Ribéry, alors : Cape ou pas Cape ?
Par FRANÇOIS VERDENET, à Marseille
Au lendemain de la qualification de l'OM face à Metz en 16èmes de finale de la Coupe de France (2-0), la Commanderie fait sa rebelle en affichant un soleil printanier, au moment où toute la France (se) gèle.
En cette fin de matinée, le thermomètre affiche 15°°C et la troupe olympienne s'adonne à un léger décrassage sous les yeux de Jean Fernandez, assis sur une glacière. Des rires s'élèvent du peloton marseillais emmené par la nouvelle recrue argentine, le défenseur Renato Civelli, prêté jusqu'à la fin de la saison par Banfield. Après un mois de janvier poussif, les Marseillais ont retrouvé de l'entrain avec cette qualification en Coupe, agrémentée par la suite d'une victoire à Troyes (0-1) en Championnat. Revigoré par ce renouveau collectif, Franck Ribéry, un peu en deçà ces derniers temps, n'en finit pas d'aimanter les sollicitations. Il n'y a qu'à voir tous ces gosses lui quémander un autographe sur le chemin des vestiaires. Conscient de cette notoriété grandissante, il prend son temps, sans se prendre la tête. Cette fois, c'est une classe des Orphelins d'Auteuil qui a été autorisée par la direction de l'OM à suivre l'entraînement en privilégiés. Un quart d'heure pour prendre une douche et le voilà qui se pointe au rendez-vous par une porte dérobée. Très à l'aise, le torse moulé dans un tee-shirt tendance, le milieu offensif peut se livrer alors à un tour d'horizon sur sa petite - et peut-être future - carrière internationale. Pilier des Bleuets de René Girard. avec lesquels il s'est qualifié pour le prochain Euro portugais, l'accélérateur de jeu olympien pourrait prochainement cogner à la porte des grands Bleus. La rumeur l'y annonce régulièrement. Ses prestations depuis le début de saison plaident pour lui. Raymond Domenech l'aurait à l'oeil. Malgré ces bruits insistants, le nouvel espoir marseillais (23 ans) ne s'enflamme pas. «Tout est déjà tellement allé vite pour moi. Alors. les Bleus...»
L'équipe de France. « UN RÊVE QUI ME TROTTE DANS LA TÊTE. »
« De plus en plus de gens m'en parlent. Les Bleus représentent un rêve qui me trotte dans la tête depuis que je suis à Marseille. En tant que professionnel, c'est presque normal. Il faut se fixer des objectifs. L'équipe de France en fait partie. On doit savoir se mettre des carottes pour avancer !(Rires.) Cependant, il ne faut pas aller plus vite que la musique. Pour l'intégrer, je dois continuer à faire ce que je fais, être aussi plus constant dans la performance. On a tous envie d'appartenir à cette grande sélection, mais il faut rester simple et humble par rapport à elle. C'est pour cette raison que je ne me monte pas la tête. Il ne faut pas brusquer les événements car la déception pourrait être à la hauteur de
l'attente. Mais c'est vrai que, depuis mon arrivée à Marseille, les regards ont changé en ce qui me concerne. C'est différent de Metz ou de Galatasaray. Ici, on est sous une loupe et je profite de cette exposition. Mes performances y sont peut-être aussi pour quelque chose. Se retrouver au coeur du débat sur les " possibles " pour une future sélection est déjà très valorisant. Il y a un an, je n'imaginais pas du tout ce destin. Ça prouve qu'avec le travail et la volonté rien n'est impossible. C'est également pour ça que j'apprécie qu'on parle de moi en bien. Ça montre que j'ai bossé et encore progressé. Mon entourage sait également me raisonner. Je garde les pieds sur terre. Quand mon jour viendra, je pourrai dire que j'y suis. Pas avant. Pour l'instant, je me contente de regarder les Bleus à la télé ou d'aller les voir. J'étais aux deux matches contre la Suisse et l'Eire, au Stade de France. Je suis toujours un supporter. »
La carrière. « MAINTENANT, J'AI ENVIE DE STABILITÉ. »
« Tous les moments durs que j'ai traversés m'ont permis de me bâtir un caractère, de me forger une mentalité. Si j'ai la rage sur un terrain, l'envie de toujours gagner, je le dois à mon passé. Tout a vraiment basculé dans le bon sens à partir de Brest, en 2003-04. J'ai donné vingt-trois passes décisives en National. J'ai vécu des moments forts avec laa montée en L2 de ce club. Brest est vraiment une ville de foot, un petit Marseille en Bretagne. En National, nous faisions entre 8 000 et 11000 spectateurs. C'était fabuleux. Mes premiers frissons viennent de là. Ensuite, j'ai vraiment eu la chance d'être repéré par une personne comme Jean Fernandez. C'est un entraîneur qui comptera éternellement pour moi car il a fait basculer ma carrière en me prenant à Metz. Je n'ai pas peur de le dire : c'est même un second père pour moi. Je lui dois beaucoup. Hormis ma parenthèse à Galatasaray, Jean a toujours été décisif dans ma trajectoire. (Il sourit.) Et si je suis à l'OM, je pense qu'il doit y être pour quelque chose... C'est l'homme et le technicien qu'il me fallait pour décoller, prendre confiance en mes possibilités. Aujourd'hui, je savoure vraiment ce qui m'arrive. Le CFA et le National m'ont cependant permis de m'endurcir. Alors que certains passent pro à dix-sept ou dix-huit ans, moi, j'ai dû attendre vingt et un ans. Et quand on a la chance d'être rattrapé à cet âge par le système, on ne lâche plus rien après. On n'a plus envie de manger de la vache enragée ! Quand je me retourne, je me dis que j'ai tout de même déjà connu sept clubs dans ma petite carrière. Mais heureusement que j'ai aussi croisé les bonnes personnes au bon moment pour me tendre la main ; puis me poser. Maintenant, j'ai envie de stabilité. A l'OM, j'ai vraiment trouvé ce qu'il me fallait. Il y a tout pour réussir. Avec les dirigeants, on est d'ailleurs tombés d'accord pour prolonger mon contrat d'un an. Bientôt, je serai lié à l'OM jusqu'en 2010. »
Les Espoirs. «UNE BONNE BANDE DE POTES. »
« Quoi qu'il arrive, les Espoirs resteront mon équipe. Je me souviendrai toujours de ma première sélection. Normal puisque c'était tout simplement la première dans une équipe de France ! Ce souvenir fait partie des plus beaux moments de ma carrière. C'est Jean Fernandez qui me l'avait annoncée, à Metz. Je n'y croyais pas ! C'était contre Israël (1-0). Pour la deuxième, face à la Slovaquie, j'ai inscrit mon premier but en bleu. Ce sont des événements qui marquent. Au départ, on ne donnait pas cher de cette génération, mais elle a bien grandi. On est une bonne bande de potes qui prend vraiment du plaisir à se revoir à chaque rendez-vous. On a tissé de vrais liens d'amitié qui se traduisent sur le terrain. Il existe une grande solidarité dans ce groupe où il n'y a pas de
11 stars. C'est une équipe qui ne fait pas de bruit, mais qui avance, Contre l'Angleterre, en match de barrages pour l'Euro, on a prouvé qu'on avait du caractère. Cette sélection est le gâteau de ma saison. Les A, ça serait la cerise ! Mais je ne me fais pas d'illusions. Honnêtement, j'ai la tête aux Espoirs. Si je dois aller au Portugal avec eux, ce ne sera pas une déception. Au contraire, j'irai avec un immense plaisir. J'aurai la même motivation. Je n'ai que vingt-trois ans. Je ne l'oublie pas. Il ne faut pas brusquer les choses. Je sais d'où je viens. Mais je sais aussi où je veux aller... »
Raymond Domenech. « ON S'EST JUSTE SERRÉ LA MAIN. »
« C'est le sélectionneur, c'est donc lui qui décide. Je ne sais pas s'il m'apprécie, quels sont ses sentiments à mon égard. Je ne sais même pas si j'ai déjà reçu une présélection de sa part. Le coach (Jean Fernandez) ne me l'a jamais dit, et je ne lui ai jamais demandé ! Je n'ai d'ailleurs jamais vraiment eu de contact ou de discussion avec M. Domenech. On s'est tout juste serré la main à Clairefontaine. En revanche, il doit prendre des renseignements auprès de M. Girard, l'entraîneur des Espoirs. Tous les deux, on a un super feeling ! Lui aussi me conseille dans mon approche du haut niveau. Il me protège également. II me met en garde par rapport à l'environnement. Sinon, je n'ai pas à juger le travail de M. Domenech. Quand il a repris la sélection, il était face à un chantier qui n'était pas évident. II a réussi son entreprise en qualifiant les Bleus. C'est le plus important, pour l'instant. Les Français n'auraient pas compris que les Bleus ne soient pas au Mondial. Après, sa ligne de conduite peut me laisser quelques espoirs. Il a déjà prouvé par le passé qu'il faisait confiance aux jeunes en prenant Rio Mavuba ou Alou Diarra. On verra bien, mais je me tiens à sa disposition! »
Le Mondial. « J'AI SUIVI LE TIRAGE. »
« Mes premiers souvenirs de Coupe du monde remontent à 1998. J'avais quinze ans quand les Bleus ont gagné. On avait fêté ça avec mon frère, mon cousin et mon futur beau-frère. Je me rappelle la fête à Boulogne-sur-Mer. C'était génial ! Nous étions allés délirer avec des centaines de personnes au centre-ville. A cette époque, je ne savais même pas qu'un jour je deviendrais pro. J'en rêvais, mais j'en étais encore loin, Maintenant, je regarde la Coupe du monde avec l'oeil du professionnel. Je m'intéresse au football mondial. J'ai suivi le tirage au sort. Nous étions au vert avec l'OM. Malgré les apparences ou les commentaires, le Togo, la Corée du Sud et la Suisse ne sont pas des adversaires faciles. Quand on participe à une Coupe du monde, ça veut dire qu'on est dans les trente-deux meilleures sélections de la planète. Il faudra surtout se méfier des Suisses. (Il se marre.) En plus, il n'y a pas de match retour. Mais, sur sa valeur, si l'équipe de France est sérieuse, ça devrait aller. Moi, je ne connais pas l'Allemagne. Je n'y suis jamais allé. Je n'ai d'ailleurs pas souvent bougé à l'étranger. Quand j'ai signé à Galatasaray, c'est une des premières fois que je sortais de France. Ce n'est qu'avec les Bleuets, puis l'OM en Intertoto, que j'ai découvert d'autres pays. Quand on me parle de l'Allemagne, je pense surtout à Oliver Kahn. C'est un gardien qui m'a toujours impressionné. Il dégage une force énorme, une grosse envie de gagner. On sent qu'il a la rage. Je pense surtout que la Coupe du monde là-bas sera une belle fête car c'est un vrai pays de football. »
Fabien Barthez : « IL RESTE LE NUMERO UN »
« Je ne pensais jamais le rencontrer un jour, alors, jouer avec lui, être son coéquipier à l’OM…Fabien reste un immense gardien, une personne simple et très gentille. Pour moi, il fait toujours partie des meilleurs au monde. Quand je suis arrivé à Marseille, il a su me conseiller. Il a été très attentif. Il m'a dit de faire attention à la surmédiatisation, surtout après mon démarrage. Nous n'avons jamais vraiment parlé de l'équipe de France ensemble. Que ce soit à son sujet ou en ce qui me concerne. Mais ça me ferait plaisir d'être le deuxième Marseillais avec lui chez les Bleus ! Fabien reste une référence. Avec Kahn, Buffon et Coupet, il est toujours parmi les plus grands à son poste. A trente quatre ans, il faut le faire ! Les Bleus ont encore de la chance de pouvoir compter sur lui, C'est un leader qui sait toujours répondre présent le jour J. Ça ne veut pas dire que Grégory Coupet n'est pas un grand gardien, mais, avec son ancienneté et son expérience, Fabien reste le numéro un. »
Zinédine Zidane. « COMME UN SUPPORTER FACE À LUI. »
« A Marseille, je suis chez lui. J'ai toujours été fan. On a quand même dix ans de différence. J'ai un peu grandi avec lui dans le foot. J'ai toujours eu envie de lui serrer la main. Je me souviens encore de notre rencontre. C'était énorme. Un vrai souvenir de fan. C'était à Clairefontaine lors d'un stage avec les Espoirs. Lui était revenu chez les A. Et dire que ç'aurait pu ne jamais arriver! J'étais comme un supporter face à lui. On a dû échanger quelques banalités. Mais je ne m'en souviens pas tellement j'étais impressionné. Je ne sais d'ailleurs pas s'il savait qui j'étais vraiment ! Zinédine Zidane reste un exemple pour moi tant sur le terrain qu'en dehors. Il n'a jamais oublié d'où il venait et reste très attaché à sa famille, à ses racines. Cette attitude le rend encore plus grand. II démontre aussi que le passé sert à grandir. Je sais par exemple que sa femme est venue accoucher de leur quatrième enfant à Marseille. Après, le joueur, c'est un régal. Ses gestes, sa maîtrise technique, ses passements de jambes, ses buts: on ne peut être qu'admiratif. Si, un jour, j'avais la chance de jouer à ses côtés, ce serait énorme pour moi. Presque une petite consécration ! Il est tellement facile dans le jeu qu'on a l'impression que le ballon est du gâteau. C'est le type de joueurs, comme Chris Waddle ou Jean-Pierre Papin, qui m'a fait encore plus aimer le foot. Mon éducation footballistique s'est faite à travers des modèles comme eux Quand on est jeune, on regarde, on s'en inspire. »
Sidney GOVOU. « UNE EXPÉRIENCE QUE JE NE POSSÈDE PAS. »
« Comme Ludovic Giuly, Sidney Govou est maintenant un concurrent. Mais je me souviens surtout du but qu'il a marqué contre nous à Lyon. Quelle reprise ! Il mérite le respect car il a déjà gagné quatre titres de champion de France et il n'est pas très vieux Par rapport aux Bleus, lui comme Giuly connaissent bien la maison. Ils ont une expérience que je ne possède pas. Mais, eux aussi, ils ont connu un jour une première sélection. Ils sont également passés par là. Il y a toujours une première fois. Mon profil se rapproche davantage de celui de Ludovic Giuly. C'est un joueur qui provoque, vif et technique. Sydney Govou est plus puissant. Par rapport à eux, je suis peut-être moins calculateur. Sur le terrain, je fais souvent ce qui me passe immédiatement par la tête. J'aime improviser. »
Le Brésil. « RONALDINHO APPRIVOISE LE BALLON. »
« C'est une de mes sélections préférées. Mais je suis comme beaucoup de gens ! J'aime bien les Anglais également. Ce sont deux pays de foot, dans des styles différents. Ce qui me plaît dans le Brésil, c'est le génie de certains joueurs comme Ronaldinho. II est sans cesse en train d’inventer des dribbles. Son toucher de balle est aussi extraordinaire. On a l’impression qu’il apprivoise le ballon. »