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Orange mise sur la 5G pour transformer le Vélodrome de Marseille en stade du futur
Le réseau partagé déployé par l'opérateur empêche toute saturation et ouvre la voie à une batterie d'usages.
TÉLÉCOMS Certains supporteurs de l'Olympique de Marseille, bien qu'occupés à regarder leur équipe écraser le Toulouse Football Club (6 buts à 1) dans leur antre du Stade-Vélodrome le 29 décembre, s'en sont peut-être rendu compte. En envoyant depuis leurs sièges des vidéos des buts ou de l'ambiance dans les tribunes à leurs proches, ils auront noté la vitesse avec laquelle ces dernières ont atteint leurs destinataires. « C'était le premier match pour lequel nous avions activé les équipements en 5G. Cela a très bien fonctionné, nous avons eu un vrai gap en volume de data consommée et de débit » , se félicite Thierry Papin, directeur général de Totem France, la filiale « towerco » d'Orange, dédiée aux infrastructures mobiles dites passives.
L'OM n'a donc pas été seul à terminer la soirée avec le sentiment du devoir accompli. Pour Totem, la date du 29 décembre constituait la ligne d'arrivée d'un contre-la-montre haletant de six semaines, pendant lesquelles il a fallu mettre sur pied l'infrastructure visant à couvrir l'enceinte avec une couverture 5G de dernière génération, en format « indoor ». Un véritable défi technique. « Nous nous étions engagés auprès du club à ce qu'il n'y ait aucune coupure réseau pour les matchs » , confie Daniel Battistelli, ingénieur radio chez Orange.
En ce lundi après-midi ensoleillé de mi-avril, peu d'indices subsistent sur la difficulté de ce chantier. À l'exception, en levant la tête, de ces 12 antennes, fixées à 60 mètres de haut sur la carcasse métallique du stade et son inclinaison caractéristique en forme de vague. D'aspect sphérique, elles sont développées par le groupe américain Matsing et ont été installées déjà dans plusieurs stades aux États-Unis. Mais à ce jour, ces antennes et l'infrastructure qui les supporte sont inédites en Europe. Elles permettent de segmenter le stade en 40 secteurs parfaitement délimités. Un travail d'une extrême précision pour éviter les chevauchements dans les faisceaux radio qui permet d'apporter aux utilisateurs le meilleur niveau de débit et de latence possible.
Une nécessité. « Les besoins en connectivité explosent dans les stades » , justifie Guillaume Chabas, directeur innovation et partenariats d'Orange Business. Lors du match Marseille-Montpellier, le 31 mars, la consommation de data a atteint 700 gigaoctets pour Orange. Aux États-Unis, lors du dernier Super Bowl (finale du championnat de football américain), dans un stade à la même capacité que le Vélodrome et couvert en 5G, Verizon et AT&T ont enregistré une consommation douze fois plus importante (68,8 térabits).
Ce record fixe un cap, alors que se profilent deux compétitions majeures en France : la Coupe du monde de Rugby en septembre et les JO à l'été 2024. « À Marseille, vous avez 65 000 supporteurs et 1 200 à 1 500 personnes qui travaillent chaque jour de match » , ajoute ce cadre. Pour les photographes de presse, les médias télé, en passant par la sécurité et les métiers du « food & beverage », la 5G se révélera salutaire. « L'enjeu est d'abord capacitaire, il s'agit de se prémunir contre toute éventualité de saturer le réseau. Avec 40 secteurs, donc un maillage couvrant chaque bloc de 1 500 spectateurs, les opérateurs pourront tirer le meilleur parti de la connexion » , explique Nidal Radi, responsable du business développement de l'indoor chez Totem.
Un meilleur impact environnemental
Le pluriel à son importance. Au Vélodrome, la filiale d'Orange avait pour mission de déployer un réseau 5G dit mutualisé. Installé par Totem, le réseau d'antennes est mis à disposition de tous les opérateurs. Plusieurs avantages pour le gestionnaire du stade. Le premier : diviser le nombre d'équipements par rapport à une situation où Bouygues Telecom, Free Mobile, SFR et Orange auraient dû chacun construire leurs antennes. Cette optimisation est gage d'efficacité énergétique (et donc de coûts) et d'un meilleur impact environnemental.
Dans les coursives du stade, un local ouvert à chacun des opérateurs leur permet de venir se raccorder à l'infrastructure. De quoi limiter à un seul interlocuteur la relation avec le gestionnaire. « Gérer la relation avec quatre opérateurs, ça peut vite tourner à la cacophonie , note Guillaume Chabas. Que ce soit pour la garantie de temps de rétablissement, la maintenance ou l'exploitation avec nos agents sur le terrain, ils ont désormais un guichet unique. »
« Cet investissement, qui représente plusieurs millions d'euros, nous le faisons en tant qu'acteur neutre, complète Thierry Papin. Nous apportons l'infrastructure, mais c'est ensuite aux opérateurs commerciaux d'apporter leurs services et de se différencier. » Orange, qui donne son nom au Stade-Vélodrome depuis 2016 et jusqu'en 2026, bénéficie d'une position privilégiée pour expérimenter les usages de demain. Ce contrat lui a permis de créer l'Orange 5G Lab, un espace de 800 mètres carrés au coeur du stade où l'opérateur multiplie les tests. Augmented Acoustics offre ainsi la possibilité aux spectateurs, avec un casque audio, de bénéficier d'une expérience auditive immersive. Le fan choisit entre différentes sources comme les commentaires radio, TV, l'ambiance dans tel ou tel virage, ou encore celle sur le terrain.
Production à distance
Une autre expérience, développée par Orange et Immersiv.io, permet depuis une application de suivre le match en « mode expert » et en temps réel : composition des équipes et statistiques en réalité augmentée, chronologie des faits de jeu... Une troisième permet aux déficients visuels de suivre dans le stade les mouvements de ballon depuis une tablette où ces derniers sont captés en temps réel.
Il ne s'agit là que d'un aperçu, tant les usages sont amenés à se démultiplier. Certains pourraient faire grincer les dents, tant ils modifient l'expérience classique associée au déplacement dans une enceinte sportive. Notamment pour les supporteurs situés dans les virages. Interrogé sur les leçons qu'il tire des usages américains, Guillaume Chabas s'empresse de rappeler que « la consommation et la façon de voir le sport sont complètement différentes là-bas » .
Le professionnel, lui, pourrait y trouver aussi son compte. Avec Sony, Orange a déjà créé une solution qui permet aux photographes de presse d'envoyer en une fraction de seconde leurs clichés. S'il ne donne pas d'horizon, Guillaume Chabas estime qu'il sera aussi possible à terme pour les télés de passer, grâce à la 5G, à la production à distance.
Plus besoin donc des cars-régies aux abords des enceintes ? Le laboratoire à idées d'Orange au coeur du Vélodrome n'est évidemment pas neutre. « Ce sont de nouveaux usages et de nouveaux business models qui peuvent nous permettre de monétiser la 5G » , explique le cadre d'Orange.
Le Figaro