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L’offensive du président de l’OM pour arracher la gestion du stade Vélodrome
Décryptage Julien Vinzent_29 Mai 2018 1
Des mois après l'ouverture des négociations sur la gestion du Vélodrome, le président de l'OM Jacques-Henri Eyraud fait monter la pression dans la presse : soit le club obtient l’exploitation complète, soit il réfléchira à construire son propre stade. La société Arema, actuel exploitant, rappelle qu'elle attend toujours une réponse à sa dernière proposition.
Une première salve nette, tranchante. Puis une réplique plus étoffée, plus lourde. La semaine dernière, à trois jours d’intervalle, le président de l’OM Jacques-Henri Eyraud a poussé en faveur de la prise en main totale du Vélodrome par le club. Depuis l’année dernière, il a engagé des discussions avec Arema, la société qui exploite le stade dans le cadre du partenariat public-privé (PPP) signé avec la mairie de Marseille. « Ce sont des négociations qui prennent trop de temps, qui doivent maintenant aboutir, je souhaite qu’elles aboutissent avant le début de la saison prochaine, sinon nous en tirerons toutes les conséquences », a lancé Jacques-Henri Eyraud mercredi lors de la conférence de presse de fin de saison.
Ce qui ressemble à un ultimatum est réitéré le samedi dans une double page d’interview accordée à La Provence exclusivement consacrée à cette question. « La question que je pose aujourd’hui, c’est stop ou encore ? Devons-nous continuer à afficher des ambitions élevées ou sommes-nous touchés par des vents contraires qui ne nous permettront pas de réaliser nos objectifs ? », interroge-t-il. Le patron de l’OM se défend de tout « chantage », car le propriétaire Frank McCourt, arrivé en 2016, ne va pas « [reprendre ses] billes et [laisser] tomber l’OM ». Mais il signifie clairement que « toutes les options sont sur la table, y compris celle de construire notre propre stade », l’outil étant jugé indispensable à sa stratégie.
Le Vélodrome, rénové à grands frais par la Ville de Marseille, se retrouverait donc sans club résident et l’OM jouerait en périphérie de la ville ? L’hypothèse est aussi surprenante que lorsque la précédente direction de l’OM, refusant le montant du loyer réclamé par la mairie, envisageait de démarrer la saison à Montpellier…
UNE PROPOSITION D’AREMA SANS RÉPONSE
Du côté d’Arema, cette offensive laisse perplexe. L’OM n’a « toujours pas répondu à notre dernière proposition », nous indique-t-on. Début avril, le président d’Arema Bruno Botella annonçait à l’AFP que cette offre était la « dernière » et que la balle était désormais dans le camp de l’OM. Cette proposition, dont le détail n’est pas connu, consistait en « une délégation de l’exploitation commerciale du stade » : hors de ses propres matches, qui n’occupent qu’une vingtaine de journées par an, l’OM pourrait organiser des événements (concerts, séminaires etc.). Une activité qui est aujourd’hui celle d’Arema, avec par exemple l’accueil des Rolling stones le 26 juin.
Mais la société titulaire du PPP resterait en charge de l’entretien et des aménagements, qu’elle est censé rendre en parfait état à la Ville à la fin du contrat, en 2045. La réponse de Jacques-Henri Eyraud, si elle n’est pas parvenue officiellement à Arema, figure déjà dans son entretien avec La Provence : « Le partage de l’exploitation du stade avec Arema ne me semble pas un gage d’efficacité. »
PAS DE TRAVAUX SANS EXPLOITATION COMPLÈTE
Dans son argumentaire, le président de l’OM met en avant ses projets d’amélioration de l’éclairage, la sonorisation et même un banc de touche à l’anglaise « qui aurait eu comme intérêts d’offrir au staff technique une proximité beaucoup plus grande avec les joueurs et de proposer aux spectateurs situés tout autour une expérience immersive exceptionnelle ». Dit autrement de commercialiser des places de choix à quelques mètres du terrain.
Ce que Jacques-Henri Eyraud ne dit pas clairement, c’est que l’OM pourrait d’ores et déjà mener à bien ces projets. En juillet, l’accord négocié avec la Ville de Marseille lui permettait de « proposer et financer des aménagements et travaux de nature à valoriser le Stade Orange Vélodrome », dont 20 % viendraient en déduction du loyer. Le texte de la convention précise que « les aménagements envisagés intègrent entre autres des investissements d’éclairage, de sonorisation, des hospitalités [loges, etc.] et de sécurité ». Ce qui ressemble fort aux points listés par Jacques-Henri Eyraud.
La Ville de Marseille, comme Arema, ne seraient pas contre. Mais l’OM n’entend pas activer cette clause sans avoir mis la main sur le stade. « Nous n’allons pas investir dans des améliorations qui coûteront plusieurs millions d’euros si nous ne sommes pas responsables des équipements », a soufflé son patron à La Provence. D’autant plus que les devis transmis par Arema sont jugés trop élevés.
LE MAIRE TACLÉ AU PASSAGE
En attendant, Arema se retranche derrière le cahier des charges initial du stade,« qui est respecté et que l’OM de l’époque avait validé ». Interpellé par Jacques-Henri Eyraud dans La Provence, le maire de Marseille, dont il attend « beaucoup plus de volonté politique », ne s’est pour l’heure pas risqué à jouer les arbitres.
Dans son coup de gueule, Jacques-Henri Eyraud affirme vouloir « dire la vérité aux Marseillais, et notamment aux supporters de l’OM » et s’avance sur un terrain qui pourrait irriter à l’hôtel de Ville : « Je respecte et j’écoute la position du maire, mais je veux être très précis : si on la justifie pour dire que l’Orange Vélodrome doit rester aux Marseillais, j’ai alors le regret de leur dire que ce stade ne leur appartient plus depuis déjà longtemps. » Pour lui, il est « aux mains de fonds de pension et d’institutions financières parfois très éloignées du boulevard Michelet ».
En avril, auprès de l’AFP, l’adjoint aux sports de Marseille, Richard Miron rappelait ce sacro-saint principe de la propriété du stade : « On a tous intérêt à ce que la négociation réussisse. Mais il n’y a aucune ambiguïté: le stade reste aux Marseillais. C’est une négociation privée entre deux opérateurs privés. » Avec « les Marseillais et notamment les supporters » en observateurs.