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MARSEILLE; Michelet "bouclé", avant-match (enfin) pacifié ? Un an après la guérilla qui avait précédé le Clasico 2017, les autorités "privatisent" environ 300 m du bd Michelet à partir du rond-point du Prado, en espérant redonner un esprit festif et familial à l'avant-match. La méthode avait été adoptée, avec succès, pendant l'Euro 2016...
Il faut l'avoir vécu pour le croire. Il faut avoir craint d'être blessé par ces dizaines de bouteilles de bières et de pavés balancés en tirs tendus vers les CRS, répliquant par autant de grenades lacrymogènes qui s'élèvent dans le ciel avant de retomber sur le bitume et de brûler les yeux et couper le souffle, notamment à de nombreux "innocents" venus en famille. Il faut avoir vu ce mastodonte d'acier blanc, le canon à eau des forces de l'ordre, entrer en action et cracher des milliers de litres d'eau censés refroidir les ardeurs d'environ 300 fadas, au premier sens du terme, venus en découdre, parfois visages dissimulés. Il faut avoir observé ces familles arriver, à dessein, aux abords du stade seulement quelques minutes avant le coup d'envoi pour éviter la guérilla dont plus personne ne doute, depuis quelques années, qu'elle aura lieu, comme si elle faisait partie d'un folklore préalable à une belle soirée de ballon rond.
Il faut avoir croisé le regard apeuré de ces gosses, maillot fièrement porté, s'accrochant au bras de leur père, répétant frénétiquement une question : "Mais papa, qu'est-ce qu'il se passe ?"
Il faut avoir vécu ce 22 octobre 2017, le dernier Clasicoen date - au terme duquel une dizaine de trouble-fêtes avaient été interpellés et avaient écopé pour certains, pas les plus violents d'ailleurs, d'amendes allant de 300 à 1 000 euros - pour n'avoir qu'une envie : ne pas le revivre.
Alors pour ne plus priver de fête les supporters dont l'immense majorité vient "en paix" et est parfois contrainte de fuir les terrasses de bars, pour ne plus que ce boulevard Michelet soit confisqué par ces guérillas urbaines indignes, et pour ne plus que ces minots soient effrayés à l'idée de venir dans le plus beau stade de France, le préfet de police, Olivier de Mazières, a pris la décision de "déterminer un espace de liberté pour les supporters pour éviter les crispations et pouvoir contrôler cette liberté". "Un moyen aussi d'éviter que des voitures, avec des enfants dedans souvent, ne se retrouvent coincées au milieu d'éventuels affrontements", précise son directeur de cabinet, Christophe Reynaud.
Concrètement, les quelque 300 mètres du boulevard Michelet qui relient le rond-point du Prado au boulevard Gaston-Ramon seront interdits au stationnement toute la journée et à la circulation notamment de 15h à 21 heures. Comme ce fut le cas pendant l'Euro 2016, qui n'avait pas connu de scènes comparables à celles du dernier Clasico, ou bien plus récemment, lors de la réception de la Lazio, ce jeudi. Selon le directeur de cabinet du "PPOL", "il n'est pas question de fermer aussi le rond-point du Prado, cela compliquerait trop la vie des gens qui vivent dans le sud de la ville. On a fait un pas vers ces supporters, ils doivent en faire un vers nous et ne pas bloquer ce rond-point. On veut que ces matches restent une fête".
Même son de cloche du côté de Karim Zeroual, le leader du groupe de supporters des South Winners : "C'est une bonne chose, il fallait cette zone pour festoyer en toute sécurité. Maintenant, elle ne doit pas être une zone de non-droit. Chacun doit prendre conscience que primo le stade, l'OM et la fête autour appartiennent à tous les Marseillais, de tous les âges et que les familles doivent s'y sentir à l'aise ; secondo que ceux qui agissent ainsi tuent le club en lui accolant cette image ; et tertio qu'ils nous compliquent la vie en déplacement à l'extérieur à cause de cette réputation."
Car pendant que ces quelques centaines d'indépendants - des "fous furieux" selon le maire des 6-8e, Yves Moraine - défient les forces de l'ordre, la grande majorité des supporters des groupes préparent les tifos, confectionnés depuis des semaines parfois. "Je ne suis pas favorable par principe à cette privatisation de Michelet mais si c'est seulement pour les matches à risques je ne jouerai pas la mouche du coche, insiste Yves Moraine, mais malheureusement, je ne crois pas que cela mettra fin aux affrontements, en revanche cela facilitera la lutte pour les autorités".