par Jéjé31 » 04 Fév 2006, 11:49
«Oui, j’ai reçu des piqûres »
TONY CASCARINO, avant-centre de l’OM entre 1994 et 1997, confirme les récentes accusations
de Jean-Jacques Eydelie.
Sollicité par différentsmédiasdepuis les déclarationsdeJean-Jacques
Eydelie dans L’Équipe Magazine (samedi 21 janvier), Tony Cascarino
avait jusque-là repoussé toutes les demandes d’interview.Mais pour
lui, le silence n’est pas une option. Jeudi, entre deux rendez-vous
– l’Irlandais jongle aujourd’hui entre ses activités de commentateur
de la Ligue 1 sur la chaîne anglaise Setanta, sa chronique hebdomadaire
dansThe Times et sa carrière de joueurde poker professionnel –,
il nous a reçus dans sa maison de Chislehurst, au sud de Londres, où il
vit avec sa femme,française, et sesdeux enfants. Près de dix ans après
son départ de Marseille (il y a passé trois saisons, de 1994 à 1997),
l’ancien avant-centre, chouchou du Vélodrome, n’a pas changé. Il est
toujours aussi drôle, charmant et, surtout, il a gardé son franc-parler.
LONDRES –
de notre correspondant
« QUELLE A ÉTÉ votre réaction
aux propos de Jean-Jacques
Eydelie ?
– Pour être honnête, j’avais déjà
entendu la même chose quand je
suis arrivé au club en 1994. Dès le
premier jour, on m’avait raconté
exactement cette histoire, donc cela
n’a pas été pas un énorme choc pour
moi quand la nouvelle est tombée.
– Dans votre chronique du
Times, en décembre 2003, vous
aviez parlé depiqûres que vous
aviez vous-même reçues à
l’OM. Est-ce vraiment ce qui
s’est passé ?
– Oui, c’est vrai ! Moi, j’admets que
j’ai reçu des piqûres mais je connais
beaucoup d’autres joueurs qui ont
fait la même chose…
– Tous les joueurs de l’OM
étaient-ils piqués à votre
époque ?
– La plupart, oui !
– Quand les piqûres étaientelles
pratiquées ?
– C’était toujours avant le match…
Avant le match, on nous faisait une
piqûre au bas du dos (il montre
l’endroit qui se trouve juste au-dessus
des fesses, près de la colonne
vertébrale). Je n’étais pas sûr de ce
que c’était, mais comme tout le
monde me disait que c’était bien et
qu’en plus je me sentais vachement
en forme après chaque piqûre, j’ai
accepté ce qui m’arrivait.
– Qui faisait les piqûres ?
– Ça dépendait des jours…
– Ce n’était pas toujours le
docteur ?
– Non.
« Mon temps
de récupération
était tellement
plus rapide »
– Était-ce quelqu’un venu de
l’extérieur du club ?
– Non, non, non. C’était toujours
quelqu’un qui faisait partie du staff
technique, quelqu’un qu’on connaissait.
– Et à aucun moment vous
n’avez eu de doutes ?
– Pas au début. Le problème était
que je ne savais pas si c’était quelque
chose de mal, d’illégal. En fait, c’était
ça le problème pour tous les joueurs.
On ne savait pas ce qu’on prenait,
donc il n’y avait pas grand-chose à
discuter.
– Et après plusieurs mois de
piqûres ?
– Là, on a commencé à se poser des
questions. Tout le monde disait la
même chose à l’époque. Les joueurs
se parlaient entre eux et on se disait :
" Fais attention, fais attention…
" »
– C’est pour ça qu’un jour vous
avez dit " stop ! " ?
– Oui, oui. J’étais de moins en moins
confortable (à l’aise) avec toutes ces
piqûres, donc j’ai demandé à ne plus
en recevoir. Je me sentais tellement
bien et mon temps de récupération
était tellement plus rapide que
j’avais de plus en plus de doutes.
– Et aviez-vous le droit d’arrêter
les piqûres ?
– Oui, bien sûr ! Soyons clair, si tu
n’avais pas envie personne ne t’obligeait
à être piqué. Non, non, ça, c’est
sûr.
– Maintenant, avec le recul,
vous pensez que c’était quoi
dans les piqûres ?
– Franchement, je ne sais pas.
Nous, on nous disait que c’était un
" boost d’adrénaline ", mais personne
– ou, en tout cas, pas les
joueurs – ne savait vraiment. Je ne
peux pas savoir si c’était des
stéroïdes ou de l’EPO ou quoi que ce
soit comme ça. Je ne pense pas, mais
bon…
– En tout cas, vous êtes maintenant
convaincu que ces
piqûres n’étaient pas autorisées
?
– Oui, comme je dis, je ne sais pas
exactement ce que c’était, mais je
suis à quatre-vingt-dix-neuf pour
cent sûr que ça n’était pas légal. Il y
avait quelque chose de pas net.
– Donc, vous étiez conscient
du risque ?
– Oui, bien sûr !Mais ce n’était pas
comme maintenant. Aujourd’hui, tu
as beaucoup plus peur parce que tu
as plus de chances d’être testé après
un match.
– Quand les joueurs ont enfin
décidé d’en parler à quelqu’un
au club, ils se sont tournés vers
qui ? Bernard Tapie (*) ?
– Ah !non !(Il sourit.) Lui, il disait :
" Tu prends…" Tu comprends,
c’est toujours mystique. Certaines
personnes te disaient que ça n’était
pas une bonne chose et après le docteur
te disait : " Non, non, c’est juste
un boost d’adrénaline. " Tu ne
savais jamais exactement quoi
penser.
– Pensez - vous que ces
histoires ternissent les
victoires de l’OM, surtout celle
en finale de la Ligue des champions
en 1993 ?
– Pas du tout ! Vous savez, il faut
être clair là-dessus. Premièrement, il
n’y avait pas que Marseille qui faisait
des conneries. Les clubs étrangers,
surtout ceux en Italie, faisaient tous
la même chose, même souvent pire.
Deuxièmement, ce n’est pas grâce à
des piqûres que Marseille a gagné
tous ses titres. C’était une grande
équipe, avec de grands joueurs qui
faisaient des matches magnifiques.
Si tu penses que ce sont les piqûres
qui ont fait gagner l’OM, tu rêves ! »
ALEX HAYES
(*) Bernard Tapie n’était plus le président
de l’OM depuis le 20 avril 1994. Il en
est cependant resté l’actionnaire principal
jusqu’en décembre de la même
année, date à laquelle Pierre Cangioni a
pris sa succession à la présidence.