TRANSFERTS DU PSG
Dix-neuf transferts douteux
Heinze, Pochettino, Déhu, Pauleta… Les transferts de ces joueurs semblent entachés d’irrégularités. Et l’affaire pourrait déborder…
L’ENQUÊTE sur les transferts suspects
effectués par le Paris-Saint-
Germain se focalise sur les agents de
joueurs. Deux rapports transmis les
29 et 31 mai aux juges d’instruction
Renaud Van Ruymbeke et Françoise
Desset par les policiers de la division
nationale des investigations financières
(DNIF) jettent une lumière
crue sur les pratiques de certains de
ces intermédiaires. Ils révèlent également,
pour la première fois, que
deux dirigeants de club auraient été
bénéficiaires de « rétro-commissions
» .
En examinant les comptes de l’agent
de joueurs serbe Ranko Stojic, à
Monaco, les enquêteurs ont en effet
découvert des mouvements de
comptes suspects – sans rapport en
l’occurrence avec le PSG. Ils ont
notamment établi que le manager
du club néerlandais de Vitesse Arnhem,
Jan Streuer, avait perçu, le 13
novembre 2000, une somme équivalant
à 90 000 euros sur un compte
ouvert à la banque Rothschild de
Monaco dont il est l’ayant droit. Ces
fonds provenaient du compte
– ouvert dans le même établissement
– de Ranko Stojic. Les enquêteurs
ignorent pour le moment dans
le cadre de quelle transaction cette
somme a été versée. Ils en savent en
revanche plus sur un autre virement
effectué, le 20 août 2004, toujours à
la banque Rothschild de Monaco,
par Stojic en faveur cette fois de Martin
Bain, alors directeur financier des
Glasgow Rangers (dont il est
aujourd’hui le vice-président). Martin
Bain a perçu 75 000 euros plus
100 000 livres sterling (146 000 ).
Les enquêteurs ont découvert un
document portant une mention
manuscrite indiquant que cette
rétro-commission aurait été versée à
l’occasion du recrutement, l’été
2004, de Jean-Alain Boumsong
transféré par l’AJ Auxerre au club
écossais. Les policiers paraissent
convaincus qu’une partie de la commission
versée par les Rangers à
cette occasion à Stojic a été pour partie
« redistribuée » à Bain. Il reviendra
au parquet de Paris de décider si
ces faits nouveaux, qui n’ont rien à
voir avec le PSG, doivent faire l’objet
d’investigations complémentaires.
120 000 euros
pour Mme Déhu
Le parquet va également devoir se
prononcer sur les suites à donner au
second rapport de la DNIF, qui synthétise
les transferts suspects réalisés
par les dirigeants du PSG entre
1998 et 2005. Sur la centaine de
transactions examinées, les policiers
en ont retenu 19 qui, selon eux,
auraient donné lieu à des malversations
susceptibles d’être poursuivies.
Au terme de son rapport, la
DNIF, qui épingle les pratiques d’une
quinzaine d’agents, estime avoir mis
au jour « des faits de faux et usage
de faux, d’exercice illégale de la profession
d’agent de joueurs, de blanchiment
et de recel ».
Là encore, d’éventuelles poursuites
ne pourraient être lancées par les
juges d’instruction que si le procureur
leur accordait un réquisitoire
supplétif. Elles pourraient, outre les
dirigeants du PSG et les agents, viser
les joueurs eux-mêmes, suspectés
d’avoir été parfaitement informés
des mécanismes frauduleux mis en
en place afin, le plus souvent, de les
rémunérer de manière occulte. Les
19 transferts (qu’il s’agisse d’acquisitions
ou de ventes) concernent :
André Luiz, Paulo César, Aloisio,
Heinze, Cristobal, Cardetti, Pochettino,
Simone, Boskovic, Sorin, Rabesandratana,
Benarbia, Okpara, Pauleta,
Luccin, Déhu, Anelka, Okocha
et Christian. Pour arriver à ce chiffre,
les enquêteurs se sont notamment
appuyés sur le témoignage très
détaillé que leur a livré Pierre Frelot,
qui fut chargé de l’administration et
des finances du PSG entre 1998 et
2003 – et à ce titre mis en examen en
décembre 2005.
Pour prendre l’exemple de Gabriel
Heinze, acheté en juin 2001 à Valladolid,
les policiers constatent que le
PSG « a été surfacturé au minimum
de 2,49 millions de francs »
(380 000) par deux agents (Roberto
Rodriguez et Robin Bolli) afin que
ces derniers rétrocèdent une partie
de ces fonds au défenseur argentin.
Le même système a été mis en place
pour la venue de Mauricio Pochettino.
La DNIF estime que l’indemnité
de transfert qu’aurait dû verser en
2001 le PSG à l’Espanyol Barcelone
avait été fixée à 16millions de francs
(2,5 M)… pour être portée artificiellement
à 38 millions (5,8 M) !
Une partie de ces fonds a été reversée
au joueur lui-même, selon Pierre
Frelot.
Les policiers estiment encore que le
recrutement de Marco Simone,
acheté au Milan AC 55 millions de
francs (8,3M) en 1997, a été grossièrement
surfacturé : près de la moitié
de cette somme (25 millions, 3,8
M) aurait été reversée par le Milan
à l’attaquant italien sous couvert
d’une indemnité de licenciement.
Les enquêteurs souhaitent également
approfondir leurs investigations
sur le cas Pauleta, acheté aux
Girondins de Bordeaux en juin 2003.
Le PSG aurait accepté de verser plus
de700 000à un obscur club portugais,
Portimonense, officiellement
pour acquérir les droits de deux
jeunes joueurs. En réalité, les fonds
semblent avoir été reversé au buteur
portugais comme « complément de
salaire » . Le club économisait ainsi
sur les charges sociales, le joueur faisant
de même vis-à-vis du fisc…
Le rapport, qui épingle notamment
les agents Ranko Stojic, Richard Bettoni,
Roger Henrotay, Juliano Bertolucci,
Roberto Rodriguez ou Milan
Calasan, s’attarde aussi sur l’achat
(244 millions de francs en 2000, 37
M) par le PSG d’Anelka au Real
Madrid : « L’indemnité aurait été
surévaluée fictivement de 25 millions
de francs (3,8M) », estiment
les enquêteurs. Cette somme aurait
servi à rémunérer Nicolas Anelka et
ses deux frères (qui sont aussi ses
agents), Didier et Claude. Selon Frelot,
ces fonds auraient été reversés
par le Real à la famille Anelka.
Enfin, les enquêteurs ont découvert
que Stojic avait donné une procuration
à certains internationaux français
de son écurie, qui auraient ainsi
retiré en espèces de fortes sommes à
la banque Rotschild de Monaco : il
s’agit de Philippe Christanval, Martin
Djetou et Jean-Alain Boumsong.
Les policiers se sont aussi intéressés
au cas de Frédéric Déhu, acheté à
Barcelone en août 2000 moyennant
20 millions de francs (3 M). Sur les
7 millions perçus à l’occasion par
Stojic, une partie aurait été reversée
au défenseur à titre de complément
de salaire.
Une chose est sûre : le 4 juillet 2003,
l’épouse de Frédéric Déhu a retiré au
guichet de la banque Rotschild, à
Monaco, 120 000 en espèces sur
un compte ouvert au nom de Pro
Agency, la société de Ranko Stojic…
FABRICE LHOMME
L'Equipe