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2021-07-23T10:50:20+00:00
Louis Hausalter
"On cavale vers la vaccination obligatoire"
« L’avenir est sombre », maugrée un parlementaire proche d’Emmanuel Macron. Ces derniers jours, les responsables de la majorité grimaçaient devant les courbes de contamination au Covid-19. Le seuil des 20.000 cas par jour a été dépassé cette semaine. « Il faut hystériser le débat. Que les gens comprennent qu’en août, ce sera 85.000 cas par jour », reprend notre interlocuteur, un peu paniqué. A l’image d’une Macronie où l’alarmisme et la déprime sont de retour.
Il suffisait de voir Olivier Véran ronger son frein, sur le banc du gouvernement à l’Assemblée nationale, qui a voté ce vendredi matin, aux alentours de 5h30, le projet de loi sur le passe sanitaire, avant son passage au Sénat. Dès mardi, le ministre de la Santé avait tiré la sonnette d’alarme dans l’hémicycle : « Nous avons une augmentation de la circulation du virus de l'ordre de 150 % sur une semaine. Nous n'avons jamais connu cela. »
"On n'arrive pas à lire cette épidémie"
En quelques semaines, l’ambiance a complètement changé au sommet de l’Etat. A la fin du printemps, un parfum d’optimisme gagnait le gouvernement, grisé par la réussite du plan de réouverture. « Nous sommes enfin en train de sortir durablement de cette crise sanitaire », claironnait même Jean Castex dans le Parisien le 10 mai. Patatras... Le plus grand symbole du retour de la chape de plomb est sans doute le rétablissement du masque obligatoire à l’extérieur dans des communes de plusieurs départements, comme les Pyrénées-Orientales, le Var ou la Meurthe-et-Moselle.
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Les premiers signaux d’inquiétude sont pourtant venus assez vite, à mesure de la propagation du variant indien (dit Delta) à l’étranger. « Si les gens ne vont pas se faire vacciner, à la rentrée, c’est fini », prévenait déjà fin juin un conseiller élyséen, un peu dérouté : « On n’arrive pas à lire cette épidémie. Les scientifiques ne comprennent pas pourquoi ça a baissé aussi vite, et maintenant, ça pète chez les Britanniques. C’est flippant. »
"Fête du slip"
Pourtant, l’explosion des contaminations ne se traduit pas par une pression accrue sur l’hôpital : les hospitalisations sont même au plus bas depuis octobre 2020, et le nombre de personnes en réanimation est stable. Question de jours, rétorque-t-on dans la majorité. « Notre crainte, c’est le volume. Si on suit la même courbe exponentielle, il y a un moment où ça va dérailler, assure un cadre. Les jeunes sont en train de se contaminer massivement. Ensuite, ils vont rentrer à la maison, contaminer papa et maman qui ne sont pas tous vaccinés, et surtout les 15 à 20% de seniors non vaccinés. Ce sont eux qui finiront à l’hosto. » Et de poursuivre : « Là, c’est un peu la fête du slip. Les gens ont vraiment envie de décompresser, d’autant qu’ils se disent que ça va être la guerre en septembre ! Mais si vous ne prenez pas de mesures restrictives, ils ne se disent pas que la situation est grave. »
Il n’empêche, le passe sanitaire et ses modalités ont fait l’objet de contestations jusqu’au sein de la majorité. La présidente LREM de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, n’y était pas favorable, et a bataillé pour obtenir des assouplissements tels que le report à la fin septembre de son application aux 12-17 ans. Pacôme Rupin, autre député LREM, s’est lui tout simplement opposé à l’extension du passe, qui « va fracturer notre pays ». « Je suis assez effaré qu’aujourd’hui, on nous demande de l’élargir, après les engagements qui avaient été pris de ne pas le faire », déclarait-il mardi en commission des lois. Une référence aux propos d’Emmanuel Macron qui assurait, fin avril, que « le passe sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français ».
"Chaos mondial"
« Oui, on avait dit qu’on ne le ferait pas, mais on n’avait pas le Delta, s’agace un ministre. De même qu’on avait dit qu’il n’y aurait pas de vaccination obligatoire, alors qu’à mon avis, on y cavale. » Et de redouter : « Un quatrième confinement, on aurait vraiment du mal... » Quant à confiner uniquement les non-vaccinés, « je pense que ça ne passe pas, on se ferait shooter par le Conseil constitutionnel ».
Côté politique, une certitude s’installe : le quinquennat semble bel et bien terminé, tant le Covid absorbe l’attention. Emmanuel Macron a repoussé sa réforme des retraites « tant que l'épidémie ne sera pas sous contrôle », autrement dit à une date qui s’annonce lointaine. La Macronie, qui pensait enfin tourner la page, rumine désormais de sombres scénarios. « L’autre problème qui se pose, c’est la vaccination dans le monde entier. Des pays risquent de devenir des usines à variants », observe un cadre de la majorité, qui songe à la situation dramatique de la Tunisie. Un ami du chef de l’Etat se fait encore plus pessimiste : « On fait un pari massif sur la vaccination, mais le prochain variant passera outre le vaccin... » « De toute façon, ce virus est un chaos, et un chaos mondial. C’est Un jour sans fin », conclut notre ministre cité plus haut, fataliste. En rappelant au passage que « la variole, on a mis cent ans à l’éradiquer ». Encourageant !