par fourcroy » 24 Fév 2021, 11:56
J'ai l'impression qu'en entend chez Raoult ce qu'on a envie d'entendre. Sa vidéo commence par un aveu d'incompréhension, ce que Glacefroide comprend comme visiblement du mépris, alors que j'y vois exactement l'inverse. Depuis le départ, il me semble que les problèmes viennent plus des gens qui croient savoir que de ceux qui cernent les limites de leurs connaissances.
Que les politiques aient principalement agi en regardant ce qui se passait chez le voisin, et aussi, d'ailleurs, en fonction du sentiment de leur population, je crois que c'est assez vrai. La phrase qui parle de primates est à cet égard déplacée, mais c'est à mon sens la seule de la vidéo. On en a déjà parlé : les politiques font ce qu'ils peuvent et l'on attend d'eux des décisions, prises en l'absence d'informations fiables et clairement interprétables ; c'est pourquoi je ne leur jette pas (trop) la pierre.
Je suis en désaccord avec Raoult sur l'un des points essentiels de sa vidéo : quand il dit que les mesures barrières ont montré leur efficacité contre certains virus, et leur inefficacité en matière de lutte contre le covid. Nous rentrons là dans un domaine très délicat de l'épistémologie, qui est le passage subreptice de la corrélation à la causalité, souvent hasardeux. On peut effectivement penser, c'est du bon sens, que le faible nombre de grippes et de gastros cette année n'est pas sans lien avec le port du masque, les lavages de mains et autres mesures d'hygiène. Que le covid atteigne un pic malgré ces mesures ne signifie pas que le nombre de contaminations n'eût pas été beaucoup plus élevé en leur absence. L'argument est faible, sinon fallacieux.
Il me semble qu'il y a des raisons de penser que les mesures ont eu des effets positifs en constatant des baisses de contaminations après quelques semaines de confinement. Comme il y en a aussi qui me semblent aller dans le sens d'une faible efficacité de ces mesures : des écarts énormes dans les mêmes pays entre première et deuxième vague (pourquoi dix fois plus de victimes en Pologne et "seulement" 50% de plus en France ?), des différences importantes entre pays voisins pratiquant des politiques similaires, le fait que le non-reconfinement (courageusement àmha) imposé par Macron ne semble pas conduire à une explosion des cas, etc. Toutes ces considérations sont ascientifiques, mais pas forcément idiotes.
Sur cette histoire de deuxième vague, la ligne de défense de Raoult est que ce n'est pas une deuxième vague, mais une nouvelle épidémie, puisque les variants initiaux se sont éteints. Ca vaut ce que ça vaut et, personnellement, cela ne me convainc guère. Toutefois, Raoult a publié un bouquin reprenant verbatim ses déclarations pendant l'épidémie. A tout le moins, cela montre qu'il n'a pas peur d'être confronté à ses anciennes déclarations, même s'il peut s'en sortir à l'occasion par une pirouette.
Ce n'est pas la première vidéo où Raoult évoque le séquençage massif d'une part et le caractère mutagène du Remdesivir d'autre part. Il affirme à l'envi avoir été pionnier en matière de recherche de variants par séquençage et montre effectivement de telles analyses depuis des mois dans ses vidéos, donc ce n'est sans doute pas tout à fait faux. Lui a-t-on craché à la gueule au départ comme il l'affirme, je l'ignore, mais j'attendrai la preuve du contraire avant de le traiter d'affabulateur. Concernant le Remdesivir, il est évident qu'il est partie prenante dans l'affaire et va chercher à charger à mort ce médicament. Pour autant, dit-il n'importe quoi ? Je comprends qu'on exerce sa faculté cartésienne de douter, je trouve inepte d'affirmer a priori que c'est délirant. Sauf si, bien sûr, on connaît bien le dossier scientifique. Ce qui n'est pas mon cas.
Quand Raoult présente des résultats de recherche issus de la littérature, il faut une certaine autorité pour le contredire. Odile Fillod l'avait fait sur un point en analysant les articles cités, long article dont j'avais posté le lien ici. Dont acte. Mais, c'est mon côté ex-universitaire, je n'accepte pas qu'un non-spécialiste vienne raconter d'un spécialiste qu'il raconte de la merde sur un plan strictement scientifique. Pas sur le plan moral, tout le monde peut raconter ce qu'il veut. Twitter est fait pour ça. Juste que c'est un point de vue que, à titre purement personnel, j'écarte a priori.
Cela posé, je reconnais que le club Dorothée me manque.
"La société de surconsommation, fruit d'un capitalisme dérégulé, relève d'une logique compulsionnelle dénuée de réflexion, qui croit que le maximum est l'optimum et l'addiction, la plénitude." Cynthia Fleury