06 Jan 2006, 10:27
ROBERT LOUIS-DREYFUS porte un jugement plutôt positif sur l’évolution de son club et sur les gens qui le dirigent.
Robert Louis-Dreyfus a passé les fêtes de fin d’année dans la station de sports d’hiver de Davos, à deux heures de route de Zurich, son lieu de résidence principal. Quelques jours de répit avant de reprendre le cours de ses affaires internationales. C’est là qu’il nous a reçus, en début de semaine, pour parler longuement de son club, l’Olympique de Marseille, qui continue à le passionner, même s’il ne peut assister qu’à quelques matches par saison.
« COMMENT JUGEZ-VOUS la saison de l’OM ?
– Elle est correcte. On a eu un départ difficile, puisque nous étions derniers après la 5e journée. C’est un Championnat dans lequel on peut finir deuxièmes ou dixièmes. Derrière Lyon, personne ne se détache. Tout le monde a des hauts et des bas.
– À la fin août, lorsque l’OM pointait à la dernière place, avez-vous craint d’être reparti pour une saison galère ?
– Pas du tout. Parce que, en dehors de la saison 1998-1999, je n’avais jamais vu une aussi bonne ambiance dans l’équipe. Les joueurs sont très solidaires. Donc, je n’étais pas inquiet. Mais, pour être tout à fait honnête, je ne pensais pas non plus qu’on allait faire une très grande saison. La qualification pour la Coupe de l’UEFA était déjà un succès.
– La Ligue des champions est-elle un objectif à votre portée ?
– Il ne faut pas rêver. Avec de la chance, oui, c’est possible. Mais je n’ai pas changé d’avis : on a une équipe pour finir entre la 5e et la 10e place. Il ne faut pas négliger le problème de la CAN, durant laquelle nous allons perdre Niang, Oruma, Beye, Meïté et Taiwo. Nos adversaires directs au classement perdront moins de joueurs que nous. On est un peu juste au niveau de l’effectif.
– Et sur le plan du jeu, qu’en pensez-vous ?
– C’est une équipe qui joue agréablement. Le flanc gauche est excellent avec Taiwo et Ribéry. Le flanc droit l’est un peu moins. Il nous manque un buteur, même si Niang pourrait être celui-là. Mendoza, je ne le connaissais pas. Gimenez, je n’étais pas convaincu. Pour le reste, Lamouchi tient la baraque au milieu et apporte beaucoup de sérénité. Sur le terrain, c’est le vrai patron. Cana est bon, voire surprenant. Dans l’ensemble, ils ont fait un bon recrutement.
– Avez-vous été consulté ?
– Sur Ribéry, oui. Sur un ou deux autres aussi. Je donne mon avis et, ensuite, ils décident. Je fais confiance aux gens que j’ai mis en place. Ils sont trois à s’occuper du recrutement : Diouf, Anigo et Fernandez. La saison dernière, j’avais suggéré de prendre Oruma. Mais ils avaient préféré Costa. En 2004, je n’étais pas fan de certains joueurs qui avaient été recrutés. Et je l’avais dit.
– L’homme de la saison à l’OM, c’est Ribéry. C’est un joueur qui vous plaît ?
– Oui. Il a tout pour réussir à Marseille. Déjà, c’est un battant, même s’il doit mieux contrôler son tempérament qui l’expose aux cartons. Il fait partie de ces joueurs qui peuvent faire basculer un match. Toutes proportions gardées, sa couverture de balle me rappelle un peu celle de Maradona. Je savais qu’il était bon, car je me rappelais qu’avec Metz, en août 2004, il nous avait massacrés au Vélodrome (1-3). Mais je ne savais pas qu’il était aussi bon.
– Diouf a déclaré qu’il était intransférable avant de nuancer sa position ; Anigo a dit qu’il ne partirait pas et Acariès a estimé que personne n’était irremplaçable. À qui doit-on se fier ?
– Bien sûr qu’on a envie de le garder. Mais s’il nous explique, un jour, qu’il a une offre mirifique et qu’il veut partir, on ne va pas le garder pieds et poings liés. C’est un garçon qui a la tête sur les épaules. Je pense qu’il est heureux à l’OM et qu’il a envie de rester deux ou trois saisons.
– Ribéry a-t-il comblé le vide laissé par Drogba ?
– Dans l’esprit des supporters, oui. Drogba a laissé des regrets, c’est vrai. Mais son départ a-t-il été une bonne chose pour lui en dehors de l’argent ? Je ne sais pas. Je le vois de temps en temps à Londres, mais pas du tout dans l’intention de le faire revenir. Il est mieux cette année que l’an dernier. Mais je ne crois pas qu’il soit tombé amoureux de Londres comme certains joueurs français.
– Après la victoire contre La Corogne (5-1) en finale de l’Intertoto, on vous a vu danser sur la pelouse au milieu des joueurs. La scène était très inhabituelle…
– C’était un beau moment. Quand une équipe se surpasse, comme ce fut le cas contre La Corogne, c’est beau. Il s’est passé quelque chose ce soir-là.
– Ces moments ont été rares depuis que vous êtes à l’OM…
– Il y en a tout de même eu quelques-uns. Quand on est allé en finale de l’UEFA en 2004, en tapant Liverpool, l’Inter et Newcastle, c’était des vrais bons moments. Finalement, mes meilleurs souvenirs sont liés à la Coupe d’Europe. Même si en Championnat, on est passé à deux minutes du titre en 1999.
– Jean Fernandez est-il l’homme de la situation ?
– Je suis très satisfait de lui. C’est l’entraîneur qu’il nous fallait cette année. Je le considère comme l’un des meilleurs en France. Il n’est pas nécessaire d’avoir un grand nom pour entraîner l’OM. Au contraire, même. Jean Fernandez est un grand travailleur, compétent, qui a l’avantage de connaître l’environnement marseillais puisqu’il était déjà là sous l’ère Tapie.
– Avec Acariès, Diouf et Anigo, vous avez un trio de Marseillais à la tête de l’équipe…
– Et c’est une bonne chose ! Dans le passé, j’ai fait des erreurs de casting en pensant qu’il fallait importer des gens qui n’étaient pas des Marseillais. Mais au début, je ne connaissais personne à Marseille. Petit à petit, je me suis rendu compte qu’il valait mieux avoir des Marseillais pour diriger le club. Encore fallait-il qu’ils se révèlent.
– Au départ, le trio Acariès-Diouf-Anigo était pourtant entouré d’un grand scepticisme ?
– Beaucoup de gens pensaient que cet attelage ne marcherait pas. Or, aujourd’hui, il y a une bonne ambiance dans l’équipe dirigeante. Ils ne sont pas toujours d’accord, mais ils se respectent. Acariès y a beaucoup contribué. Il a grandi à Marseille et il a une réelle affection pour cette ville. Il est sur place tous les jours. Et puis, c’est un meneur d’hommes qui connaît le sport et les sportifs.
– Pourtant, ce n’est pas un connaisseur du football.
– Non, mais il connaît les hommes et il maîtrise bien l’environnement marseillais.
– Il restera à l’OM jusqu’à quand ?
– Jusqu’en juin au moins. Après, on verra.
– Du coup, 2005 a dû vous paraître beaucoup plus calme que 2004 ?
– Oui, les médias ont eu moins de choses à écrire. Je dis toujours que l’OM rend fou ! Si on vit sur place, il faut être très costaud pour ne pas succomber à la mégalomanie. L’impact de l’OM est extraordinaire. Je le vois à toutes ces personnes qui me parlent de l’OM alors que j’ai quand même réussi des choses dans les affaires. Au départ, je ne m’en rendais pas compte. Tenez, il y a un truc dont je suis assez fier. Pendant les événements dans les banlieues, il ne s’est rien passé à Marseille. Je suis convaincu que l’OM y a contribué. Le club est un lien social. Depuis que je suis là, j’ai toujours insisté pour que les joueurs aillent dans les banlieues.
– Qui est le patron aujourd’hui à l’OM ?
– Il y a un président, Pape Diouf, qui s’appuie sur Anigo et Fernandez pour le sportif et sur Dantin et De La Brosse pour le business. Donc, le patron, c’est Diouf.
– À trois, c’est mieux qu’à deux, comme par le passé ?
– J’étais persuadé que l’attelage idéal dans le foot consistait à associer un grand manager, style Ferguson, et un grand financier, style Peter Kenyon. À Marseille, je me suis aperçu qu’il était préférable d’avoir plus de monde. Si des gens ont trop de pouvoirs, une ambiance malsaine peut s’installer. C’est plus facile de supporter la pression quand on est plusieurs. Rolland Courbis était marseillais, mais il était le seul dans l’organigramme. Le fait qu’ils soient trois Marseillais leur a peut-être permis aussi d’avoir plus de temps. Quand on était derniers, en août, rien n’a bougé.
– Lorsque Acariès dit que vous êtes présent à l’OM à travers lui, il a raison ou il exagère ?
– On se parle, mais ce sont eux qui décident. Je ne suis pas gestionnaire de l’OM. J’ai toujours beaucoup délégué dans mes affaires ou dans le sport. Le seul dossier que je regarde de près actuellement, c’est celui de la formation (il montre un dossier sur son bureau). À part Flamini et Nasri, on ne peut pas dire qu’on ait sorti beaucoup de joueurs ces dernières années. Or, c’est absolument nécessaire, même si on nous les pique à la sortie. Pour moi, le scandale de l’année, c’est que la réserve de l’OM soit descendue en CFA 2. C’est le signe qu’il y a un problème. Il faut revoir tout ça. C’est la grande tâche de Pierre Dantin et José Anigo.
– Cet équilibre entre les dirigeants n’est-il pas fragile tout de même ?
– Non. Il y a une bonne compréhension entre eux. Les équilibres cassent lorsqu’il y a crise. Si on perd les quinze matches qui viennent, on verra bien.
– L’OM est-il devenu un club normal, comme le dit Anigo ?
– L’OM ne sera jamais un club normal. C’est un club hors normes. Mais on essaye d’appliquer des méthodes de gestion normales. À l’OM, il y a toujours une part de folie. C’est aussi pour ça que l’on aime ce club. Quand je vais en Chine ou en Amérique du Sud, tout le monde me parle de l’OM.
– L’OM est-il sur la bonne voie ?
– Oui, l’OM est sur la bonne voie, même si j’en attends encore mieux.
– On parle beaucoup de Djibril Cissé depuis quelques semaines. N’est-ce qu’un doux rêve ?
– On ne peut pas assumer le salaire net de Cissé. Donc, si Liverpool ne veut pas nous le prêter, il ne viendra pas. Même s’il a le bon profil pour l’OM.
– Quelle est la situation financière de l’OM ?
– Le recrutement de la saison 2004-2005 (Pedretti, Luyindula, Costa…) avait coûté très cher, notamment en salaires. Vous pouvez acheter un joueur très cher si vous le revendez très cher. En revanche, il y a une loi immuable dans le foot : si la masse salariale dépasse 55 % du chiffre d’affaires, vous êtes dans le rouge. Là, on était monté à 79 %, ce qui n’était pas tenable. C’est pourquoi il a fallu dégraisser cet été. Et là, José Anigo a fait du très bon travail. Il n’y a aucune raison que l’OM ne puisse pas équilibrer ses comptes ou gagner de l’argent afin d’acheter des joueurs. Le système dans lequel le mécène remet de l’argent chaque année est un mauvais système. Ça ne marche pas. On a tout de même le deuxième budget de Ligue 1. Et si on était en Ligue des champions, on ne serait pas loin de Lyon.
– Le 1er mars 2006, vous prendrez officiellement la présidence du groupe Louis-Dreyfus (voir ci-contre). Cela va-t-il changer beaucoup de choses pour vous ?
– Je m’en occupais déjà depuis quelque temps. Mais oui, ça va me prendre beaucoup de temps parce que ce sont des métiers que je ne connais pas. Pour l’instant, j’ai toujours mené mes affaires sans me préoccuper du passé, que ce soit chez Saatchi & Saatchi ou chez Adidas. Là, je dois tenir compte des traditions du groupe familial. Je ne peux pas le réinventer comme j’ai réinventé Adidas. En gros, toutes les six semaines, je vais passer une semaine aux États-Unis, une semaine en Amérique du Sud et une semaine en Chine. Mais dès que j’ai un moment de libre pour aller voir l’OM, j’y vais avec grand plaisir. Cette saison, je n’ai vu que quatre ou cinq matches. Quand les gens me reprochent de ne pas être assez présent à Marseille, il faut qu’ils comprennent que ce n’est tout simplement pas possible. L’OM n’est pas mon métier, mais ma passion. Il faut bien que je puisse exercer mon métier par ailleurs. Aulas s’occupe beaucoup de l’OL, mais il vit à Lyon et ses affaires sont à Lyon.
– Vous avez été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour abus de biens sociaux dans l’affaire des comptes de l’OM entre 1997 et 1999. Le procès se déroulera du 13 au 31 mars 2006. Comment le vivez-vous ?
– Très mal. Je ne pensais pas que l’on pouvait être accusé d’avoir commis un délit en utilisant son argent personnel, et uniquement son argent personnel, pour renflouer un club de sport. J’ai dépensé près de 200 millions d’euros que j’avais gagnés dans mes activités professionnelles pour redresser l’OM. Je l’ai fait par passion. Je n’ai jamais pensé que cela pouvait être mal. Je ne comprends toujours pas. Alors oui, me retrouver devant un tribunal, je trouve ça profondément injuste. Mais je me réjouis de pouvoir faire entendre mes arguments lors du procès et je fais confiance à la justice française.
– Estimez-vous que ce renvoi en correctionnel “heurte le bon sens” comme l’a dit votre avocat ?
– Oui, absolument. J’ai toujours eu une conduite morale dans ma vie et dans mes affaires. Par conséquent, ce n’est vraiment pas agréable. Cela fait cinq ans que je vis avec ça et j’ai hâte que le procès arrive.
– A-t-on abusé de votre confiance entre 1997 et 1999 ?
– Je ne ferai pas de commentaires sur le fond.
– En voulez-vous à Rolland Courbis ?
– Je n’en veux à personne. Je n’ai rien à voir avec la plupart des gens qui ont été mis en examen dans cette affaire.
– Si vous êtes condamné, quitterez-vous l’Olympique de Marseille ?
– D’abord, je n’imagine pas être condamné. Mais si je l’étais, je ne quitterais pas Marseille. Si je devais le faire un jour, ça n’aura rien à voir avec le procès.
– Vous avez toujours foi en l’OM ?
– Oui, j’y crois toujours. J’ai été approché par des investisseurs étrangers qui étaient intéressés par l’OM. Mais je n’étais pas vendeur. Et je ne le suis toujours pas. Le foot me fait vibrer et l’OM en particulier. Je suis un battant, un gagneur, et je ne veux pas partir sans avoir gagner un titre. Ce qui ne signifie pas que je partirais le jour où on en gagnera un.
– Vous êtes aussi le patron d’Infront, une société qui gère notamment les droits télé de la Coupe du monde 2006. À ce titre, estimez-vous que le Championnat de Ligue 1 vaut 600 millions d’euros ?
– Le Championnat de France est meilleur qu’on ne le croit. Il est peut-être inférieur à l’Italie et à l’Espagne, mais il soutient la comparaison avec l’Allemagne, si vous enlevez le Bayern, et avec l’Angleterre, si vous enlevez les trois meilleures équipes. J’avais conseillé à la Ligue de lancer un appel d’offres sur un contrat de cinq ans au lieu de trois. Il était inéluctable que les deux bouquets satellites fusionnent un jour, comme partout ailleurs. Dès lors qu’il y a fusion, vous ne pouvez plus toucher 600 M€. Mais lors du prochain appel d’offres, il y aura peut-être des nouveaux acteurs qui rentreront en jeu, des entreprises de télécommunications comme France Télécom ou Neuf Télécom (dont RLD est l’actionnaire principal), des câblo-opérateurs, voire des sociétés de paris sur Internet. Le prix ne va pas forcément baisser, car ce qui fait le prix d’un Championnat, c’est la compétition entre les diffuseurs. S’il n’y a pas de compétition, vous ne pouvez pas toucher le pactole. »
06 Jan 2006, 11:05
06 Jan 2006, 11:11
06 Jan 2006, 11:14
06 Jan 2006, 12:06
recrutement de la saison 2004-2005 (Pedretti, Luyindula, Costa…) avait coûté très cher, notamment en salaires. Vous pouvez acheter un joueur très cher si vous le revendez très cher. En revanche, il y a une loi immuable dans le foot : si la masse salariale dépasse 55 % du chiffre d’affaires, vous êtes dans le rouge. Là, on était monté à 79 %
06 Jan 2006, 12:35
06 Jan 2006, 12:49
06 Jan 2006, 13:14
06 Jan 2006, 13:34
06 Jan 2006, 13:38
06 Jan 2006, 13:40
06 Jan 2006, 13:48
06 Jan 2006, 14:12
06 Jan 2006, 14:12
06 Jan 2006, 14:20
06 Jan 2006, 15:27
le mécène remet de l’argent chaque année est un mauvais système. Ça ne marche pas.
06 Jan 2006, 17:43
Bouchet n'a pas plombé les comptes !!! Il a effectivement fait exploser la masse salariale mais uiquement pour la saison 2004-2005. Les salaires font parti du fonctionnement et non pas des investissements et donc pas des dettes ....
06 Jan 2006, 23:32
07 Jan 2006, 01:56
Pancho11 a écrit:Bouchet était vraiment une merde
07 Jan 2006, 02:16
Powered by phpBB © phpBB Group.
phpBB Mobile by Artodia.