La jeune femme qui avait porté plainte pour une prétendue agression antisémite dans le RER près de Paris, a avoué mardi avoir tout inventé.
Marie L. avait été convoquée dans l'après-midi dans les locaux de la police judiciaire à Cergy-Pontoise (Val d'Oise) et placée peu après en garde à vue, de même que son compagnon.
Comme l'espéraient les enquêteurs, qui doutaient de la véracité de son récit en raison de "fortes incohérences" et de sa personnalité fragile, la jeune femme a fini par avouer avoir menti, pour des motifs qui restent encore obscurs.
Elle devait être déférée plus tard au parquet en vue d'une probable mise en examen.
Selon la chaîne LCI, elle a mis en cause son compagnon, qui l'aurait aidée à conforter ce scénario d'une agression sur la ligne D du RER.
Après la vague d'indignation provoquée par l'annonce, vendredi, de cette "agression", des élus ont amorcé des regrets sur l'emballement politico-médiatique qui a suivi, notamment l'UMP Jacques Myard et le PS Julien Dray.
Policiers et magistrats avaient appelé dès lundi soir à la prudence sur le scénario et les mobiles de l'affaire.
Le ministre de la Justice, Dominique Perben, en visite à Strasbourg, avait insisté dans la matinée sur la nécessité de laisser les enquêteurs faire leur travail dans la sérénité.
Face à "l'emballement" médiatique, deux syndicats de police, Synergie et Alliance, avaient en premier préconisé la prudence.
Malgré les appels lancés par les autorités, aucun témoin direct des faits n'avait pu en effet être retrouvé sur la ligne D du RER parisien et les enquêteurs avaient relevé de nombreuses "contradictions" dans la déposition de la jeune femme.
Une soixantaine de policiers avaient effectué lundi des contrôles et interrogé sans succès des passagers à bord des trains dans le créneau horaire de l'agression, entre Louvres et Garges-Sarcelles, en direction de Paris.
"EMBALLEMENT MEDIATIQUE ET POLITIQUE"
De même, l'analyse des bandes vidéo des gares n'a pas permis de retrouver la trace d'éventuels agresseurs. Les enquêteurs ont également établi que Marie L. n'avait pas téléphoné sur son portable de la gare de Garges-Sarcelles, comme elle le prétendait, mais de Louvres, dans le Val d'Oise.
Le témoignage de deux proches de la jeune femme évoquant sa "manie de la persécution" a conforté la thèse des enquêteurs, d'autant que Marie L. avait porté plainte à cinq reprises ces dernières années pour des faits qui n'ont pas été confirmés.
Elle disait avoir été agressée par six jeunes hommes d'origines maghrébine et africaine qui, la croyant juive, auraient déchiré son jean au couteau avant de lui griffer le visage et de lui dessiner au feutre des croix gammées sur le ventre. Elle affirmait avoir vainement appelé au secours alors qu'une vingtaine de personnes capables de voir ce qui se passait se trouvaient dans la rame.
Après l'annonce de la garde à vue de la jeune femme, le Mrap a dénoncé les "propos irresponsables" des dirigeants politiques, associatifs ou communautaires qui ont profité, selon lui, d'une agression supposée pour "instrumentaliser l'antisémitisme".
Tout en dénonçant les agissements et comportements antisémites, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples déplore que cette affaire "ait jeté en pâture les populations des banlieues déjà stigmatisées".
Le député UMP Jacques Myard a dénoncé dans un communiqué "l'hystérie médiatique" et "l'hystérie politique" qui ont accompagné cette affaire et reproché aux hommes politiques de "vouloir épouser le rythme des médias".
"Le pouvoir est aujourd'hui partout sauf là où il devrait être (...) Que reste-t-il à nos ministres et présidents sinon le ministère des mots et le 'verba volent' ?" demande-t-il.
"Depuis le départ, il fallait prendre cette affaire avec circonspection", a dit pour sa part Julien Dray, porte-parole du PS. "Visiblement ça n'a pas été fait aux plus hauts sommets de l'Etat (...) Des informations ont été transmises sans qu'on ait pris le temps de les vérifier."
En revanche, le député communiste Maxime Gremetz a jugé "normal que les politiques réagissent en fonction des informations qu'ils ont": "donc je crois que ce n'est pas une faute du tout. J'aurais réagi exactement de la même façon."
Avant l'annonce des aveux de Marie L., le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin avait prôné la prudence tout en soulignant que cette agression "réelle ou virtuelle" a provoqué "une émotion authentique".
"Que cet événement soit réel ou soit virtuel, le fait qu'il soit crédible montre que la société doit rester vigilante en toute circonstance", a-t-il dit. "L'émotion qui a déclenché cette information (...) est, elle, une émotion authentique".
Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement, avait déjà défendu dans la matinée la même position, soulignant qu'il y avait en France une "explosion des actes racistes et antisémites" qu'il faut combattre.
"Au-delà de l'émotion considérable qu'un récit comme celui-là peut provoquer chez toute personne, il y a une réalité et cette réalité, quoi qu'il arrive, ne doit pas être dissimulée", a-t-il dit sur RTL.