par mickolc2000 » 11 Oct 2005, 15:54
Anigo, en toute tranquillité...
Le directeur sportif olympien a accordé un entretien à "La Provence des Sports". Il explique sa discrétion, essentielle afin de préserver la sérénité réclamée par sa fonction, définit la nouvelle la politique sportive du club et ses attentes pour demain.
L'image surprend. Elle souligne combien l'homme a évolué. Pantalon classique gris, chemise blanche, attaché-case à la main droite, Anigo a changé d'époque, on le sent surtout plus détendu. A l'heure de son arrivée au premier étage du département sportif de La Commanderie, tout est déjà prêt : courrier à signer, lettres à préparer, presse soigneusement présentée sur son bureau. Le temps de terminer une grappe de raisin, le directeur sportif olympien a évoqué sa fonction, la discrétion dont il a besoin et présenter les premières lignes de l'ambition sportive du club...
José, on vous voit moins, on vous entend moins. Est-ce une volonté personnelle ?
"Ça me convient bien, ainsi. Je n'ai pas forcément envie d'être vu et reconnu. Mon travail est obscur, mais il est passionnant. Je reste dans l'ombre, tranquillement. Cela ne m'empêche pas de bosser, même plus sereinement."
La surexposition du temps où vous étiez entraîneur vous a-t-elle éprouvé à ce point ?
"La surexposition, d'un côté, le contrecoup de l'autre."
C'est-à-dire...
"Les faux amis, les faux gentils, les faux méchants.Je n'ai plus envie de vivre dans ce monde-là.
"Pendant six mois,j'ai décroché du monde professionnel, je me suis retrouvé seul pour voir des matches, accomplir des stages. Cela m'a permis de découvrir quels étaient les braves gens autour de moi,les fausses amitiés.
Ceux-là se reconnaîtront.
"Certains contacts disparaissent du jour où tu disparais et rebranchent leur téléphone le jour où tu occupes une nouvelle place dans l'organigramme du club. Ce sont des amitiés à la noix. J'en ai tiré des conclusions, pas méchantes. J'ai gardé la liberté de me retrouver avec les gens sincères."
Vous avez eu des propositions pour entraîner des clubs...
"(II coupe) ...Et j'en ai encore."
Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
"Dans celui d'une personne connaissant bien le terrain. Parfois, j'ai envie de dire des choses. Je me retiens par respect pour la fonction que j'occupe. Je me permets seulement des déclarations en aparté, pour le bien du club, car c'est mon job.
"Je suis avant tout intéressé par la construction sportive du club. Le chantier est suffisamment important."
Avez vous eu envie de renoncer ?
"Cela n'a pas toujours été facile. On a eu pas mal de pression, une enveloppe de recrutement réduite. On a aussi été servi par la chance. Les priorités étaient Ribéry et Oruma, deux joueurs libres et très demandés. On y est arrivé.
"Il y a eu beaucoup de doute extérieur sur ces joueurs. On a entendu tellement de choses fausses sur Franck. Il s'avère comme un garçon adorable, une merveille dans la vie du groupe et un excellent joueur. Au final, il est presque injuste de ne pas le retrouver dans le groupe France. Il n'a rien à envier à certains sélectionnés.
"Quelqu'un a dit de lui : c'est un amateur dans le milieu professionnel. Sa générosité en témoigne."
Quelle est aujourd'hui la politique sportive de l'OM ? On a du mal à la décrypter...
"Elle est à moyen terme. On ne peut pas avancer qu'on a construit une équipe pour cette année. Ce serait faux. On essaye de gagner du temps, pour être plus compétitif la saison prochaine et capable de lutter réellement pour le titre de champion l'année suivante. La politique revient à recruter des jeunes de talent, à moindre coût, avec un style de jeu. C'est indispensable. Jean s'y attache au quotidien.
"Dans le passé, on prenait un joueur reconnu pour un poste. Aujourd'hui, on a envie de donner un style à l'équipe et on adapte les joueurs à ce style. C'est totalement différent. A l'intersaison, on avait l'ambition de donner de la vitesse, de la vivacité, du mouvement Aujourd'hui, l'équipe ressemble à ce désir. Après, une sélection naturelle s'opère. Il y a eu une volonté de nettoyage. On s'est délesté de garçons n'ayant plus le profil requis ou atteint par l'usure mentale. La saison prochaine, nous n'aurons plus ce gros travail de construction à élaborer. On aura la possibilité de frapper deux ou trois grands coups pour donner une autre image..."
On entend ce discours depuis des années. Pouvez-vous garantir, aujourd'hui, que vos propos seront toujours d'actualité. Les fondations tiendront-elles ?
"Dans notre raisonnement, il y a un changement fondamental. Avant on prenait des joueurs qu'on revendait la deuxième année. Là, nous avons recruté des joueurs jeunes sur des longues durées, comme Ribéry, Oruma, Cana, Niang. Et d'autres sur lesquels il y aura un choix à déterminer dans un an.
"Ce sont des accords pris, par exemple, avec Sabri Lamouchi. Il a la tête sur les épaules. Il nous a proposé de ne signer qu'un an et on se reverra en fonction de la saison qu'il aura accomplie. On a trouvé le pari extraordinaire. D'habitude, les joueurs professionnels veulent toujours le meilleur des conforts."
Le mercato ne sera pas agité alors ?
"J'appelle celui de décembre, le mercato. des mécontents. Avant, un joueur était tenu d'honorer son contrat une année durant. Donc, quand il ne jouait pas, il se battait.
"Aujourd'hui, ceux qui ne jouent pas ont un discours très simple : je m'en vais. Ils ne luttent plus. Certains, ayant peu de temps de jeu, demanderont certainement à partir."
Jean Fernandez a évoqué l'autre jour votre réflexion sur le recrutement d'un attaquant. Pouvez-vous en dire plus ?
"Mamadou va partir à la CAN et ne resteront que Gimenez, Mendoza et Koke. On a des pistes."
Cela pourrait être l'un des grands coups dont vous parliez tout à l'heure ?
"Si la possibilité se présente, on ne s'en privera pas. Je souscris à la demande de Jean."
Carrasso et Nasri sont des acteurs de l'équipe première. Cantareil frappe à la porte. Et la relève ?
"Très honnêtement, deux ou trois joueurs sont susceptibles de monter. Benatia, Deruda, Mam N'diaye s'entraînent avec les pros. Mais on est loin des promotions du passé. La donne est différente. On accomplit un travail d'observation de jeunes joueurs à l'étranger. Je me suis rendu dans un pays où joue un défenseur de 16 ans, titulaire dans un club premier de son championnat et international espoirs. En plus du centre, on intègre ce genre de projet."
Cela remet-il en cause le centre ?
"Pas du tout. Les générations des 14 ans et des 16 ans sont très intéressantes. Ça nous oblige simplement à être plus vigilant et à élever la qualité de notre formation. Depuis un an ou deux, on a marqué le pas. On réfléchit aux moyens d'avancer tout en tenant compte qu'un garçon comme Carrasso est issu d'une promotion moyenne.
"Dans la post-formation, le club a mûri et est devenu plus intelligent. On a aujourd'hui la possibilité de terminer la formation des garçons dans des clubs avec lesquels on travaille : je pense à Lorient, Guingamp, Clermont... "Il y a cinq ou six ans, on plaçait les garçons parce qu'on n'en avait pas l'utilité. C'était illogique. Aujourd'hui, on leur donne du temps de jeu ailleurs. C'est le cas d'un garçon comme Rémi Ribault, titulaire de plus en plus souvent à Charleroi. C'est encore le cas pour Barry. Ils reviendront comme Cantareil, mûri par son expérience à Nîmes."
Robert Louis-Dreyfus vous a-t-il demandé d'être plus pointu sur le centre ?
"Il le laisse entendre et il a raison. Voir la CFA descendre est anormal.
Je comprends l'amertume de Roland Gransart. Les joueurs professionnels décidaient la saison passée de ne pas y aller, mais c'était à l'entraîneur de l'imposer. Il en résulte un vrai gâchis car ces agissements ne correspondent pas à l'esprit du club."
Les mentalités ont-elles changé ?
"Aujourd'hui, le professionnel refusant de se rendre en CFA lorsque l'entraîneur le lui demandera s'exposera à des sanctions sportives et financières importantes. La CFA n'est pas une punition. C'est la vie du club. La descente de l'équipe réserve est en partie la cause de la non communication des pros et de l'association."
Revenons à aujourd'hui : l'Intertoto n'a-t-elle pas torpillé le championnat ?
"Elle a plombé le début de saison, mis certains joueurs en difficulté mentale et morale. Il y a quand même eu deux points positifs : dans la difficulté, l'équipe n'a jamais douté et il y a eu une grande sérénité autour du groupe. Ça, c'est une première.
"Le point extraordinaire est la découverte d'un nouveau mode de fonctionnement autour du stade. Je suis admiratif de nos supporters à l'heure actuelle. Ils ont compris que tout remettre en question n'en valait pas la peine. Il y a une prise de conscience qu'une équipe ne se construit pas en un coup de baguette de magique. La tranquillité dont nous avons bénéficié nous permet de redresser la tête, de gagner des matches. D'accord, ce n'est pas toujours brillant. La seule récompense, le minimum, que nous pouvions leur offrir était de disputer la coupe UEFA afin de leur donner du bonheur et du spectacle.
"Pour l'instant, les deux stars de l'OM sont le club et le public. Même quand ça ne va pas, ils sont là. La patience sera la force de l'OM."
Pourquoi réussir aujourd'hui ce qui ne l'a pas été hier ?
"Je ne demande pas qu'on me croit. Réfléchissons quand même cinq minutes. En combien d'années Lyon s'est-il construit ? Dix-huit ans. Depuis dix-huit ans, Aulas, Faccioli, Lacombe et les autres travaillent. S'ils avaient tout cassé à l'heure où l'OM leur mettait des 6-0 au Vélodrome, où gagnait 4 à 1 à Gerland, croyez-vous qu'ils seraient devenus les meilleurs en France ?
"Pendant qu'ils prenaient les coups de bâtons, ils construisaient pour se donner un avenir meilleur. Et nous, quand on était des cadors, on n'a rien bâti. Après les années 90, il y a eu sur Marseille une coupure de courant. Depuis, on vit avec des hauts et des bas, mais rien de durable.
"Aujourd'hui, il y a à la tête de l'OM, des gens aimant le club profondément. Ils ne sont pas là pour prendre, mais pour donner. On n'est pas là pour dire : on va avoir les plus beaux bureaux, mais une équipe dans les deux-trois ans. Cela ne signifie pas que cette saison sera blanche. Construire, c'est la base."
Christophe Bouchet disait que le retard avec les clubs européens était irrévocable ?
"Avec de l'ambition, des moyens pour travailler, si on n'a pas peur d'user son temps, on arrive à tout. J'ai visité les grands clubs, la seule chose qui nous différencie d'eux, ce sont les grands joueurs."
Qui dit grands joueurs, dit moyens financiers. Ici, c'est peau de chagrin...
"Avec tous les efforts accomplis cette année, on pourra prétendre bientôt à deux ou trois grands joueurs.
"Vous savez, il y a mille choses à penser. Pourquoi ne pas proposer à un joueur aimant l'OM et dont la qualité est mondialement reconnue de signer pour moins d'argent mais une durée plus longue avec la perspective d'une reconversion."
Vous pensez à Didier Drogba ?
"Pourquoi pas ? Ce n'est pas seulement valable pour lui. "On n'a pas les moyens, mais on essaye toutefois de réfléchir."