence. Dans le stade et à l’extérieur. La mise en danger d’autrui. C’est bien pire. Largement.
Bien sûr, bien sûr que c’est pire. Et bien sûr, je veux lutter contre cela. De toute mes forces.
Mais le dysfonctionnement des médias - démontré je crois par mon propos supra - sur ce sujet reste grave. Car si la fin justifie les moyens, ici, le moyen n’est pas bon. En effet, plutôt que de stigmatiser une minorité afin de la condamner, vous êtes en train de vider nos stades des gens honnêtes en amalgamant tous les supporters. Vous laissez, de fait, la place aux salauds de toute espèce.
C’est évidemment ce que fait l’autorité préfectorale en fermant une tribune entière. C’est-à-dire en sanctionnant tous les supporters, en les empêchant par exemple de déployer des banderoles antiracistes, d’être dignes et en augmentant ainsi l’incompréhension et le désespoir, s’exposant - cette fois - à de vrais débordements.
Mais ce n’est pas aux journalistes de commettre ce type d’erreur. Je le crois.
J’ai mal. J’ai mal au cœur. J’ai le sentiment d’être trahi - sur un sujet que j’aime - par les médias de mon pays.
Nous sommes des milliers à ressentir cela sur ce thème bien particulier. Mais combien sur les autres sujets ? J’ai peur en voyant les extrêmes s’imposer, chaque jour un peu plus dans les esprits.
J’ai peur quand je vois le fossé qui se creuse entre nous, peuple français, et vous, médias de ce même pays.
Comment continuer de vous faire confiance ?
Moi, je le peux. J’ai cette force et je reste derrière vous. Toujours je défendrai la liberté de la presse et des médias de mon pays. Une presse et des médias libres et justes. Partout je le proclame, et je continuerai.
Mais j’ai peur. J’ai sincèrement très peur, aujourd’hui plus que jamais, d’être - cette fois - un peu seul.
Un con qui marche va plus loin qu'un intellectuel assis.