par EL MAGNIFICO » 03 Déc 2003, 19:53
Histoire de l'Irlande
L'Irlande est le seul pays celte à n'avoir eu aucun contact important avec les romains, et hormis l'Écosse (qui s'est bien battue), le seul à ne pas avoir été colonisé et transformé par eux. Détail intéressant : à l'époque celtique, l'Irlande était peuplée au nord par les "Scots", et l'Écosse par les Pictes. Les Scots envahirent l'Écosse, lui donnant ainsi leur nom (Scotland), ce qui explique aussi que les langues gaéliques Irlandaise et Écossaise soient si proches.
L'Irlande - dont le nom latin était "Hibernia" - passa donc directement au Christianisme, avec l'aide d'un romain capturé en France au 5ème siècle et qui devait devenir St. Patrick. Aux 8ème et 9ème siècle, l'île fut envahie par les scandinaves et connut des rois danois. Puis, au 12ème siècle, le roi anglais Henry II Plantagenest envoya des troupes, composées en grande majorité de seigneurs normands et flamands installés au Pays de Galles. Ceux-ci ont donné naissance aux lignées de FitzGerald, FitzPatrick etc. (Fitz = Fils de, c'est du français !).
Ensuite, par vagues successives, les anglais ont colonisé le pays. Un des épisodes les plus brutaux a été l'équipée (sauvage !) de Cromwell qui, non content d'assassiner les rois anglais, voulait aussi décimer les Irlandais en commençant par les parquer dans une immense réserve située à l'ouest de l'île (C'est le Connacht, l'une des régions où on parle encore couramment gaélique de nos jours, et surtout où les panneaux routiers sont en gaélique).
À l'époque, les invasions successives avaient créé de nombreux types d'Irlandais, et les descendants des celtes se distinguaient par leur pauvreté. Mais les gouvernements anglais se plaignaient sans cesse que les colonisations ne rattachaient pas davantage l'île au royaume, mais ne faisaient que créer une nouvelle race d'Irlandais. Les notables d'Irlande tentèrent de se détacher encore davantage de l'Angleterre en 1782 en votant l'indépendance au parlement de Dublin. Une constitution fut rédigée garantissant un parlement indépendant (dit de Grattan, du nom du principal instigateur de l'indépendance).
Bien entendu, les Anglais ne voulurent rien savoir et décidèrent au contraire d'unir l'Irlande au Royaume en intégrant son parlement à celui de Westminster, par l'Acte d'Union proposé par le 1er ministre Pitt et voté en 1800. Ceci présentait un certain risque pour les Anglais puisque les députés Irlandais venaient désormais siéger à Westminster et pouvaient donc s'y faire entendre. Même si 100% des députés de l'île étaient protestants, (puisque les catholiques - qui votaient - ne pouvaient pas se faire élire !) ils n'étaient en effet pas nécessairement hostiles à l'indépendance.
Entre 1782 et 1800 eurent lieu de nombreuses choses, qui jetèrent les fondements des troubles actuels : création des "Irlandais Unis" (United Irishmen) par Théobald Wolfe Tone à Belfast (foyer de l'indépendantisme a l'époque !), fête de la Harpe au même endroit en 1792 - la harpe devient le symbole de la lutte pour l'indépendance - et en réaction, création de la société d'Orange par les protestants (en mémoire de Guillaume III d'Orange).
Wolfe Tone était allé demander à la Convention Française d'aider l'Irlande à battre les anglais. Les Français y allèrent deux fois (Hoche 1796 - Humbert 1798) qui se soldèrent par deux échecs et aboutirent à la mort de Wolfe Tone. En 1798, plusieurs soulèvements sont réprimés. Il en va de même en 1803 avec la tentative de Robert Emmet.
Au cours du 19ème siècle, les choses évoluèrent lentement en faveur des catholiques et des séparatistes (qui ne sont pas forcément identiques), grâce à Daniel O'Connell, premier député catholique qui allégea le taux de la dîme prélevée par les protestants. Plus tard, le mouvement des jeunes irlandais, qui se réclamait de lui, créa un drapeau tricolore pour la future Irlande libre, contenant du vert pour les nationalistes, de l'orange pour les loyalistes, séparés ou réunis par le blanc de la paix.
Vers 1850, l'exportation massive des denrées alimentaires vers l'Angleterre condamne les Irlandais à la famine. La population passera de 8.500.000 à moins de 4.000.000 (aujourd'hui encore, elle est de 3 millions pour la république et d'1,5 million pour le Nord). Cette dépopulation sera pour beaucoup dans le déclin de la langue gaélique.
En 1858, création aux USA de la Fraternité Républicaine Irlandaise (Irish Republican Brotherhood, ou I.R.B.), sorte de société secrète armée dérivée des United Irishmen de 1798. L'IRB s'installera ensuite en Irlande, de même que le mouvement fénian (terme dérivé du gaélique Fianna = Guerriers). Ce dernier essaie de lancer un soulèvement en 1867, mais l'Eglise le réprouvant, il fera long feu.
Charles Parnell, député protestant, prend la tête d'un groupe parlementaire réclamant une autonomie du pays (Home Rule). Pour obtenir gain de cause, les nationalistes gênent les débats aux communes en gardant la parole le plus longtemps possible, par exemple en lisant des passages de la Bible !
Gladstone, le 1er ministre anglais est favorable à ce projet de Home Rule qu'il présente plusieurs fois au parlement sans succès (1886, 1892).
En 1893, Douglas Hyde fonde la Ligue Gaélique, pour le renouveau de la langue celtique irlandaise qui avait quasiment disparu.
En 1898, c'est le centenaire du soulèvement de 1798, les esprits s'échauffent. James Connolly fonde le Parti Républicain Socialiste Irlandais.
Arthur Griffith prêche pour la résistance passive, dans un mouvement créé en 1902 qu'il appelle le "Sinn Féin" (= "Nous-mêmes" en gaélique, prononcer "Shine Fayne"). La Ligue Gaélique s'extrémise en incorporant une fraction armée.
De son côté, Patrick Pearse un jeune poète bourgeois prône la force au sein de la Fraternité Républicaine Irlandaise.
Ces différentes organisations ont des buts divergents. Contrairement au parti nationaliste classique, les députés du Sinn Féin qui seront élus par la suite ne voudront jamais aller à Westminster. Griffith est pour une monarchie irlandaise "à la hongroise". De son côté, Connolly refuse l'indépendance telle qu'elle est souhaitée par les nationalistes, qui ne ferait que maintenir les inégalités sociales, et demande d'abord une Irlande socialiste.
Par ailleurs, des divisions existent aussi au sein du parti nationaliste, même si elles s'estompent en 1900 sous l'action du député John Redmond.
En 1910, les élections législatives amènent un important groupe nationaliste à Westminster. Le gouvernement anglais doit se résoudre a proposer un nouveau Home Rule. Celui-ci devait être appliqué en 1914, mais fut "provisoirement" suspendu à cause de la guerre. En réaction au Home Rule, les loyalistes de l'Ulster (Carson et Craig) rédigèrent une constitution unioniste. Ceci s'accompagna de la création d'une milice unioniste : les volontaires d'Ulster.
De leur côté, les séparatistes créent en 1913 deux groupes armés :
- l'Armée Citoyenne Irlandaise (Irish Citizen Army), qui recrute essentiellement dans les milieux ouvriers, créée par Connolly, suite aux grèves de 1913 qui ont été sévèrement réprimées par la Bourgeoisie.
- les Volontaires Irlandais (Irish volunteers), sorte de façade visible de l'I.R.B. dirigée par Eoin McNeill.
En 1914, alors que le Home Rule est suspendu, les Volontaires Irlandais, infiltrés par les nationalistes, se divisent en deux tendances : une modérée et parlementariste (les Volontaires nationalistes fidèles à John Redmond) et l'autre radicale (dirigée par Pearse, Plunkett, MacDonagh).
En 1916 se produit le plus grand événement de la lutte pour l'indépendance de l'Irlande, celui qui devait amener la création de l'État Libre 5 ans plus tard, même s'il fut quant à lui un échec. Le jour du lundi de Pâques (24 avril) se produit une insurrection armée à Dublin menée par les Volontaires Irlandais. Ceux-ci prennent d'assaut le GPO (General Post Office = Poste Centrale) où ils proclament la République Irlandaise au nom d'un Gouvernement Provisoire. La proclamation est signée Thomas Clarke, Patrick Pearse, James Connolly, Sean Mac Diarmada, Thomas Mac Donagh, Eamon Ceannt et Joseph Plunkett. Par la même occasion les Volontaires Irlandais et l'Armée Citoyenne Irlandaise fusionnent et prennent le nom d'Armée Républicaine irlandaise (IRA). C'est un échec. Les rebelles capitulent le 29 avril. La répression anglaise est sans merci : Les chefs des insurgés sont tous exécutés : Pearse, Plunkett, Connolly... Ce dernier, blessé est fusillé assis. L'opinion publique internationale est scandalisée, surtout aux USA où existent de nombreux foyers irlandais. Ceci permet entre autres à un certain Eamon de Valera de ne pas être fusillé malgré sa participation à la tête de l'insurrection (il était de nationalité américaine).
Suite à ces événements, pratiquement toute la population devient hostile aux anglais, et quand ceux-ci veulent organiser la conscription des Irlandais pour les envoyer sur le front en 1918, un mouvement général de résistance passive s'organise, soutenu même par l'église !
Malgré la non représentativité de ce parti dans la population, et son absence totale de participation aux événements de 1916, les élections de décembre 1918 des députés irlandais plébiscitent le Sinn Féin (ce dernier est d'ailleurs noyauté par les Volontaires et l'I.R.B. à partir de 1917). Les députés indépendantistes ne se rendent pas à Westminster, mais à Dublin où ils se proclament Assemblée Nationale Irlandaise (Dáil Éireann) et élisent Eamon de Valera président du conseil. Celui-ci était à l'époque toujours en prison ainsi que 31 autres députés ! Le Dáil rétablit aussi la république qui avait été proclamée en 1916. Les Anglais ne reconnaissent pas cette nouvelle déclaration mais ne veulent pas déclencher une guerre. Ils se contentent dans un premier temps de combattre les indépendantistes par la police locale (Royal Irish Constabulary, ou R.I.C.).
La lutte contre la police et les institutions britanniques est spécialement le fait de la branche radicale des Volunteers, qui a gardé l'appellation d'I.R.A.. L'un de ses chefs, Michael Collins, responsable du renseignement après 1916, puis ministre des Finances du gouvernement illégal, est déclaré ennemi public numéro 1 et la récompense pour sa capture est montée à 10.000 livres ! De fait, Michael Collins, également membre influent de la Société secrète I.R.B. et conspirateur né, empiète largement sur les fonctions du ministre de la Défense Cathal Brugha. Quand Griffith, devenu président par intérim du Dáil suite à une tournée de de Valera aux USA, est arrêté, Collins le remplace temporairement, cumulant les fonctions dirigeantes de pratiquement toutes les institutions républicaines.
L'Irlande vit en fait sous un double régime. Les gens paient des impôts aux Britanniques et au gouvernement séparatiste. Les différends sont de plus en plus souvent réglés par des cours de justice clandestines, qui appliquent une impartialité reconnue même par les loyalistes.
En 1920, les Anglais envoient des détachements spéciaux de police pour combattre l'IRA dans de véritables actions de guérilla : ce sont les "Black and Tans", mercenaires recrutés dans les soldats démobilisés voire dans les prisons, et les "Auxiliaires" formés d'officiers d'élite. Tous deux sont restés célèbres pour leurs actions de représailles complètement arbitraires et dépassant toute mesure (incendie de Cork) et leur brutalité vis à vis de la population locale de manière générale.
La lutte s'intensifie en novembre 1920. Le 1er, un jeune étudiant " patriote " nommé Kevin Barry (18 ans) est exécuté. Le 21 (Bloody Sunday), Michael Collins et ses 12 "apôtres" parviennent à éliminer 14 agents secrets du MI6. En représailles, les Auxiliaires envahissent le même jour le stade de football de Croke Park en plein jeu et tirent sur les joueurs et le public. Le même mois, le maire de Cork, Terence Mac Sweeney meurt au bout d'une longue grève de la faim.
A la fin de l'année, le 1er ministre anglais Lloyd George proposa un nouveau projet de Home Rule. Les différences entre l'Ulster et le reste étaient tellement flagrantes qu'il paraissait nécessaire de créer deux états autonomes, a priori tous les deux sous la couronne britannique. Ce projet est voté sans enthousiasme à Westminster en décembre 1920, par un parlement d'où sont absents tous les nationalistes, lesquels refusent la partition. Début 1921, Lloyd George envoie l'armée en Irlande où s'intensifie la lutte contre l'I.R.A.. Néanmoins, avec un avantage numérique de 15 contre 1, les anglais ne parviennent pas à abattre cette armée insaisissable, ni à capturer Michael Collins.
Malgré tout, l'IRA s'épuise et le Sinn Féin finit par accepter de négocier. Alors que les anglais désirent rencontrer de Valera, celui-ci charge Arthur Griffith et Michael Collins de le représenter. Lloyd George accepte de reconnaître l'État du Sud comme indépendant du Royaume Uni, mais veut absolument qu'il reste dans le Commonwealth, et est intransigeant quant à l'existence de l'état du Nord(-est) et son rattachement au Royaume. Le parlement de ce dernier à Belfast avait d'ailleurs déjà été inauguré par le roi George V. Pour mieux permettre aux délégués du Sinn Féin de se décider, Lloyd George leur promet la guerre immédiate en cas de refus.
L'Irlande compte en tout 32 comtés. L'État Libre du Sud (Saorstat Éireann) - les Anglais ne veulent pas que ce soit une république mais un Dominion - est formé à partir des 26 comtés où se dégage nettement une majorité nationaliste et catholique, tandis que l'état du nord compte les 6 comtes protestants et loyalistes (encore que 2 d'entre eux étaient presque à dominante inverse). Ce dernier souvent appelé Ulster ne correspond pas exactement à la province du même nom, laquelle compte 3 comtés de plus (Donegal, Monaghan et Cavan) qui sont dans l'État libre.
Fin 1921, Collins et Griffith acceptent cette coupure de l'Irlande. Pour eux, c'est un compromis acceptable comme point de départ, ou plus précisément comme tremplin ("stepping stone") vers une réunification future (Collins pense même à envahir l'Irlande du Nord).
En Irlande, de Valera désavoue Griffith et Collins, bien que le nouveau Dáil issu des élections organisées par le nouveau Home Rule, puis la population entière ratifieront le traité.
L'État Libre est maintenant une réalité et Collins en est nommé chef du gouvernement provisoire. A ce titre, il prend officiellement possession du "Château" qui abritait le pouvoir anglais (vice-roi, services secrets, armée...) le 16 janvier 1922.
En juin 1922, l'IRA, qui est restée sensible aux idées de Connolly sur une Irlande sociale absolument pas représentée par le Sinn Féin, dénonce le traité et prend le maquis contre le gouvernement de l'état libre désormais présidé par Arthur Griffith. C'est la guerre civile.
L'IRA - rejointe pour l'occasion par de Valera - occupe les Four Courts, le palais de justice de Dublin. Du 28 juin au 5 juillet 1922, le bâtiment est bombardé par l'armée "régulière" irlandaise et complètement détruit. Cathal Brugha, ancien ministre de la Défense, nouveau chef de l'IRA, refuse de se rendre et sort, une arme à la main. Il est tué aussitôt.
Le 12 août, Griffith, épuisé, meurt d'une thrombose cérébrale. Le 22, c'est Collins qui est tué lors d'une échauffourée à Béal na mBlath, dans le West Cork, alors qu'il cherchait à joindre de Valera. Avec ces deux hommes modérés disparaît toute chance de règlement amiable. William Cosgrave (encore un ancien de 1916, mais pour qui les rebelles sont des bandits) du parti Fine Gael devient le nouveau président du conseil.
Le 16 décembre 1922, la constitution (rédigée par Collins avant sa mort) est votée. L'hymne national irlandais est "A Nation Once Again", dont les paroles sont en anglais.
Peu à peu, l'IRA faiblit alors que le gouvernement, alimenté en armes par les anglais tient bon. En avril 1923, Liam Lynch, le nouveau chef de l'IRA est tué. Le même mois, de Valera signe la suspension d'armes. L'IRA finit par suivre son ordre et rend en mai 23 les quelques armes qu'il lui reste.
La répression contre les rebelles est féroce, et l'État Libre désormais bien ancré à droite exécutera en 1923 plus de républicains que les Anglais de 1916 à 1923. On est loin des aspirations originelles de Connolly, de Pearse, et même de Collins ! La même année, l'Irlande adhère à la société des nations.
En 1925, de Valera revient à la politique en fondant le parti Fianna Fáil (Guerriers de la Destinée). Il a fini par reprendre à son compte les idées de Collins de modifier petit à petit de manière légale les clauses qui lui semblaient inacceptables dans le traité avec l'Angleterre en 1922.
En 1926, l'hymne national devient le chant gaélique "Amhrán na bhFiann" (Le chant du Soldat), dont le premier vers est assez ironiquement "Sinne Fianna Fáil" (Nous sommes les Guerriers de la Destinée).
En 1932, les élections amènent de Valera au pouvoir (comme président du Conseil). Il supprime aussitôt le serment d'allégeance à la Couronne. En 1937, la constitution de l'état libre est votée. L'État prend le nom gaélique d'Éire (ou Éirinn). La constitution est nettement d'inspiration nationaliste et catholique :
- Article 2 : le territoire national de l'Éire est l'île ENTIÈRE.
- Article 3 : provisoirement, les lois du Dail ne s'appliquent qu'aux 26 comtés du sud.
Ainsi, une réunification avec le Nord pourrait s'effectuer pratiquement sans modification constitutionnelle. Le Gouverneur britannique est prié de regagner Londres et est remplacé par le premier président de l'Éire élu : il s'agit de Douglas Hyde, protestant et ancien fondateur de la Ligue Gaélique. Ce n'est qu'en 1949, sous un nouveau gouvernement Fine Gael, que l'Éire devient une république (Poblacht na hÉireann) et quitte définitivement le Commonwealth, au grand regret du 1er ministre anglais d'alors, le travailliste Clement Atlee.
La PARTITION
Depuis 1921, il y a 2 Irlandes. L'une est un état du Royaume Uni, avec des boîtes à lettres rouges et des panneaux routiers triangulaires rouges et blancs, et l'autre une république parlant gaélique et anglais, avec les mêmes boîtes à lettres mais repeintes en vert et des panneaux routiers jaunes carrés copiés sur ceux des USA. Cet état des choses est connu sous le nom de "Partition".
L'état resté fidèle à la couronne est appelé Irlande du Nord, bien qu'il se situe en fait plutôt au nord-est de l'île. Par rapport au découpage millénaire de l'île en 4 provinces (Leinster, Ulster, Munster et Connacht), il correspond à l'Ulster privé de 3 comtés à majorité catholique. L'Irlande du Nord comprend, elle, les 6 comtes de Fermanagh, Tyrone, Derry, Antrim, Armagh et Down. Sa capitale est Belfast. En 1921 fut élu un parlement, que le 1er ministre provincial James Craig devait appeler "un parlement protestant pour un peuple protestant". La note était donnée.
L'Ulster avait en effet été peuplé très tôt par des protestants écossais (Plantation d'Ulster), et la création de l'état libre du sud avait provoqué une grande migration des protestants qui y vivaient ce qui avait encore accru le pouvoir de ceux-ci. Très vite, un savant découpage électoral a enlevé toute possibilité aux catholiques de réellement avoir accès au pouvoir politique. La police était protestante à 90% et bénéficiait de l'aide d'un corps de volontaires de la même obédience : les B Specials.
Ce n'est qu'en 1965 avec l'arrivée au pouvoir du capitaine Terence O'Neill, un libéral, que l'atmosphère changea. O'Neill rencontra plusieurs fois le premier ministre (Taoiseach) de l'Éire Seán Lemass. Le rapprochement entre les 2 Irlandes eut l'effet exactement opposé dans les faits en Irlande du Nord, où les deux camps tentèrent de gagner sans volonté réelle de collaboration interconfessionnelle.
On vit apparaître entre autres le pasteur fasciste Ian Paisley (unioniste) dont les discours polluent encore les pourparlers de nos jours. En 1966 se produisit le 1er assassinat qui devait démarrer l'ère de violence qui dure encore aujourd'hui. Cette violence se caractérise surtout par des actes de terrorisme perpétrés par les deux fractions armées rivales : l'IRA qui renaquit de ses cendres à cette occasion chez les nationalistes, et l'UDA (Ulster Defence Association) chez les loyalistes. A noter que l'IRA est interdite, mais pas l'UDA qui possède une façade politique, alors que celle des nationalistes est le Sinn Féin.
En 1969, une véritable guerre civile éclata dans la 2ème ville du pays, nommée Derry par les nationalistes, et Londonderry par les loyalistes (et donc c'est son nom officiel sur les cartes de tous les pays, sauf celles de l'Éire). A noter qu'elle a un 3ème nom - gaélique - : Doire Cholm Cille. L'émeute éclata dans le quartier catholique du Bogside en août et dégénéra en bataille sanglante. Le gouvernement anglais décida d'envoyer des troupes pour séparer les belligérants. Ces troupes sont encore la aujourd'hui. des reformes furent entreprises, dont la dissolution des B Specials, mais ce ne fut pas suffisant.
En décembre 1969, l'IRA connaît une première scission entre une branche dite « officielle » qui va s'orienter vers la lutte politique (tout en maintenant la lutte armée jusqu'en 1972) et une autre « provisoire » qui reste l'IRA que tout le monde connaît.
En 1971, le 1er ministre provincial Brian Faulkner demanda des mesures d'éclat au gouvernement anglais devant l'augmentation de la violence. Le 9 août 1971, 300 personnes soupçonnées de sympathie nationaliste furent arrêtées et emprisonnées sans jugement. La plupart d'entre elles sont encore derrière les barreaux et n'ont toujours pas été jugées ! Les premières relaxes datent de la fin des années 80 !
De 1969 a 1972, le quartier du Bogside était inaccessible aux forces loyalistes et constituait, sous la protection de l'IRA le "Free Derry". Le 31 janvier 1972, 14 manifestants pacifiques furent tués par un détachement de l'armée anglaise. Le 24 mars 1972, le gouvernement anglais décidait d'administrer directement la province, et annula tous les pouvoirs du parlement.
Lorsque l'IRA officielle renonce à la lutte armée en 1972, une partie de ses membres la quittent pour former une nouvelle branche armée nommée INLA.
Le 8 mars 1973, une majorité de 57% des électeurs d'Irlande du Nord demanda le maintien de la province dans le royaume uni. En 1980, le gouvernement anglais ayant annulé le statut spécial de prisonnier politique, plusieurs personnes entamèrent une grève de la faim, dont le député emprisonné Bobby Sands. Margaret Thatcher resta de marbre et plusieurs, dont Sands moururent. Cet événement regonfla l'électorat du Sinn Féin. Le 12 octobre 1984 à 2h54 du matin, l'IRA fit sauter l'hôtel abritant la convention du parti conservateur à Brighton, attentat auquel la Dame de Fer n'échappa que de peu.
Malgré ces éclats, la fin des années 80 permit le renouveau d'un dialogue entre les 2 Irlande. Ce n'est plus seulement une question de richesse ou de religion : la politique de l'Éire très conservatrice en matière de divorce ou d'avortement rebute une partie des nationalistes du nord. Dans cet esprit, l'élection en 1990 de Mary Robinson à la tête de l'Éire est très encourageante. Mary Robinson n'appartient a aucun des 2 grands partis nationalistes issus de la guerre d'indépendance (Fine Gael et Fianna Fáil), et son mari est protestant. De l'autre côté, le secrétaire d'État à l'Irlande du Nord, Peter Brooke est également ouvert. L'Éire devenant plus libérale, une réunification devient de plus en plus probable, d'autant que les méthodes de répression anglaises et/ou loyalistes choquent beaucoup dans une Europe ou même les régimes les plus autocratiques viennent de tomber.
Peut-être la victoire des travaillistes anglais aux élections du 1er mai 1997 apportera-t-elle cette nouvelle ? Cette même élection risque de modifier en Irlande du Nord l'équilibre entre les partis "nationalistes" : le Sinn Féin et le SDLP (Socialist Democratic Labour Party), ce dernier de nature plus réformiste et moins radicale que le premier.
R.I.P COLIN
La SPL c'est du LOURD@Beenie