JPP REVIENS a écrit:Peut être toi aussi dans un cadre douillet et confortable ?
C'est un point essentiel (pas ma situation personnelle, mais les situations personnelles, tant d'un point objectif que subjectif).
Je suis avant tout privilégié en tant que fonctionnaire, qui touche sa paye quoi qu'il arrive et ne craint pas le chômage (en tout cas pour l'instant, il y a des précédents en Grèce, mais pas en France). Le confinement me fait même réaliser des économies. Je gagne un peu moins (heures d'interrogations, jury), mais j'économise davantage (bar, concerts, opéra, vacances annulées et remboursées). J'imagine que tu es dans une situation comparable, bien que non fonctionnaire.
Indépendamment des situations réelles dans lesquelles nous nous trouvons, nous ne réagissons pas de la même façon et cela rend la situation plus ou moins supportable.
Je n'ai pas peur de la mort, ni de la mienne, ni de celle de mes proches, donc pas de panique de ce côté là.
Comme je l'ai expliqué en début de confinement, je me retrouve confiné avec une personne âgée cancéreuse (ma mère), une personne dépressive (ma soeur) et trois enfants de 11 à 15 ans, le premier étant un ado plutôt moins chiant que la moyenne, le deuxième atteint de TDAH, et le troisième hyper-nerveux et parlant de se suicider à chaque fois qu'il est en contact avec son père, un champion de perversité narcissique. J'aide à faire tourner tout ça, je fais les courses, veille aux devoirs avec les autres adultes (grande autonomie de l'ainé, absence totale d'autonomie pour les deux autres).
Je suis donc dans une situation non choisie, avec des enfants pas faciles qui ne sont pas les miens. Ca se passe plutôt pas mal, mais ça prend du temps et je vivrais évidemment le confinement de manière totalement différente si j'étais seul. Objectivement, si cela a un sens, ma liberté est considérablement plus entravée que celle de beaucoup de gens. Pourtant, je n'en souffre pas. Je fais simplement ce que j'estime devoir faire, sans fierté ni aucun sentiment de mérite particuliers et je tiens, bien, grâce à un pessimisme radical (l'absence d'espoir est bien moins désespérante que l'espoir, à mon avis). Et donc, subjectivement car c'est cela qui compte, ma situation humaine n'est pas difficile.
On est dans une situation du "moindre mal". Le confinement n'avait pas vocation à stopper l'épidémie, simplement à diminuer sa pénétration sur le territoire pour permettre au système de se préparer à une gestion organisée de la pandémie. Si nous maintenant un confinement aussi sévère (bien plus sévère que la majorité des autres Etats), c'est que le système n'est toujours pas prêt ou qu'on ne le considère pas prêt.
Oui, c'est pour cela qu'il n'y a pas de bonne solution, seulement des solutions qui, avec, qui plus est, une incertitude gigantesque due à la non stabilité des modèles mathématiques, oscillent entre Charybde et Scylla. La liste du camarade
Glace Froide est, je pense, pertinente. Notre société n'est pas armée pour choisir entre le principe de précaution relativement à la mort devenue inacceptable et l'économie.
Ce que ne n'imagine pas du tout, c'est l'ampleur de la crise économique et sociale qui succédera à la crise sanitaire, et qui commencera d'ailleurs avant la fin de celle-ci. Je pense que les temps qui viennent sont très incertains. Il est possible, notamment, qu'ils accélèrent le déclin de notre civilisation.
"La société de surconsommation, fruit d'un capitalisme dérégulé, relève d'une logique compulsionnelle dénuée de réflexion, qui croit que le maximum est l'optimum et l'addiction, la plénitude." Cynthia Fleury