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Ambiance de guerre entre le Guyana et le Venezuela au sujet de l'Essequibo et ses énormes réserves de pétrole
Considérant la démarche du Venezuela comme une « menace imminente », le président du Guyana a indiqué que ses forces armées étaient en « alerte totale ». Limitrophe du Brésil et de la Guyane française, le pays enregistre à ce jour la croissance de pétrole brut la plus forte au monde.
À couteaux tirés. En Amérique du sud, les tensions entre le Guyana et le Venezuela n'ont jamais été aussi fortes qu'aujourd'hui. En cause, la volonté du président vénézuélien Nicolas Maduro, qui a ordonné l'octroi de licences pétrolières dans l'Essequibo, région sous administration guyanienne (125.000 habitants des 800.000 Guyaniens en 2012) et riche en pétrole et où l'on parle anglais. Une démarche que le président du Guyana Irfaan Ali a interprété comme « une menace directe » ce mardi soir. Attribuée au Guyana par une décision arbitrale de 1899, ce territoire de 160.000 km2, représentant les deux tiers de la superficie du pays, a avivé la convoitise du Venezuela depuis que du pétrole y a été découvert par le groupe américain ExxonMobil en 2015. Une nouvelle et importante découverte d'or noir a aussi eu lieu le mois dernier dans la région, ajoutant aux réserves du Guyana au moins dix milliards de barils, soit plus que celles du Koweït.
Référendum
Cet échange tendu entre les deux pays survient alors que le Venezuela a organisé ce dimanche un référendum sur l'Essequibo. Selon les chiffres officiels - contestés par de nombreux observateurs - quelque 10,4 millions d'électeurs vénézuéliens y ont participé, et 95% se sont dits favorables à l'intégration de la zone à leur pays. Surfant sur cette « victoire », Nicolas Maduro a ordonné ce mardi au géant public pétrolier PDVSA d'accorder des licences d'exploitation de pétrole et gaz dans la région de l'Essequibo. Le président vénézuélien a également proposé que le pays se dote d'une loi spéciale interdisant la signature de contrats avec des entreprises travaillant dans le secteur en vertu de concessions accordées par le Guyana. Nicolas Maduro a évoqué un délai de trois mois donné à ces sociétés pour se retirer de la zone « à délimiter », tout en se disant toutefois « ouvert à la discussion ». Lire aussiPétrole : Lula confirme que le Brésil va rejoindre l'Opep+ Il aussi demandé de faire en sorte que soit promulguée une loi pour créer la province du Guayana Esequiba, qu'un recensement y soit conduit et que des cartes d'identité soient délivrées aux habitants. Le président vénézuélien a néanmoins appelé à « un accord diplomatique, juste, satisfaisant pour les parties et amical », tout en affirmant que son pays allait « récupérer » l'Essequibo où de vastes gisements de brut ont été découverts en 2015. Le Guyana en « alerte totale » Le président guyanien n'a pas attendu longtemps pour réagir, prononçant une allocution exceptionnelle à la nation ce mardi soir en fin de soirée. « Il s'agit d'une menace directe pour l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Guyana (...) Le Guyana considère cela comme une menace imminente (...) intensifiera les mesures de précaution pour sauvegarder son territoire », a-t-il déclaré. « J'ai parlé ce soir au secrétaire général des Nations unies et à plusieurs dirigeants pour les alerter de cette évolution dangereuse et des actions désespérées du président Maduro qui mettent en péril le droit international et constituent un risque important pour la paix et la sécurité internationales », a-t-il ajouté.« Nous demandons instamment au président Maduro de revenir sur ses erreurs et d'agir et de se comporter en conformité avec le droit international », a-t-il lancé, soulignant que les forces guyaniennes étaient en « alerte totale ». « Le Venezuela a rejeté le droit international, l'Etat de droit, la justice (...) ainsi que la préservation de la paix et de la sécurité internationales et s'est littéralement déclaré une nation hors-la-loi », a-t-il insisté. Le Guyana prêt à saisir la Cour internationale de justice La Cour internationale de justice (CIJ), plus haute instance judiciaire de l'ONU, dont le Venezuela ne reconnaît pas la compétence dans cette affaire, avait ordonné vendredi dernier au gouvernement vénézuélien de « s'abstenir de toute action susceptible de modifier la situation » dans l'Essequibo, et aux deux parties de « s'abstenir de toute action susceptible d'aggraver ou d'étendre le différend ». Lire aussiEnergie : le pétrolier américain Chevron met la main sur son compatriote Hess Ce mardi, le procureur général guyanais Anil Nandlall a déclaré qu'il saisirait le Conseil de sécurité de l'ONU en cas d'aggravation de ce différend avec le Venezuela. Il a averti que le Guyana invoquerait les articles 41 et 42 de la Charte des Nations unies, qui habilitent le Conseil de sécurité à prendre des mesures militaires et à appliquer des sanctions. Celui-ci peut autoriser l'utilisation des forces armées par les États membres pour contribuer à l'exécution des ordonnances de la Cour. Pékin temporise Du côté international, Pékin, allié de Caracas, a demandé aux deux pays de résoudre leur différend « de manière correcte ». « La Chine a toujours respecté la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les pays », a déclaré Wang Wenbin, porte-parole de son ministère des Affaires étrangères. La Chine « a toujours soutenu le Venezuela et le Guyana pour qu'ils résolvent de manière correcte les questions relatives aux délimitations des frontières », a ajouté le haut fonctionnaire chinois, car cela répond « aux intérêts des peuples des deux pays et favorise également la stabilité, la coopération et le développement en Amérique latine et dans la région des Caraïbes », a-t-il ajouté. Haro sur l'or noir guyanien Le Guyana dispose des plus importantes réserves de pétrole par habitant au monde. Limitrophe du Brésil et de la Guyane française, le pays enregistre à ce jour la croissance de brut la plus forte au monde. Fin octobre, le Guyana a annoncé une découverte « significative » de pétrole dans ses eaux territoriales revendiquées par le Venezuela voisin, et autorisé huit compagnies pétrolières à procéder à des forages. ExxonMobil a en effet découvert un important réservoir d'hydrocarbures dans la région de l'Essequibo. Avec ses partenaires Hess et CNOOK, le géant pétrolier américain a depuis 2015 découvert 46 réservoirs au large des côtes du Guyana, dont quatre depuis le début de l'année. Le Guyana, ancienne colonie britannique, affirme que l'actuelle frontière maritime avec le Venezuela se base sur une décision d'une cour d'arbitrage de Paris datant de 1899. Un verdict jamais accepté par Caracas, qui affirme que le fleuve Essequibo constitue une frontière naturelle reconnue comme telle depuis l'indépendance vis-à-vis de la couronne d'Espagne au début du 19e siècle. Le différend est porté devant la Cour internationale de justice de La Haye. Le vice-président guyanais Bharrat Jagde a autorisé fin octobre, après appels d'offres, huit compagnies pétrolières à effectuer des forages au large de l'Essequibo. Parmi elles, TotalEnergies, en partenariat avec Qatar Energy et la société malaisienne Petronas, mais également International Group Investment, basée au Nigeria, Liberty Petroleum Corporation, Hess et ExxonMobil, basées aux Etats-Unis, China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et SISPRO, basée au Guyana. Chaque société devra payer une prime de signature de 10 millions de dollars dans le cas d'exploration de blocs en eaux peu profondes et de 20 millions de dollars dans le cas d'exploration en eaux profondes. Des appels d'offres qualifiés « d'illégaux » par le Venezuela. Lire aussiVenezuela : Washington autorise le retour de Chevron sur le plus grand champ de pétrole au monde Par ailleurs, le 23 octobre 2023, l'Américain Chevron a annoncé l'acquisition du groupe pétrolier new-yorkais Hess, dans le cadre d'une transaction entièrement en actions de 53 milliards de dollars (près de 50 milliards d'euros). En faisant cette acquisition, Chevron entend se renforcer face à son rival Exxon Mobil sur deux marchés : la production de pétrole à base de schiste argileux et l'extraction en Guyana. Conflit de frontière Sur le plan géographique, Caracas revendique depuis des décennies l'Essequibo (parfois appelé Guayana Esequiba), territoire de 160.000 km2 représentant plus des deux tiers du Guyana et où vivent 125.000 personnes, soit un cinquième de sa population. Le Venezuela soutient que le fleuve Essequibo doit être la frontière naturelle, comme en 1777 à l'époque de l'empire espagnol. Le Guyana estime, de son côté, que la frontière date de l'époque coloniale anglaise et a été entérinée en 1899. Le Venezuela possède pour sa part les plus importantes réserves prouvées de la planète. Mais les demandes sont devenues pressantes depuis la découverte des ressources pétrolières. (Avec AFP)
La Tribune