L’OMS, l’œil de Pékin ?
Genève, le mercredi 29 avril – Acteur majeur de la lutte contre la pandémie, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est accusée d’être sous influence chinoise et d’avoir contribué à dissimuler l’ampleur de la crise sanitaire à ses débuts.
Le 14 avril dernier, en pleine pandémie de coronavirus, depuis le jardin de la Maison Blanche, Donald Trump a mis ses menaces à exécution et annoncé la suspension de la contribution américaine à l’OMS. Le président américain accuse l’organisation onusienne d’avoir caché des informations sur le virus au début de l’épidémie et d’avoir adopter un parti pris prochinois.
« Si l’OMS avait fait son travail et envoyé des experts médicaux en Chine pour étudier objectivement la situation sur le terrain, l’épidémie aurait pu être contenue à sa source ». L’accusation est, comme souvent avec Donald Trump, excessive mais malheureusement non dénué de fondement.
Le Dr Tedros, l’homme de Pékin
Cette influence chinoise sur l’OMS ne date pas de l’épidémie de coronavirus, mais remonte au 1er juillet 2017. Ce jour-là, Tedros Adhanom Ghebreyesus devient le premier africain à prendre la tête de l’organisation internationale. Le « docteur Tedros » comme on le surnomme est un ancien membre du gouvernement d’Éthiopie, un pays sous forte dépendance économique de la Chine. Le nouveau directeur de l’OMS va rapidement aligner les prises de position pro-chinoises. Le président Xi Jinping est qualifié de « visionnaire » et le système de santé chinois est présenté comme un « modèle ».
La main mise chinoise sur l’OMS aura malheureusement des conséquences dramatiques au début de l’épidémie de coronavirus. Dès le 31 décembre, l’organisation reçoit des alertes de Taiwan et de médecins chinois sur l’existence à Wuhan d’une maladie semblable au SRAS et transmissible entre humains. Mais l’OMS fait pleine confiance aux autorités chinoises. Le 14 janvier, elle valide les conclusions de l’enquête officielle chinoise qui indique que le virus ne se transmet pas entre hommes. Pourtant, l’isolement des malades a déjà commencé et les médecins de Wuhan sont invités à porter masques et gants.
Un mois de perdu
Il faudra finalement attendre le 20 janvier pour que le docteur Zhong Nanshan révèle au monde que la maladie se transmet bien entre humains (déjà en 2003, ce pneumologue émérite avait contesté la ligne officielle de Pékin pendant l’épidémie de SRAS). Alors que Wuhan est placé en confinement, l’OMS refuse de déclarer l’état d’urgence sanitaire mondiale, sous la pression de diplomates chinois. Le docteur Tedros préfère se rendre à Pékin où, le 28 janvier, il félicite le président Xi d’avoir mis en place « un nouveau standard dans le contrôle de l’épidémie » et loue « l’efficacité de la Chine » et sa « transparence ».
Ce jour-là, le médecin éthiopien se montre encore « plus royaliste que le roi », puisque Pékin reconnait alors avoir fait taire des médecins qui alertaient sur le risque de transmission interhumaine du coronavirus. Deux jours plus tard, le 30 janvier, l’OMS déclare enfin l’état d’urgence sanitaire mondiale. Le monde vient de perdre un mois.
L’internationalisation de la crise ne change rien au soutien indéfectible de l’OMS pour la Chine. L’organisation n’hésite pas à critiquer les pays (Etats-Unis, Italie, Russie…) qui ferment leurs frontières avec la Chine. Elle ne s’inquiète pas des « disparitions » de journalistes chinois après des reportages sur les hôpitaux de Wuhan. L’OMS fait entièrement confiance aux Chinois, qui « font du bon travail » selon un porte-parole. Le 24 février, la mission d’information dépêchée par l’organisation onusienne ne passe que quelques heures à Wuhan.
Taiwan, l’épine dans le pied de l’OMS
L’élément le plus révélateur de l’influence chinoise est sans doute l’attitude de l’OMS envers Taiwan, pays indépendant de facto et revendiqué par la République Populaire. Après l’avoir nié pendant plusieurs mois, le docteur Tedros a reconnu le 10 avril que c’est bien de Taiwan, le 31 décembre dernier, qu’était venu la première alerte sur un risque épidémique, tout en indiquant que le message de Taiwan ne révélait pas de risque de transmission interhumaine. Le mail envoyé par les autorités sanitaires taiwanaises évoquait pourtant l’isolement des premiers malades à Wuhan.
Taiwan, qui est exclu de l’OMS depuis 2016 après en avoir été un membre observateur pendant 7 ans, accuse l’instance internationale de nier la réussite du pays dans sa gestion de l’épidémie, alors que l’île ne compte que 6 morts et 430 cas. Pour seul réponse, le Dr Tedros a accusé les autorités taiwanaises, sans la moindre preuve, d’avoir proféré des propos racistes à son égard.
Mais la palme de la soumission à la Chine revient sans doute à l’épidémiologiste canadien Bruce Aylward. Le 30 mars dernier, lors d’une conférence de presse, ce cadre de l’OMS a refusé de répondre à une question sur Taiwan. Il avait alors déclaré avoir « déjà parlé de la Chine », reprenant ainsi la ligne officielle chinoise selon laquelle l’île est une province de la République populaire. De retour d’une mission à Wuhan, le docteur Aylward avait également expliqué que « le monde avait besoin des leçons de la Chine ». « Si j’avais le Covid-19, j’aimerais être traité en Chine » avait-il déclaré. Une phrase reprise en boucle par les médias chinois.
QH
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