Prière à Notre-Dame de la Garde, messe au Vélodrome, visite d'indigents... La visite du pape François le 23 septembre recèlera plusieurs temps forts et autant de contraintes pour les autorités.
Samedi 23 septembre 2023. La date est cochée sur l'agenda de toutes les autorités françaises. Ce jour-là, pour la première fois depuis près de cinq siècles, Marseille accueillera un pape. L'invitation émane du cardinal et archevêque de Marseille, Jean-Marc Aveline, dans le cadre des Rencontres méditerranéennes et du festival Med23 (17-24 septembre) organisé par le diocèse. Avec un programme chargé pour le souverain pontife : d'abord, dans la matinée, une prière à Notre-Dame-de-la-Garde à la mémoire des marins et migrants morts en mer, puis une rencontre avec des dizaines d'évêques catholiques de toute la Méditerranée et de jeunes de toutes confessions et origines, et enfin une "grande messe en public", vraisemblablement au stade Vélodrome.
"Je souhaitais que le peuple de Marseille puisse prier avec lui", nous confiait, début avril, Mgr Aveline, sitôt annoncée la tenue de cet office. Des détails restent à boucler avant de valider officiellement l'option de l'enceinte du boulevard Michelet. "Le pape l'a demandé, le maire de Marseille le souhaite, le président de la République aussi", éclaire un proche du dossier. Mais ces derniers jours, les discussions ont buté sur la compatibilité avec la tenue de matchs de la Coupe du monde de rugby : France-Namibie le 21 septembre, puis Afrique du Sud-Tonga, le 1er octobre.
"Une affaire de gros sous"
Selon nos informations, World Rugby, organisateur du tournoi, réclamerait le paiement d'une surprime d'assurance d'un montant conséquent pour couvrir d'éventuels dégâts après la messe. "Ce n'est qu'une affaire de sous. Mais on voit mal comment la Coupe du monde de rugby pourrait assumer de mettre en péril une visite papale", poursuit la même source. Avec les quelque 55 000 à 58 000 spectateurs attendus, la préfecture de police penche également pour le Vélodrome, une enceinte plus facile à sécuriser qu'un lieu ouvert. Un comité de pilotage, dirigé par le père Xavier Manzano, vicaire général du diocèse, a été mis en place. "En lien avec le Saint-Siège et la préfecture de police", précise le bras droit de Mgr Aveline.
Ainsi, pour permettre le moment de recueillement du pape argentin au pied de la Bonne-Mère, "les autorités publiques préconisent la mise en place d'une bulle, avec la fermeture de tous les accès à la colline de la Garde", dévoile le père Xavier Manzano. Ceci afin d'"éviter des attroupements alors que les accès sont très étroits".
Dès le départ, le Vatican et l'archevêque ont bien pris soin de préciser qu'il s'agissait d'une "visite à Marseille, et pas en France". Un déplacement pastoral, dans le vocabulaire vaticaniste, c'est-à-dire en tant que chef de l'Église catholique et non comme chef d'État. Depuis sa désignation au Saint-Siège, en 2013, François privilégie les visites officielles dans les pays du Sud plutôt que dans ceux de la "vieille Europe". Marseille fait exception en s'inscrivant dans le cadre du dialogue religieux, initié à Bari en 2020 puis Florence en 2022, pour rapprocher les deux rives de la Méditerranée.
Pour autant, la France entend le recevoir avec les égards dus à son rang de chef d'État. Le Président Emmanuel Macron pourrait l'accueillir à Marseille : les services de l'Élysée ont effectué des repérages ces dernières semaines. Une difficulté supplémentaire... et un casse-tête.
En même temps que la Foire de Marseille
Fin mai, une délégation du service de préparation des voyages envoyée par le secrétaire d'État du Vatican (l'équivalent du Premier ministre) était à Marseille pour avancer sur le déroulement du déplacement. Face à l'afflux de demandes venues de toute la France, le comité de pilotage diocésain réfléchit à retransmettre la messe à l'extérieur du Vélodrome. Ce ne sera pas au parc Chanot, juste à côté du stade, occupé par la Foire de Marseille et ses milliers de visiteurs. Ce qui complique drastiquement la gestion des flux. "Il faut que ce ne soit pas trop près du Vélodrome pour ne pas gêner la gestion de la sécurité, mais pas trop loin non plus, pour que le pape puisse venir voir les gens qui se seront déplacés pour lui", révèle Xavier Manzano. Un bain de foule qu'on imagine dans la fameuse papamobile...
Le programme sera donc chargé pour Jorge Mario Bergoglio, 86 ans, dont l'état de santé interroge après une hospitalisation pour une pneumonie fin mars et une fièvre l'obligeant à annuler ses rendez-vous, le 26 mai dernier. En raison de problèmes aux genoux, il ne se déplace quasiment plus qu'en fauteuil roulant. "Ce sera une journée de rencontre spirituelle très profonde, reprend le père Xavier Manzano. J'ai vu le pape très enthousiaste à l'idée de ce voyage : Marseille l'intéresse et le motive. Il est soucieux de rencontrer le peuple, des gens authentiques." Raison pour laquelle François souhaitait déjeuner, dans les quartiers Nord, avec des Marseillais en situation de précarité. Une possibilité qui semble désormais écartée. "Peut-être pourra-t-il rencontrer ces personnes dans la journée", confie le vicaire général du diocèse de Marseille...
La Provence