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carma a écrit:Ben il l a même écrit et a commencé à le faire aujourd'hui
gob a écrit:Carma , en tant que médecin, bien entendu que je souscris et je corrobore tout ce que tu dis.
Mais, je le redis, l’attitude globale de Raoult face à ce virus n’est pas la même que celle préconisée officiellement.
La chloroquine n’en est qu’un élément et on ne peut réduire cette discussion à cela.
Il faut aussi je pense que la recherche médicale et thérapeutique s’adapte à cette crise inédite et passe en mode médecine de guerre.
L’épidémie semble s’étendre en France en tout cas.
Comme attendu.
- Les malades sont contagieux AVANT d'être symptomatiques
carma a écrit:Edit : C'est à la fois vrai et faux. Evidemment que quand tu tousses beaucoup, tu envoies plus de virus, donc t'es contagieux. Maintenant si tu roules des pelles à un malade infecté mais pas encore sympto, tu prends des risques. Tu peux transmettre le virus avec des formes asymptomatiques ou très peu symptomatiques.
...
Donc dans l'évolution de la maladie, il y a forcément une fenêtre ou tu es peux/pas sympto mais contagieux. Cette fenêtre est courte, mais tu peux clairement la louper dans ta stratégie de dépistage.
La nature humaine a horreur du vide. En témoigne l’intérêt massif suscité par une molécule, l’hydroxychloroquine (Plaquenil), présentée par certains comme la parade face au nouveau coronavirus, alors qu’aucune thérapeutique n’est pour l’instant validée. Donald Trump lui-même s’est fait médecin en chef pour enjoindre ses concitoyens de se la faire prescrire, avant d’être démenti par sa propre administration, bien plus circonspecte.
Lundi 23 mars, au « 20 heures » de TF1, le premier ministre, Edouard Philippe, a tenté de faire retomber cette fièvre pour l’hydroxychloroquine, née de résultats très préliminaires d’une étude clinique sur un effectif modeste, conduite par le professeur Didier Raoult (IHU Méditerranée infection, Marseille). Après avoir constaté que les avis « des personnes les plus éclairées en la matière sont souvent divergents », le premier ministre s’est référé au Haut Conseil de santé publique, qui n’a recommandé d’utiliser l’hydroxychloroquine que dans des cas sévères en milieu hospitalier et sur décision collégiale des médecins. Un arrêté va être pris en ce sens par le ministre de la santé, Olivier Véran.
Le chef du gouvernement répondait ainsi à la pression de certains élus : « La chloroquine, pourquoi ne l’utilise-t-on pas ? », s’était ainsi interrogé sur France Inter le patron des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau. Le maire LR de Nice, Christian Estrosi, contaminé par le coronavirus, a indiqué à Radio J qu’il a « envie qu’on fasse confiance » à Didier Raoult.
L’intéressé lui-même a créé un appel d’air en annonçant, dimanche 22 mars, que son institut allait pratiquer des tests sur tous les malades fébriles qui viendraient consulter, et proposerait aux patients infectés le traitement par hydroxychloroquine combinée à un antibiotique, l’azithromycine – hors autorisation de mise sur le marché. De longues files de patients se sont aussitôt constituées près de l’IHU. Ailleurs, des médecins généralistes et hospitaliers commencent à en prescrire. D’autres mettent en garde contre des utilisations non contrôlées, potentiellement dangereuses pour les patients et néfastes à l’évaluation scientifique des effets de la molécule.
Des espoirs et des critiques
La fièvre n’est pas que française. Plusieurs pays ont inscrit l’hydroxychloroquine dans leurs protocoles de traitement, certains constituent des réserves – au Maroc, le gouvernement a préempté les stocks de Sanofi, fabricant du Plaquenil. En France, l’industriel indique ne pas avoir reçu une telle demande des pouvoirs publics – et souligne que les patients habituellement traités contre le lupus ou une polyarthrite – les indications reconnues – doivent rester prioritaires.
Décrit sur le site de la revue International Journal of Antimicrobial Agents, l’essai clinique dirigé par Didier Raoult concentre tous les espoirs, mais aussi un grand nombre de critiques. Au point que le conseil scientifique constitué pour conseiller l’exécutif et présidé par Jean-François Delfraissy a demandé une expertise à son sujet.
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Chargée de cette mission, l’épidémiologiste et biostatisticienne Dominique Costagliola (directrice adjointe de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, Sorbonne Université) est très critique. « Cette étude est conduite, décrite et analysée de façon non rigoureuse avec des imprécisions et des ambiguïtés. Il s’agit d’un essai à fort risque de biais selon les standards internationaux. Dans ce contexte, il est donc impossible d’interpréter l’effet décrit comme étant attribuable au traitement par hydroxychloroquine », résume-t-elle. Dans une situation normale, selon elle, l’article n’aurait d’ailleurs pas été accepté dans une revue (rappelons ici qu’un des coauteurs de l’étude est le rédacteur en chef de la revue qui l’a accueillie).
Pour parvenir à cette conclusion, la biostatisticienne a disséqué à la fois le protocole et les résultats, et mis en évidence de nombreux points litigieux, qu’elle a consignés dans une note écrite – très détaillée et très technique – au Conseil scientifique du Covid-19. « Concernant le calcul du nombre de sujets nécessaires, il est conduit comme si on avait une étude randomisée avec 2 bras [qui compare deux groupes constitués de façon aléatoire, l’un traité et l’autre non], ce qui n’est pas le cas, et les éléments fournis ne permettent pas de reproduire ce calcul », ajoute Dominique Costagliola. Mais c’est sur la partie résultats de l’article que ses observations sont les plus inquiétantes.
Six patients sur vingt-six ont été exclus de l’analyse des résultats
Sur les vingt-six patients enrôlés dans l’essai, six sont considérés comme perdus de vue : trois passés en réanimation, un décédé, un sorti de l’hôpital et un pour effet indésirable. Dans l’article, ces six sujets sont exclus de l’analyse des résultats. Un point qui fait bondir la spécialiste. « Cela pose un problème sévère, une analyse rigoureuse aurait dû considérer tout ou partie de ces cas comme des échecs, estime-t-elle. C’est par exemple ainsi qu’on analyse les essais dans le domaine du VIH. »
Autre souci de taille, les résultats de charge virale présentés par les auteurs ne sont pas conformes aux mesures réalisées : 5 des 16 patients du groupe non traité n’ont en fait pas été prélevés à J + 6 et leur résultat est pourtant considéré par les auteurs comme positif (présence du virus). Alors que dans le groupe traité, où 1 des 20 patients n’a pas été prélevé, son résultat est noté négatif. Sur ces arguments et d’autres, Dominique Costagliola considère qu’il est impossible de juger si les deux groupes sont comparables. Surtout, « l’analyse a été conduite en vue de favoriser le bras traité » (c’est-à-dire les patients prenant de l’hydroxychloroquine), écrit-elle noir sur blanc dans sa note au Conseil scientifique.
Les faiblesses pointées par la biostatisticienne sont largement partagées par la communauté scientifique, y compris hors des cénacles franco-français. Une note rédigée par trois biostatisticiens britanniques reprend les mêmes arguments. Anthony Fauci, qui dirige l’Institut national américain des maladies infectieuses a qualifié d’« anecdotiques » les preuves d’une efficacité du Plaquenil, faute d’« essai clinique contrôlé ».
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Sur PubPeer, un site destiné à pointer des faiblesses méthodologiques dans la production scientifique, l’article de l’équipe marseillaise concentre aussi une série de questions. Contacté par Le Monde pour éclaircir ces différents points, Didier Raoult n’a pas donné suite à ces sollicitations.
Essai clinique européen sur 800 patients français
Pour faire avancer le débat, l’épidémiologiste Philippe Ravaud (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) a demandé, lundi 23 mars, aux auteurs de l’étude de lui donner accès aux données brutes, individuelles, des personnes ayant participé à l’essai. « C’est une procédure banale aujourd’hui pour des jeux de données d’importance extrême, ce qui est le cas de l’étude de Didier Raoult », justifie ce médecin, qui effectue la démarche en tant que président du conseil scientifique de la Fondation Cochrane (une organisation internationale indépendante dont la mission est de favoriser la prise de décisions éclairées par des données probantes).
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L’intérêt, explique-t-il, est de comprendre ce qui a été fait, de réanalyser les données d’une façon différente, pour mieux préciser quelles populations pourraient le plus bénéficier de ce traitement et guider d’autres études si elles sont nécessaires. « Aujourd’hui, la transposition de cette étude à la pratique n’est pas une évidence totale et simple », estime Philippe Ravaud, tout en rappelant que Didier Raoult dispose, dans son domaine, d’une reconnaissance mondiale.
A défaut d’avoir convaincu, l’infectiologue marseillais a été entendu : la piste de l’hydroxychloroquine, ouverte au départ par des Chinois, va être évaluée à plus grande échelle. Ainsi, lors de la conférence de presse – organisée par Skype – de présentation de l’essai clinique européen Discovery, coordonné par l’Inserm, et portant sur 800 patients français, les professeurs Florence Ader et Bruno Lina ont évoqué l’inclusion de l’hydroxychloroquine parmi les quatre traitements testés.
Ils n’ont pas prononcé le nom de Didier Raoult. L’essai est « adaptatif » a souligné Florence Ader : « Si nous observons une absence d’efficacité ou trop peu d’efficacité sur l’un ou l’autre des traitements, on pourra arrêter et basculer vers d’autres molécules d’intérêt. » Premiers résultats espérés dans quelques semaines.
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