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Qui est Marcell Jacobs, le champion olympique du 100 m surprise de Tokyo ?
Elevé seul par sa mère
L'histoire de Lamont Marcell Jacobs, de son nom complet, a démarré aux Etats-Unis, à El Paso (Texas). Sa mère quitte l'Italie à 16 ans pour suivre un soldat américain passé dans la péninsule. Seulement trois semaines après la naissance de Marcell Jacobs, le père est affecté en Corée du Sud. C'est la fin de l'idylle et le retour de la mère et du fils en Italie.
L'absence de son père a longtemps marqué la vie de Marcell Jacobs, jusqu'à une prise de contact cette année. Plus jeune, le jeune Marcell partage sa vie entre sa mère et le sport. "Il ne savait pas marcher, il glissait déjà, raconte sa mère Viviana au Corriere della Sera. Les vélos et les mobylettes le rendaient fou. Il a tout essayé, de la natation au basket. Je voulais qu'il découvre une passion. Je voulais aussi qu'il se fatigue, parce qu'il n'arrêtait jamais de bouger, même quand il dormait."
Un sauteur en longueur qui explose en sprint à 26 ans
Marcell Jacobs se dirige finalement vers l'athlétisme, où ses qualités s'expriment d'abord au saut en longueur. Lors d'un meeting de jeunes, il attire même l'oeil de Carl Lewis. Ses records personnels : 7.95 m en plein air (en 2016), 8.07 m en salle. Des blessures répétées l'orientent vers le sprint où son ascension est loin d'être fulgurante. Jusqu'à cette année, l'Italien n'était jamais descendu en-dessous des dix secondes. En 2019, aux Mondiaux de Doha, il assiste au sacre de Christian Coleman depuis les tribunes, après avoir échoué à se qualifier en demi-finales. Difficile, devant son chrono en 10"20, de l'imaginer monter au sommet du podium à Tokyo deux ans après.
Sa conquête du titre olympique a été un sprint. Pendant cette année supplémentaire d'olympiade, Marcell Jacobs travaille. Sur son corps avec son coach (Paolo Camossi, ancien champion du monde en salle du triple saut) mais aussi son esprit, avec l'aide d'une préparatrice mentale. Nicoletta Romanazzi l'amène à reprendre contact avec son père, pour le libérer d'un poids. "L'énergie que vous gagnez quand vous brisez un mur est incroyable, expliquait-il au Corriere della Serra avant les Jeux. Je le haïssais pour son absence, mais j'ai changé de perspective. Il m'a donné la vie, ces muscles, cette vitesse. Avant quand une course se passait mal, j'accusais les autres, la malchance, la météo. Aujourd'hui, j'ai compris que mes résultats ne dépendaient que de moi."
En mai 2021, il signe son premier chrono sous les dix secondes avec un record d'Italie à 9"95. Rebelotte à Monaco, début juillet, en 9"99. Il reste loin des meilleurs, avec seulement le 25e meilleur chrono de l'année. Mais Jacobs passe un nouveau cap au Japon et fait descendre son record personnel à 9"94 lors des séries de ces JO. En demi-finales, il s'offre le record d'Europe en 9"84. L'Italien peut-il aller encore plus haut ? Oui. En finale, quatre centièmes de moins le propulsent au sommet de l'Olympe.
Le premier européen sacré depuis 1992
"C’est un rêve tellement grand. je ne réalise pas, a réagi Marcell Jacobs après sa victoire. Ce n’est pas un rêve, c’est la réalité. C’est incroyable. Je me suis dit 'Tu es en finale, va à fond, cours vite'." Cette recette fait de lui le successeur du Jamaïcain Usain Bolt, triple champion olympique en titre, et du Britannique Linford Christie, dernier européen sacré à Barcelone en 1992. Jamais l'Italie n'était montée sur un podium olympique sur 100 m, Marcell Jacobs l'a emmenée au sommet.