fourcroy a écrit: C'est un point de vue caricatural élitiste contredit quotidiennement depuis toujours. Si les gens éduqués et très diplômés agissaient intelligemment, on s'en serait rendu compte depuis longtemps. D'ailleurs, je pense que tu en es conscient.
La connerie est ce qui caractérise la race humaine dans son ensemble. Ce que j'appelle connerie, c'est la capacité à prendre les mauvaises décisions, à produire des arguments fallacieux, à compliquer sa propre vie et celle de gens qui ne nous ont rien fait de mal, voire que nous apprécions, tout en ayant à sa disposition le savoir (une somme suffisante d'informations) et le savoir-faire (les connaissances techniques suffisantes pour en faire bon usage) pour agir de manière pertinente.
Bien sûr, il y a des tas de situations dans lesquelles nous ne disposons pas de ces informations, voire des fois où le hasard fait que bien qu'ayant pris la bonne décision, celle-ci se retourne contre nous. Ce n'est alors pas de la connerie, mais de la malchance.
J'aime bien citer cette formule de Boris Cyrulnik : "les deux grandes décisions névrotiques de la vie sont le choix de sa profession et celui de son conjoint". Elle a à mon avis une portée bien plus générale, mais illustre bien que quand il y a un enjeu, c'est notre connerie qui décide. Et cela affecte 100% de l'humanité. Nous croyons être rationnels, alors que c'est le narcissisme qui nous contrôle. Ou l'envie.
Cela posé, je ne renvoie pas non plus tout le monde dos à dos. Certaines personnes, notamment, sont davantage conscientes que d'autres des limites de leur savoir, ce qui ne signifie pas être faussement modeste, mais être sûr de ce que l'on sait et avoir une conscience aiguë du moment où nous ne savons plus qu'à peu près, puis plus du tout. Et aussi d'avoir la clairvoyance de ne pas laisser nos névroses parler à la place de nos connaissances. La déclaration inepte du toubib dont est partie ce débat en est un bon exemple. Je ne peux pas imaginer que le gars ne sache pas que ce qu'il sort est une saucisse. Pourtant, il l'a sortie.
Mon cher
Fourcroy, malgré tout mon respect (réel) pour ton intelligence et mon attachement (assumé) nos échanges virtuels, mon avis ici est que tu te fourvoies sur mon propos comme mes intentions.
Tu interprètes mon point de vue comme "caricatural et élitiste". Tu as à moitié raison ou tort, c'est selon. Raison car mon point de vue était volontairement caricatural (comme souvent ici, sinon, ce serait moins amusant). Elitiste ? Non.
Pour justifier mon "élitisme" supposé sur ce point, tu commets à mon sens 2 erreurs :
1. Je pense que tu qualifies mon propos d'élitiste en te reposant davantage sur mes diverses interventions ici depuis des années que sur mon dernier commentaire.
2. Pour justifier ce qualificatif, tu commets une approximation sémantique (extrêmement rare chez toi) en mélangeant "rationalité" et "intelligence".
Je n'oppose pas ici des "débiles" et des "intelligents". Je dénonce l'abandon de la raison au profit de l'émotion. Qu'une personne non experte d'un sujet soit guidée essentiellement par ses émotions (la peur en l'occurrence), son instinct de survie et son espoir de protéger sa vie ainsi que celle de ses proches, me paraît assez logique.
Parfois irritant, lorsque cette même personne commence à présenter systématiquement sa trouille comme un argument d'une portée scientifique mûrement réfléchie. Mais tout ça reste acceptable.
Ce qui me choque, en revanche, c'est qu'un professeur de médecine n'agisse pas de manière
rationnelle. L'erreur est acceptable, elle est même parfois constructive et ouvre de nouvelles pistes jusqu'alors inexplorées.
On peut tout à fait avoir un mauvais résultat en ayant pourtant suivi un cheminement logique impeccable, en ayant conduit une piste jusqu'au bout, d'une manière rationnelle, avec une méthodologie irréprochable.
Ce qui est inacceptable, lorsque l'on est expert d'un sujet, c'est de se tromper volontairement à chaque maillon de la chaîne. Quand la démonstration logique n'a aucun sens, que l'on a saccagé, sacrifié, chaque étape pour arriver à un résultat qui serait discutable et critiquable même s'il s'avérait "exceptionnellement positif".
Tout homme, expert scientifique, dirigeant politique, toi, moi, a ses faiblesses émotionnelles, ses propres principes, ses propres amours et détestations. Ils ont une influence réelle (consciente ou non) sur notre perception du monde et nos actes, y compris ceux que l'on pense réfléchis.
Mais abandonner ce qui nous semble logique, tourner le dos à tout ce que l'on a appris sur la science, la médecine, juste parce que l'on a peur ou par ego, c'est scandaleux voire criminel.
Raoult est secondaire dans tout ça, les résultats ne sont pas définitifs, peut être déjouera-t-il tous les pronostics et aura-t-il raison contre tous. Le drame, comme souvent, ce sont tous ces médecins qui se rallient à la dictature de l'émotion, prennent des positions définitives pour tel ou tel traitement sans preuve, soit par opportunisme (ambition, volonté médiatique, autre), soit avec conviction, une convinction reposant sur leur peur de cette maladie inconnue et l'envie de "faire quelque chose", quitte à faire "n'importe quoi".
On assiste à des rhétoriques outrancières, des comparaisons sans raison, des argumentations totalement déconnectées de la science, du complotisme ahurissant chez des médecins qui ont un avis définitif, sans l'once d'un débat de résultat partiel. Eux sont moins pardonnables que le naïf de toute leçon de médecine.
Je le dis d'autant plus facilement qu'au départ, et compte tenu de mon activité professionnelle par aileurs, j'ai accueilli comme tout le monde avec un certain intérêt les déclarations de Raoult. Mon point de vue de non médecin était : "super d'avoir déjà une piste thérapeutique, mettons en place une étude le plus rapidement possible". J'étais d'ailleurs hostile aux positions de Lacombe, hostile par principe, là encore sans preuve.
La suite, on l'a vue. Elle se passe de commentaires. Un carnage médical et scientifique sur ce plan.