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Economie verte
Climat : l’Union européenne est bien placée dans la course mondiale à la transition énergétique
Si la Chine mène la compétition mondiale vers les technologies zéro carbone comme les énergies renouvelables ou les véhicules électriques, les 27 décarbonent rapidement leur économie, comme les Etats-Unis, estime un rapport publié mercredi.
par Coralie Schaub
publié aujourd'hui à 0h00
Le monde est entré dans une nouvelle ère industrielle basée sur les «technologies zéro carbone» et la Chine mène la compétition mondiale qui s’est engagée pour en capter les principaux marchés, talonnée par l’Union européenne et les Etats-Unis. Tel est, en substance, le constat dressé par le groupe de réflexion bruxellois Strategic Perspectives, dans un rapport publié ce mercredi.
Celui-ci compare pour la première fois les données existantes concernant les principaux secteurs de la transition énergétique et industrielle (énergies renouvelables, véhicules électriques, pompes à chaleur…) dans cinq grandes économies : la Chine, l’Union européenne, les Etats-Unis, le Japon et l’Inde.
Première conclusion : «Tous les pays cherchent à se positionner dans la course» aux technologies décarbonées. Une tendance largement stimulée par les politiques publiques mises en place, qu’il s’agisse du Pacte vert européen, du quatorzième plan quinquennal chinois, de la Loi sur la conservation de l’énergie en Inde, de la Stratégie de croissance verte au Japon ou, plus récemment, en 2022, de l’«Inflation Reduction Act» (IRA) aux Etats-Unis. Ces politiques climatiques, devenues de véritables stratégies industrielles, ont «significativement renforcé la compétitivité» de ces pays ou groupes de pays, mais aussi leur «sécurité énergétique et leur prospérité économique future», estime le rapport. Et de mettre en avant le «potentiel de création de millions d’emplois qualifiés». Rien que dans le secteur des énergies renouvelables, le potentiel de création d’emplois s’élève à 42 millions dans le monde d’ici 2050, soit quatre fois plus qu’aujourd’hui, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables.
Les investissements mondiaux dans les technologies zéro carbone «croissent à un rythme sans précédent», tiré par les renouvelables et l’électrification des véhicules, de sorte qu’ils «vont dépasser en 2023 les investissements dans les énergies fossiles», souligne le centre de réflexion. «Les pays qui manquent cette opportunité ne participeront probablement pas à cette nouvelle ère industrielle et risquent de dépendre fortement du gaz, du charbon et du pétrole, une option coûteuse économiquement et politiquement», avertit-il.
La moitié des véhicules électriques circulent en Chine
Pour l’heure, donc, c’est la Chine qui mène la danse. Et ce «dans la plupart des domaines» analysés. Elle comptait à elle seule pour 55% des nouvelles capacités d’énergies renouvelables installées dans le monde en 2023. Plus de la moitié de tous les véhicules électriques circulant en 2022 sur la planète le faisaient sur des routes chinoises.
Le pays est le plus avancé au monde en matière de production de panneaux solaires photovoltaïques, de turbines pour éoliennes et de piles au lithium pour batteries et assure 60% de la production mondiale de l’ensemble des technologies zéro carbone. Avec, à la clé, la création de «millions d’emplois». Il contrôle aussi une bonne partie de la chaîne d’approvisionnement en composants nécessaires aux industriels du reste du monde, rendant ces derniers dépendants des fournisseurs chinois.
L’UE pionnière des pompes à chaleur
Ceci dit, «malgré l’avance de la Chine, les autres économies rattrapent vite leur retard et deviennent même directement compétitives», remarque le rapport. L’Union européenne décarbone ainsi rapidement son économie. L’électricité solaire et éolienne comptait pour 22% du mix électrique de l’Union en 2022, dépassant le gaz (20%) et le charbon (16%). Rapportée au nombre d’habitants, l’utilisation des véhicules électriques y est aussi plus développée qu’ailleurs. Et l’UE occupe la première place mondiale en matière d’investissement et de déploiement des pompes à chaleur, qui remplacent rapidement les chaudières à gaz, à charbon et au fioul.
Le Pacte vert européen de 2019 «a été lancé au bon moment pour permettre de renforcer la position de l’Europe dans la course à la neutralité carbone de la nouvelle ère industrielle et accélérer la transformation de son économie», jugent les auteurs du rapport. Ce texte ambitieux pourrait devenir «la meilleure réponse stratégique face aux multiples crises auxquelles l’Europe doit faire face, en améliorant sa sécurité énergétique, restaurant sa compétitivité et protégeant les ménages contre la flambée des factures d’énergie». Mais pas question pour autant pour l’UE de se reposer sur ses lauriers, a martelé Neil Makaroff, le directeur de Strategic Perspectives lors d’une conférence de presse. Pour ce dernier, «il est temps de transformer le Pacte vert en un plan de réindustrialisation massif», en mettant l’accent sur la construction d’usines de production de panneaux solaires, de batteries électriques et de pompes à chaleur.
Les Etats-Unis devrait «défier le leadership»
Car les Etats-Unis sont eux aussi bien placés dans la course. Ce sont eux qui sont les champions de l’innovation, grâce à un investissement massif dans la recherche et développement, au coude-à-coude avec la Chine en matière de montant total dépensé et avec le Japon si l’on prend en compte les investissements par habitant. L’IRA lancé par le président démocrate Joe Biden «devrait défier le leadership de la Chine et pourrait permettre aux Etats-Unis de dépasser l’UE en termes d’investissements, d’emplois et de part des énergies renouvelables dans la production d’électricité», avertit le rapport.
Bien qu’investissant beaucoup dans l’innovation si l’on rapporte les sommes dépensées à sa population, le Japon pourrait de son côté «être bien plus compétitif s’il se consacrait pleinement à la transition énergétique en sortant de la production de charbon et en instaurant davantage d’incitations fiscales pour favoriser le déploiement des pompes à chaleur pour le chauffage et la climatisation», remarquent les auteurs. Quant à l’Inde, elle entend trouver sa place dans la compétition internationale et «fait des progrès en incorporant le solaire et l’éolien dans sa production», leur part ayant presque doublé depuis 2017, passant de 5% à 9%. Reste à aider cette économie émergente à investir davantage dans sa transition énergétique.
Les technologies zéro carbone «ont le potentiel pour remplacer les énergies fossiles plus vite que certains ne pourraient le penser, conclut Linda Kalcher, la directrice exécutive de Strategic Perspectives. Cela veut dire que fixer des dates ambitieuses de sortie des énergies fossiles lors de la COP28 [la conférence onusienne sur le climat qui doit avoir lieu aux Emirats arabes unis début décembre, ndlr] mais aussi au niveau national, ce ne serait pas qu’une simple aspiration, mais cela refléterait la direction dans laquelle les principales économies vont déjà.»