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Le RN dans l’embarras après les propos racistes d’un candidat aux législatives : « Dans le binational, il y a des choses dangereuses »
Daniel Grenon, député sortant du Rassemblement national dans l’Yonne, a déclaré lors d’un débat que les citoyens français d’origine maghrébine ne doivent pas accéder aux postes ministériels. Son parti évoque une citation « erronée », pourtant confirmée par la bande sonore.
Le Rassemblement national (RN) se passerait bien d’un nouvel écart sur les binationaux. Tandis que Jordan Bardella se dépeint en représentant d’un « vrai front républicain » dans Le Figaro, mardi 2 juillet, c’est une tout autre tonalité que les fidèles de L’Yonne républicaine ont découverte, à la lecture du compte rendu du débat ayant opposé, la veille au siège du journal à Auxerre, le candidat du RN Daniel Grenon, arrivé en tête lors du premier tour des législatives avec 40,4 % des voix, et l’écologiste Florence Loury, candidate du Nouveau Front populaire. Tous deux s’affronteront en duel dans la 1re circonscription de l’Yonne, lors du second tour, dimanche 7 juillet.
Selon le quotidien créé à la Libération, Daniel Grenon a défendu la promesse de Jordan Bardella d’exclure des postes stratégiques de l’Etat les Français binationaux. Avant d’ajouter : « Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux. » Une petite ligne ouvertement raciste et discriminatoire, qui a fait bondir l’ancien député (Les Républicains, LR) Guillaume Larrivé, battu par le RN sur ces terres de l’Yonne en 2022, et le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, prompt à dénoncer le « racisme du Front national ». « Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas », a-t-il alerté sur X.
Cette entorse aux principes de la République intervient quelques jours après que le député (RN) sortant de Loir-et-Cher Roger Chudeau, a braqué les projecteurs sur la mesure que le parti de Marine Le Pen tâchait de faire oublier. Jeudi 27 juin, cet ancien inspecteur de l’éducation avait affirmé sur BFM-TV que les membres du gouvernement ne pouvaient être binationaux, en visant l’ex-ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem – elle est franco-marocaine. « Les postes ministériels doivent être détenus par des Franco-Français, point final », avait-il asséné, en supputant « un problème de double loyauté ».
Le soupçon de « double allégeance », marqueur puissant du RN
La sortie avait suscité de vives condamnations, dont celle de la principale intéressée, laquelle dénonce des propos « absolument insupportables » envoyant « un message simple à tous nos compatriotes d’origine étrangère qui est qu’on ne peut pas leur faire confiance ». Et elle avait poussé Marine Le Pen à recadrer son « M. Education », jusqu’à laisser planer son renvoi devant la commission des conflits du parti d’extrême droite, avant qu’il n’arrive en tête dimanche dans sa circonscription (49,7 % des voix). Le soir même, à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), interrogée sur sa mesure visant les binationaux, elle maintenait toutefois auprès du Monde : « Il n’est pas question de retirer une promesse parce qu’elle fait polémique. »
A six jours du second tour, le député (RN) sortant de la Somme Jean-Philippe Tanguy a fait aussitôt parvenir à la presse un message au nom de Daniel Grenon, afin de rectifier une citation « erronée » et « déformée » : « Ce que j’ai réellement dit est : “Des binationaux maghrébins comme Najat Vallaud-Belkacem sont arrivés au pouvoir et c’est très bien, mais ils n’ont parfois pas leur place dans certains postes en hauts lieux du fait de leur binationalité qui peut poser un problème d’allégeance.” Je reconnais et célèbre les contributions précieuses des binationaux à notre société. » Non sans condamner une « instrumentalisation de la gauche et de l’extrême gauche qui n’ont décidément rien d’autre à faire que de monter des polémiques ».
Contactée, la rédaction de L’Yonne républicaine confirme pourtant les propos tenus par Daniel Grenon. D’après la retranscription de la bande sonore, à laquelle Le Monde a eu accès, le candidat du RN ajoute même, à propos des « ministres » : « Le Maghrébin binational a sa place en France, mais dans les hauts lieux, je ne pense pas. On a besoin de protéger la France. »
« Dans le binational, il y a des choses dangereuses », affirme-t-il encore, en des termes qui renouent avec l’hostilité historique du parti de Jean-Marie Le Pen contre les Français dotés de deux passeports. « Je ne suis pas du tout un raciste, j’ai peut-être confondu un mot, se défend Daniel Grenon. C’est la gauche qui m’attaque, qui fout le bazar. »
Mardi soir, Mani Cambefort, le chef de file des socialistes dans l’Yonne, a annoncé avoir saisi le procureur de la République après les propos de Daniel Grenon. « Ces propos sont clairement racistes, ils tombent sous le coup de la loi, a-t-il écrit sur son compte X. Nous ne laisserons rien passer. Jamais. La République ne reconnaît que des Français, tous égaux. »
Jusqu’en 2022, Marine Le Pen a toujours défendu l’abrogation de la binationalité, avant de l’abandonner après un déjeuner confidentiel avec l’essayiste Rachel Khan, à l’identité « afro-yiddish ». En janvier, le RN avait déposé une proposition de loi pour graver dans la Constitution la possibilité d’exclure les binationaux de toutes les administrations et entreprises publiques… jusqu’à l’actuelle campagne législative. Le 25 juin, Jean-Philippe Tanguy a décrété ce champ très large « caduc » sur France Inter, tout en assumant de traiter différemment les Français dotés de deux nationalités, au nom d’un soupçon de « double allégeance », un marqueur puissant de l’extrême droite.