Les hommages sont nombreux aujourd'hui pour célébrer la mémoire de l'un des plus brillants footballeurs de son temps, George Best. Le côté glamour du cinquième Beatles en fit une légende, bien au-delà de son influence sur les terrains de football, magnifiée et quelque peu exagérée par les média britanniques. Car après des débuts brillants, Georgie fut rattrapé par ses démons. Je n'en parlerai guère, car ce n'est pas ce que je retiendrai du Belfast Boy. Pour moi, Best est d'abord la pochette du premier album du Wedding Present, le groupe pop de David Gedge qui a écrit "certaines des plus belles balades de l'ère du Rock 'n' Roll" selon John Peel. Il est vrai que je suis né au moment où l'étoile de Manchester United déclinait déjà.
Lorsqu'un peu plus tard un autre numéro 7 des Red Devils, Eric Cantona, contribuait à la célébrité du club en France, je découvris quel footballeur il était. Mais c'est surtout la lecture de Paddy Clarke Ha Ha Ha qui a fixé George dans mon panthéon personnel. Le roman de Roddy Doyle, l'écrivain dublinois auteur de la fameuse trilogie de Barrytown portée à l'écran par Alan Parker (The Committments) et Stephen Frears (The Van et The Snapper), met en scène un jeune gamin issu de la working class de Dublin, dont l'idole est George Best. Plus que ses prouesses sur le stades, c'est l'impact culturel de Georgie que je découvrais.
Il y a une dernière dimension du personnage que je souhaiterais évoquer pour finir, très peu reprise dans les hommages. Tout juste entend-on que l'annonce de sa mort unit dans le chagrin les deux côtés de Belfast. Falls Road et Shankill se recueillent dans la mémoire d'une même personne, chose à peu près unique. Pourtant, Best est plus que ce symbole facile. Issu de la communauté loyaliste, il avoua plus tard que sans le football, il aurait probablement fini par jeter des pierres sur les catholiques. Il ne confessait pas là une conviction profonde. Bien au contraire, en tant que produit de ce milieu vivant dans la haine de l'autre, déshérité intellectuellement, son destin était d'embrasser cette haine, de la nourrir et de la perpétuer. Un talent hors de commun l'en préserva. Autre manifestation de cette ouverture au monde, son appel à la constitution d'une équipe d'Irlande unie dans les compétitions de football. Beaucoup mirent cet appel sur le compte de l'amertume de ne jamais se qualifier pour une Coupe du Monde avec le statelet du nord. Assertion peu crédible quand on sait que l'équipe de la ROI n'était guère plus vaillante à l'époque, le début des années 1970. Les seuls à avoir pris cet appel au sérieux furent les extrêmistes loyalistes, alors que les troubles connaissaient parmi leurs pires moments. Georgie reçut des menaces de mort, jamais mises à exécution. Quelques trente années plus tard, et encore quelques jours avant le décès de Best, un autre joueur nord-irlandais était ainsi menacé par les mêmes paramilitaires. Il s'agit de Neil Lennon, le capitaine du Celtic qui dut ainsi renoncer à porter le maillot du statelet.
En ce début d'année, George Best renouvela cet appel à l'unité de l'Irlande, du moins en football. Accueilli dans un silence assourdissant. Aucune reprise dans les média des dépêches d'agence en faisant état. Hormis un article que j'ai publié dans les Cahiers du Football. Nul de ces hommes politiques (je vise principalement les prétendus parrains du processus de paix, à Dublin et à Londres) qui se targuent de vouloir la paix n'a souhaité utiliser ce symbole reconnu unanimement dans les six comtés occupés. La paix ne doit pas être au programme de leur agenda. Il est commode aujourd'hui de se complaire dans le symbole facile d'une ville unie dans le malheur. De son vivant, Best pouvait contribuer à rapprocher les communautés. Il n'avait pas la santé pour le faire seul, pour lutter contre ce dédain que lui témoignaient ce qui ne voyaient plus en lui qu'un ivrogne... jusqu'à aujourd'hui, tout du moins.
Pour l'anecdote, une photographie montrant George Best revêtu des Hoops, au cours d'un match amical organisé par un Celtic Supporters Club en Australie. On peut y reconnaître également Albert Kidd, le joueur de Dundee United devenue une légende du Celtic en nous offrant un improbable titre en 1986. Une histoire que je raconterai sûrement un jour. Durant sa carrière américaine, Best disputa également un match amical avec les véritables Bhoys, qu'il avait rencontrés alors que le Celtic faisait une tournée américaine. Un geste fort de la part du gamin de Cregagh.
+ l'article sur footanglais.com
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