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Le Nouveau front populaire est déjà dépassé, avançons vers une social-démocratie populaire !
A la veille des universités d’été du Parti socialiste, qui se tiendront à Blois entre le 29 et 31 août, plusieurs membres du conseil national appellent à battre Olivier Faure et à briser l’alliance avec les partenaires de gauche.
La gauche sociale-démocrate est à la croisée des chemins. Le formidable sursaut républicain des dernières élections législatives offre à la France et à la gauche un sursis, dans l’attente d’une offre politique capable de faire reculer l’extrême droite. Les derniers balbutiements du macronisme ne peuvent nous empêcher de trancher aujourd’hui la question existentielle qui nous traverse : s’arc-bouter dans une alliance vampirisée par une gauche infréquentable, ou prendre le pari, certes ambitieux mais nécessaire, de reconstruire une grande force sociale-démocrate, populaire et de rupture.
Le programme du Nouveau Front populaire ne peut être un point de départ pour la gauche. Les enjeux en matière d’emploi, de sécurité, de réforme de l’Etat n’y sont pas sérieusement traités. Et que dire du gouffre qui nous sépare sur la laïcité ou sur la question européenne ! La stratégie adoptée ne peut pas non plus nous correspondre. Défenseurs d’une profonde réforme institutionnelle et d’une reparlementarisation, comment justifier ces vieux réflexes de la Ve République au soir des résultats, revendiquant une victoire factice et refusant l’ouverture au dialogue et au compromis qui devaient pourtant s’imposer ?
Il faut changer la gouvernance du PS
Nous sommes socialistes, sociaux-démocrates, fervents soutiens de Raphaël Glucksmann et du cap clair théorisé lors des élections européennes. Nous aspirons à un changement de gouvernance du Parti socialiste autour de Michaël Delafosse, Carole Delga, Hélène Geoffroy, Karim Bouamrane, Rachid Temal et d’autres. Pour retrouver la confiance de nos électeurs, ceux des villes et des campagnes, des classes ouvrières et des classes supérieures.
La social-démocratie populaire devra parler à tous, faire des ponts plutôt que des fronts, des majorités de projet plutôt que des minorités de blocage. Elle devra stopper la déliquescence de nos services publics et proposer un plan d’investissement massif dans l’éducation, la santé, le régalien, les transports, en anticipant les mutations de notre société. Répondre au sentiment d’abandon, de colère, mais surtout répondre à l’espérance qui subsiste. Elle devra se réapproprier la laïcité, la chérir, la défendre, la renforcer et marquer son refus avec le communautarisme. Oser affirmer que l’abaya n’est pas un vêtement «comme les autres», cela doit être le langage de la gauche afin de préserver ce qu’elle a créé de plus universel et égalitaire pour notre société. Parler de sécurité n’est pour nous ni tabou ni polémique, il nous faut au contraire être offensifs en rétablissant les polices de proximité supprimées par la droite, car la prévention est un pilier essentiel dans la lutte contre la délinquance.
La social-démocratie populaire devra assumer son rôle de régulation du libéralisme économique, proposer des solutions aux millions de travailleurs confrontés à une baisse de leur pouvoir d’achat, alors qu’en 2022 les PDG du CAC40 ont, d’après Oxfam, en moyenne gagné 130 fois plus que leurs salariés. Elle devra réduire les inégalités par la suppression d’un certain nombre de niches fiscales. Les enjeux de l’économie de demain sont liés aux investissements dans la transition énergétique, susceptibles d’être financés par une meilleure répartition des richesses. Cette dernière doit être plus contraignante écologiquement, par le rétablissement d’un impôt sur la fortune basé sur l’empreinte carbone pour les 10 % les plus riches, qui est 7 fois supérieure aux 10 % les plus pauvres.
La social-démocratie populaire, c’est aussi une gauche encore convaincue de la valorisation du mérite, du travail, de l’indispensable remise au goût du jour de l’ascenseur social et de la nécessité d’en finir avec la reproduction sociale automatique de ce qu’on appelle communément «les élites». Retrouver un discours sur les enjeux du travail et de l’emploi impose d’être prêts à décloisonner les grandes écoles, favoriser la mobilité de ceux qui n’en ont pas les moyens, de lier parcours professionnel et pénibilité afin de provoquer un big-bang de l’emploi des seniors, de redéfinir précisément avec les syndicats et par accords de branche les repères des progressions salariales afin de faire évoluer plus rapidement les travailleurs embauchés au smic. Nous l’affirmons : croire en la valeur travail, vectrice d’intégration à la société dans sa dimension collective et de contribution au modèle social, passe par une revalorisation de la valeur du travail impossible sans le concours des forces syndicales. Notre responsabilité est de répondre aux attentes des syndicats, car le cri d’appel de Marylise Léon, présidente de la CFDT, est sans appel : «Quand va-t-on enfin entendre la forte aspiration des travailleuses et des travailleurs au respect, à la dignité, au travail “bien fait” – quels que soient leur statut, leur origine, leur genre, leur territoire ?»
La gauche doit sortir de l’outrance et de la radicalité
La social-démocratie populaire défendra enfin, avec force, son attachement à la construction européenne. Oui, un tournant social européen est nécessaire. L’investissement dans les grands enjeux de notre société tels que l’écologie, les transports, les services publics, ou encore l’emploi sont rendus possibles par notre appartenance à l’Union européenne et doivent encore être développés. L’écologie, les transports, la défense sont des sujets européens et internationaux nécessitant une action supranationale. L’instabilité du contexte géopolitique nécessite de marcher sur deux jambes : un enjeu de sécurité intérieure, et un enjeu de défense européenne.
Autour de ces quelques grands principes, nous souhaitons la reconstruction d’une nouvelle force politique social-démocrate élargie, répondant ainsi à l’appel de Raphaël Glucksmann de créer une Confédération sociale-démocrate. Nous ne pouvons nous résoudre à ce que la gauche reste enfermée dans la radicalité et l’outrance, il nous faut sortir des équilibres actuels afin d’en finir avec les alliances à la hâte, législative après législative, préservant les positions déjà acquises. Nous serons de toutes les initiatives qui iront en ce sens. Nous devons en finir avec les compromissions, avec les négociations en catimini et la grande confusion des valeurs, afin de retrouver notre boussole. Nous appelons, enfin, l’ensemble des sociaux-démocrates à franchir le pas d’une adhésion au Parti socialiste, afin de déposer dans l’urne le bulletin qui fera battre Olivier Faure ou son représentant lors du prochain Congrès qui s’annonce, et dire stop à l’alliance des contraires. Et oui à une social-démocratie populaire responsable, cohérente, lucide et universelle.
Libération