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La nouvelle arme secrète
MilanLab, le laboratoire scientifique des « Rossoneri », est désormais aussi capable de lutter contre le stress.
MILAN –de notre envoyé spécial
C’EST TOUJOURS un modeste
local, tapi sous le vestiaire de Milanello.
Ici vit en secret MilanLab, le
laboratoire scientifique des « Rossoneri
», dont le coût d’exploitation
annuel est évalué à 2,5 millions
d’euros.
L’entité a toutefois grossi depuis sa
création, en juillet 2002. Jusqu’ici,
elle s’attachait surtout au suivi physique
(neurostructurel) et biochimique
(médical) du joueur. Une batterie
de tests permet aujourd’hui
d’établir sa carte d’identité numérique.
L’analyse de cette boîte noire,
réactualisée tous les quinze jours,
aboutit à une note sanitaire. De 0 à 5,
le joueur n’est pas opérationnel. À 6,
c’est limite. De 7 à 10, il possède un
profil d’excellence.
« La médecine attend la blessure ;
nous, on l’anticipe », résume Jean-
Pierre Meersseman, créateur de
cette démarche révolutionnaire
ayant consisté à réunir le secteur
athlétique et médical. Et, selon le
chiropracteur de Berlusconi (depuis
1977), ça marche : « Les accidents
musculaires ont chuté de 90 %sur la
période 2002-2006 comparée
à 1998-2002. »
MilanLab va désormais encore plus
loin. Appliquant la philosophie de la
chiropractie (traitement médical par
manipulations effectuées sur
diverses parties du corps), il
s’attaque au mental. Une « Mind
Room » a été créée à cet effet, il y a
six mois. En fonction depuis
décembre, cette « pièce de l’esprit »
lutte contre le stress des joueurs afin
d’améliorer leur rendement. Concrètement,
il s’agit d’une salle pouvant
accueillir six athlètes. Depuis une
régie centrale, un psychologue
envoie des images sur un écran placé
devant le sujet. Il observe ce que le
patient voit en même temps qu’il
note ses réactions sur un second
écran de contrôle.
« Le joueur se retrouve enguirlandé
commeun sapin de Noël », plaisante
Meersseman. Des électrodes placées
sur la tête, le ventre, le biceps et les
doigts du sujet allongé sur le dos
enregistrent un certain nombre de
données reproduites, notamment,
sur un électroencéphalogramme et
un électrocardiogramme.
À partir des informations récoltées,
un ordinateur définit les peurs,
sources d’augmentation de la production
d’adrénaline et du rythme
cardiaque. Puis les psychologues la
combattent avec les méthodes américaines
de la chiropraxie, des entretiens
psychologiques, de motivation
(individuel ou collectif), des techniques
de relaxation, de préparation
mentale…
Chevtchenko
a appris à gérer
son stress
Un exemple concret ? Chevtchenko
a reçu un terrible coup de coude de
Simone Loria (Cagliari), le 19 février
2005 (1-0 à San Siro). À quelques
centimètres près, il perdait un oeil.
Il s’en est tiré avec une double fracture
de la pommette et une peur du
duel aérien. Les images de son accident
lui ont alors été projetées pour
cibler la nature exacte de son stress.
Grâce au « Biofeedback », une
méthode expérimentale, l’Ukrainien
a appris à contrôler sa fréquence cardiaque
et sa respiration, ainsi que
son niveau d’anxiété avant et après
un match.
Avec MilanLab, la récupération ne se
situe donc plus au seul niveau physique,
mais aussi psychique. La
« Mind Room » anticipe également
l’usure mentale. Des tests standards
(d’émotivité, de bien-être, de personnalité,
graphologiques…) et
d’autres, propres ausportif, brossent
son profil psychologique. Les
réflexes, visuels ou auditifs, sont par
exemple étudiés. Aucun sujet testé
n’a obtenu les résultats de Chevtchenko.
Il perçoit tout et avant tout
le monde de façon innée. Cela se
vérifie dans sa capacité de réaction
sur un terrain.
De manière plus générale, ces tests
visent à juger la capacité d’insertion
familiale ou sociale. « Dès qu’il a un
problème, on sait exactement d’où il
part et où il va, assure Meersseman.
On veut tendre à un maximum
d’équilibre physique et mental. »
Il n’est pas rompu, même en
vacances. Avant de leur accorder la
plus longue trêve hivernale d’Italie
(onze jours), MilanLab s’était renseigné
sur la destination de ses joueurs
afin de leur concocter un programme
individualisé. Tous les entraînements
le sont déjà. Ceux qui sont
partis à lamontagne ont effectué un
travail de puissance et de force en
salle ; les autres, des courses sur la
plage et de la natation. Tous ont pu
pratiquer le tennis, le basket ou le
beach-volley. Seuls le ski et le ski
nautique, le surf, le snowboard et
l’équitation leur ont été déconseillés,
car trop usants pour les articulations.
Daniele Tognaccini, le préparateur
athlétique, résume : « Nos
joueurs savent désormais s’entraîner
seuls. »
Ils pourraient le faire au quotidien,
à terme. Un ordinateur calculera
leurs doses de travail en temps réel
via des électrodes sur leur corps. Une
étude sur les prestations physiques
et l’état mental des jeunes du club
est en cours. Réalisée avec l’université
de Louvain, elle vise à établir des
prévisions biologiques. Autant dire
que les six préparateurs physiques
sont déjà des techniciens du sport
passant trois heures par jour sur ordinateur.
Unautre programme, lancé par l’université
de Massachusetts, pourrait
permettre à moyen terme de modifier
la tactique grâce à des données
montrant à quel moment du match
l’adversaire fatigue. « Je rêve de calculer
laquelle utiliser en mettant en
équation toutes les données des précédents
matches de Lyon », avoue
Meersseman. À trop vouloir tout
contrôler, MilanLab nerisque-t-il pas
de créer des joueurs de PlayStation ?
« Ça pourrait être vrai, reconnaît le
Belge. Mais l’entraîneur et le joueur
décident toujours à la fin. Avant, un
tableau de bord indiquait le niveau
d’huile et d’essence. Aujourd’hui,
il intègre le GPS. C’est pareil avec
MilanLab, dont la philosophie
consiste à donner le plus d’éléments
possibles à l’entraîneur, qui reste le
chauffeur. C’est lui qui choisit la
route et la conduite à tenir. Plus il
aura de données, plus il aura de
chances de finir la course. Commeen
F 1, sauf que le football reste un art
où il y aura toujours de la place pour
la fantaisie. On ne pourra jamais
robotiser le jeu, juste le rationaliser
au maximum. » MilanLab y est déjà
arrivé.
L'Equiper
Aucun sujet testé
n’a obtenu les résultats de Chevtchenko.
Il perçoit tout et avant tout
le monde de façon innée. Cela se
vérifie dans sa capacité de réaction
sur un terrain.
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